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Royaume-Uni : Liz Truss vs Rishi Sunak, le duel des finalistes pour succéder à Boris Johnson

Le Royaume-Uni s'apprête à tourner la page Boris Johnson. Deux candidats restent en lice pour lui succéder à la tête du gouvernement. Ce sont les membres du parti conservateur qui vont devoir les départager.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 93 min
Liz Truss et Rishi Sunak, les deux candidats conservateurs en lice pour remplacer Boris Johnson à la tête du gouvernement britannique.  (DANIEL LEAL / AFP)

Celui qui a le plus de soutiens parmi les députés tories (il a obtenu 137 voix sur 357), c'est Rishi Sunak. 42 ans, sourire séducteur, éloquence naturelle, l'homme est un élégant qui ne quitte jamais ses mocassins Prada... même pour visiter des chantiers, ce qui lui a récemment valu quelques critiques. Petit-fils d’immigrés indiens, il a suivi le parcours classique de l'élite britannique : école privée pour garçons (Winchester College), université d’Oxford. D'abord consultant chez chez Goldman Sachs, puis à la tête d'un fond spéculatif, il fait fortune dans la finance avant de goûter sur le tard à la politique. Il n’est député que depuis 2015, pour le Yorkshire (nord de l’Angleterre).

Au ministère de l'Économie, Rishi Sunak a bien géré la période difficile de la pandémie, il cultive son image de candidat compétent, honnête, sérieux. On ne lui connaît qu'une seule gaffe, devant des lycéens à qui il a avoué être : "a total coke addict" ( "complètement accro à la coke") Il parlait bien sûr... de Coca-Cola.

Mais son étoile s'est un peu ternie après des révélations sur ses arrangements fiscaux... Sa femme, une milliardaire indienne dont la fortune dépasse celle de la reine d'Angleterre, ne payait pas d’impôts au Royaume-Uni et jusqu'à l'an dernier, lui déclarait ses revenus aux États-Unis (avantage réservé aux détenteurs d'une carte verte, qui donne droit à un permis de séjour long). Autre handicap aux yeux du camp Johnson, c'est lui le traître qui a précipité la chute du premier ministre en démissionnant début juillet.

"Je suis prête à m'écraser dès le premier jour"

Face à lui, Lizz Truss, la ministre des Affaires étrangères qui à 46 ans a déjà dirigé un nombre impressionnant de ministères (de l'environnement au commerce en passant par la justice…) ; même si elle apparaît comme l'héritière naturelle de Boris Johnson, elle s'est montrée assez peu convaincante jusqu'ici dans les débats et suscite plus d'adhésion parmi la base du parti que dans les rangs des députés.

Chevelure blonde et lisse, franc-parler mais diction monocorde, Liz Truss est devenue la personnalité en vogue chez les conservateurs. Son manque de charisme se double pourtant d'une certaine maladresse. Mercredi 20 juillet, juste après avoir été confirmée, elle a tweeté par erreur : « I am ready to hit the ground from day one », ce qui veut dire : « je suis prête à m’écraser dès le premier jour »…Son message a été corrigé. Elle voulait en réalité écrire "je suis prête à commencer sur les chapeaux de roue" ("to hit the ground running from day one").

Plusieurs sondages la donnent malgré tout gagnante face à son ancien collègue des Finances. Selon la société de sondages Yougov, elle le devancerait même par 54 % contre 35 % des votes.

Baisse d'impôts contre maintien des augmentations

C'est principalement sur les questions économiques qui ont été au coeur de la campagne que les deux candidats se différencient, alors que le pays enregistre une inflation à 9,4  % en juin sur un an. Liz Truss, qui promet des dérégulations à tout-va pour plaire aux brexiters, s'est aussi engagée à appliquer des baisses d'impôt majeures "dès le premier jour" pour protéger le pouvoir d'achat des Britanniques, alors que Rishi Sunak veut au contraire maintenir les augmentations récentes pour équilibrer les comptes.

Liz Truss a mis beaucoup d'énergie ces derniers mois à parfaire son image de brexiter pure et dure : alors qu'en 2016 elle avait voté le maintien dans l'union européenne, elle défend aujourd'hui avec conviction le protocole nord-irlandais que Bruxelles considère comme une violation des engagements internationaux du Royaume-Uni.

Comme Thatcher, la « Dame de Fer » qui a dirigé le Royaume-Uni de 1979 à 1990, elle se présente comme une championne du libre-échange et veut incarner l'essence du conservatisme britannique. Elle ne manque d'ailleurs jamais l'occasion de se mettre en scène comme sa figure d'inspiration. En novembre 2021, elle se fait photographier à bord d'un tank, lors d'une visite aux forces de l'Otan en Estonie ? Margaret Thatcher avait fait la même chose dans une base britannique d'Allemagne de l'Ouest en 1986.

Les deux finalistes auront l'occasion de confronter leurs idées lors d'un débat le 25 juillet sur la BBC, en direct depuis Stoke-on-Trent, ville du centre de l'Angleterre qui avait voté à plus de 69% pour le Brexit lors du référendum de 2016, devant un public de 80 à 100 personnes.

"Hasta la vista, baby"

Ce sont maintenant les quelque 200 000 membres du Parti conservateur qui vont voter par correspondance tout le mois d’août pour les départager. Le 5 septembre on connaîtra le nom du gagnant chargé de donner un nouveau départ à la formation quelque peu malmenée après la tumultueuse période Johnson.

Mercredi 20 juillet à l'occasion de sa dernière séance de questions au Parlement, BoJo qui officiellement ne soutient aucun des deux candidats a donné quelques conseils : "Restez proche des Américains, soutenez les Ukrainiens, battez-vous pour la liberté et la démocratie. Baissez les impôts et dérégulez pour faire de ce pays le meilleur endroit pour vivre et investir. "

Avant de conclure : "Hasta la vista, baby", la célèbre citation d'Arnold Schwarzenegger dans Terminator 2. Quel(le) que soit le ou la futur(e) locataire de Downing Street, les Britanniques gagneront en stabilité... mais perdront en fantaisie.

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