Turquie : Erdogan combat les Kurdes aussi sur le terrain politique
Il n’y a pas que la guerre contre le PKK en Turquie, en Irak ou en Syrie. On assiste ici également à une véritable vendetta contre les instances politiques kurdes. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Le HDP (Parti démocratique du peuple), parti pro-kurde, est dans le viseur du gouvernement depuis plusieurs années. Son chef de file Selahattin Demirtas, arrêté en 2016, est emprisonné sous l’accusation de lien avec le terrorisme. Mais c’est vrai que la répression se durcit et l’approche des élections dans moins de six mois n’y est sans doute pas étrangère.
Le HDP est le troisième parti de Turquie, il représente 10 à 13% du corps électoral. Ce n’est pas négligeable alors que les sondages prédisent une lutte serrée entre le président sortant et l’opposition. Le HDP pourrait donc bien être faiseur de rois. Il représente une menace, que Recep Tayyip Erdogan souhaite éliminer.
Attaques financières et judiciaires
Le pouvoir a carrément demandé à la cour constitutionnelle d’interdire le parti. C’est toujours la même raison : il accuse le HDP de lien organique avec le PKK, terroriste. Le HDP parle lui d’un putsch politique. L’audience est fixée à mardi prochain, le 10 janvier. Le parti pro-kurde risque d’être dissous. Et déjà le procureur général a obtenu le gel des avoirs du HDP, juste avant le versement d’une première tranche d’aides publiques. En fait le gouvernement s’emploie à asphyxier financièrement le parti kurde et le prive de représentation politique à tous les niveaux. Il a déjà limogé plusieurs dizaines de maires HDP, presque la totalité en fait, qu’il a remplacés par des administrateurs. Des députés HDP ont été arrêtés et risquent de devoir abandonner toute fonction politique. L’objectif est de réduire à tout prix le poids du parti
Mais l'efficacité de ces mesures n'est pas assurée : si le HDP est interdit, un nouveau parti sera créé comme ce fut le cas par le passé, disent les Kurdes, chaque fois que leur vitrine politique a été brisée. Et les électeurs kurdes, assez disciplinés, voteront pour le candidat que le parti soutiendra quel qu’il soit. Le président Erdogan l’a bien compris. Cette fois-ci, il ne récupérera sans doute pas le vote kurde. Du coup il tente de réduire ses élus à l’impuissance et crée un véritable climat d’intimidation dans la société civile kurde, emprisonnant notamment de plus en plus de journalistes.
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