Pourquoi l'Allemagne réduit de moitié son aide militaire à l'Ukraine

L'Allemagne va-t-elle lâcher l'Ukraine ? Alors que sur le terrain l'armée ukrainienne tente actuellement de consolider les positions prises en territoire russe, Berlin annonce réduire de moitié ses dépenses militaires au profit de Kiev.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
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Le chancelier allemand Olaf Scholtz en février 2024, lors d'une conférence de soutien à l'Ukraine, à Paris. (FRED DUGIT / MAXPPP)

"La fête est finie", résumait dimanche 18 août une source gouvernementale, confirmant l’information parue un peu plus tôt dans la presse. Cette année, l'Allemagne a dégagé 8 milliards d'euros de crédits pour l'Ukraine. Dans son budget 2025 ce sera quatre milliards, en 2026, trois milliards et en 2027, l'objectif est de ne pas dépasser 500 000 millions d'euros.

Même si quatre milliards, c'est revenir au montant de l'année 2023 (après une année 2024 exceptionnelle qui avait vu un doublement de l'aide), la chute est brutale. Et inutile d'espérer négocier des enveloppes exceptionnelles. En juillet, après le bombardement de l'hôpital pour enfants de Kiev, le ministre allemand de la Défense avait voulu fournir à Kiev un système de défense antiaérien supplémentaire. Il avait déjà eu droit à un "nein" retentissant. Après plusieurs années de dérapage, Berlin souhaite revenir au fameux "frein à l'endettement", cette règle inscrite dans la Constitution qui limite le recours à la dette publique. Ce qui ne va pas sans créer de fortes tensions entre les trois partenaires de coalition.

Retour à des dépenses maîtrisées

Ces derniers mois, les arbitrages budgétaires ont été très difficiles, les écologistes refusant, par exemple, de valider des coupes sur le social ou la transition écologique, pour préserver leur capital politique avant plusieurs élections régionales importantes en septembre. Au ministère de la Défense, le social-démocrate Boris Pistorius, ardent partisan du soutien militaire à l’Ukraine (et accessoirement personnalité politique préférée des Allemands) se heurte lui aussi au libéral ministre des Finances, Christian Lindner, qui tient bien serrés les cordons de la bourse.

Cette diminution allemande de l'aide militaire à l'Ukraine, va avoir un impact important : selon le classement du Kiel Institute, qui reste une référence, l'Allemagne est le deuxième fournisseur d'armes de l'Ukraine, derrière les États-Unis (et loin devant la France). Entre le début de la guerre en février 2022 et le 30 juin 2024, sa contribution s’élève à plus de 14 milliards d’euros d’aide directe. Berlin a notamment fourni 76 chars Leopard, trois systèmes antiaériens Patriot et 24 systèmes de missiles antiaériens de courte ou moyenne portée Iris-T.

Utiliser les intérêts des avoirs russes gelés

Berlin, qui veut passer le relais, lorgne du côté des intérêts générés par les 300 milliards de dollars d'actifs russes qui sont gelés dans les banques européennes. En juin, plusieurs pays du G7 se sont mis d'accord pour les utiliser. Mais maintenant, il faut discuter des détails techniques de mise en œuvre, ce qui peut encore prendre plusieurs mois.

Le recul allemand alimente d'autant plus les inquiétudes que l'aide américaine elle aussi, risque d'être remise en cause en cas d'élection de Donald Trump. Très agacé, l’ambassadeur d’Ukraine à Berlin rappelle que c'est "la sécurité de l’Europe" tout entière qui "dépend (aujourd’hui) de la volonté politique de l’Allemagne". À Berlin, les critiques pleuvent sur ces coupes franches jugées "peu judicieuses".

Le meilleur avocat des Ukrainiens lundi matin est russe, il s'appelle Gary Kasparov. Cet opposant à Vladimir Poutine, aujourd'hui exilé aux États-Unis, s'offre une page entière dans le quotidien Bild. Sur la photo d'une femme dans un cimetière de combattants rempli de drapeaux jaune et bleu, on peut lire cette phrase : "Autrefois, l'Allemagne a mené le monde au bord du gouffre. Monsieur le Chancelier Scholz, ne permettez pas que cela se reproduise. Donnez à l'Ukraine l'aide militaire dont elle a besoin". Le compromis de budget sera examiné au Parlement à la rentrée, des ajustements sont encore possibles, les débats promettent d'être enflammés.

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