Cet article date de plus d'un an.

Nicaragua : Miss Univers 2023, symbole de beauté et d'opposition, embarrasse le pouvoir

Sheynnis Palacios vient d'être couronnée Miss Univers et est devenue, malgré elle, un symbole de résistance contre le pouvoir. Cette victoire, célébrée dans le pays, incommode l'actuel président, Daniel Ortega.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La miss Nicaragua, Sheynnis Palacios, couronnée miss Univers lors du 72e concours au Salvador, le 18 novembre 2023. (CAMILO FREEDMAN / DPA / MAXPPP)

Sheynnis Palacios est nicaraguayenne, elle a 23 ans, des yeux de biche et des jambes interminables. Il y a 15 jours, au Salvador, elle a été élue Miss Univers 2023 parmi 83 concurrentes. Devenant la première femme originaire d'Amérique centrale à décrocher le titre. Au Nicaragua, son triomphe a été célébré comme une victoire en Coupe du monde de football avec des rassemblements de joie dans les rues de Managua, la foule agitant des drapeaux et chantant à tue-tête l’hymne national.

Et déjà ça, c'est un problème, parce que sous la dictature policière du président Daniel Ortega, les manifestations sont interdites depuis 2018. Cette année-là, un vaste mouvement de rébellion fait chanceler le pouvoir, il est réprimé dans le sang et fait 350 morts. Cette année-là, le drapeau à bandes bleues et blanches brandi dans les manifestations devient le symbole honni de l'opposition, le déployer aujourd'hui dans l'espace public vous conduit immanquablement en prison.

Célébrer l'élection de Miss Univers devient un acte politique, parce qu'en 2018 Sheynnis Palacios a participé aux marches contre le gouvernement. Il y a des photos où on la voit brandir le fameux drapeau. La vice-présidente, la femme de Daniel Ortega, qualifie ces clichés de "communication terroriste" et les rassemblements des derniers jours de "tentative de coup d'État".

Son compte Instagram dépasse 1,5 million d'abonnés

Évidemment, depuis qu'elle est entrée dans le circuit des reines de beauté et qu'elle a cessé de vendre des beignets de manioc dans la rue avec sa mère pour financer ses études, Sheynnis Palacios n'a jamais déclaré ouvertement son hostilité au régime. Mais elle est devenue - malgré elle - un symbole de résistance. Une Cendrillon moderne qui porte l'espoir des Nicaraguayens plongés dans la pauvreté ou en exil. Son compte Instagram dépasse le million et demi d'abonnés. Si bien que l'appareil de propagande à la tête de l'État ne sait plus s'il doit la considérer comme une traîtresse à la patrie ou comme le moyen inespéré de redorer l'image du Nicaragua à l'étranger.

Le gouvernement lui interdit de rentrer au Nicaragua

D'autant qu'avant qu'elle ne gagne son titre de Miss Univers, le régime ne voulait pas entendre parler d'elle. C'est aussi l'ironie de cette histoire. La télévision d'État s'était bien moquée d'elle, persuadée qu'elle ne gagnerait jamais et le gouvernement lui avait interdit de rentrer au pays après le concours, de la même manière qu'il a déchu de leur nationalité plusieurs centaines de personnes jugées trop critiques. Après l'avoir félicitée, Daniel Ortega semble finalement avoir opté pour une position dure. Samedi dernier la responsable nationale de Miss Univers qui voulait rentrer a été refoulée à l'aéroport et embarquée à bord d'un vol pour le Mexique. La nouvelle Miss n'aura pas l'occasion de vérifier par elle-même. Son contrat prévoit qu’elle résidera pendant un an à New York.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.