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Marcos Junior, président des Philippines, 36 ans après son père ?

Dans la famille Marcos, après le père, voici le fils... Les Philippines votent lundi 9 mai pour désigner leur nouveau président. Et c'est Marcos Junior, le fils de l'ancien dictateur, qui est donné largement gagnant.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Ferdinand Marcos Jr dans un bureau de vote à Batac (Philippines), le 9 mai 2022. (JAM STA ROSA / AFP)

Ferdinand Marcos Jr, dit "BongBong Marcos" ou "BBM" (les Philippins adorent donner des surnoms à leurs élus) est sur le point de faire revenir son clan au pouvoir, 36 ans après la destitution de son père chassé par un soulèvement populaire. Le scrutin, aux Philippines, est à un seul tour. Et les sondages lui promettent la majorité absolue, loin devant sa principale rivale, Leni Robredo, actuelle vice-présidente et avocate défenseur des droits de l'homme – alors même qu'il est resté plutôt discret dans les médias et n'a participé à aucun des débats organisés pendant la campagne et qu'il refuse de répondre aux questions à la volée lancées par les journalistes.

Ce retour en grâce s'explique grâce à une réécriture totale de l'histoire, qui a commencé dans les années 90 quand la famille est rentrée d'exil, et qui s'est ensuite intensifiée grâce aux réseaux sociaux.

Campagne de désinformation

TikTok, notamment, est devenue la chambre d'écho d'une campagne de désinformation massive pour réhabiliter le régime de Marcos père. On y voit des vidéos affirmant qu'il était "le meilleur président du monde", que les quelque 10 milliards de dollars amassés par le clan ne viennent pas du pillage des caisses publiques, mais de ses revenus en tant qu'avocat.

Oubliés les opposants désignés "ennemis de l'État" arrêtés et torturés par dizaines de milliers pendant cette période, pour les trolls qui se répandent sur les réseaux la loi martiale était avant tout synonyme de stabilité et de croissance économique (alors qu'en réalité elle a mené le pays à la banqueroute). Les électeurs sont sensibles à ce discours : plus de la moitié d'entre eux ont moins de 40 ans, ils n'étaient pas nés sous le règne de Marcos père ou alors sont trop jeunes pour s'en souvenir.

Quant aux plus âgés, ils voient surtout que les gouvernements qui se sont succédés depuis 1986 n'ont pas amélioré la vie des pauvres (un cinquième de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté), que le clientélisme perdure. Leur désenchantement est tel qu'un héritier Marcos ou un autre, aujourd'hui ils ne voient pas bien la différence.

Les affaires mises sous cloche ?

Que peut-on attendre du mandat de "BongBong Marcos" ? Plus sa victoire sera large, plus sa poigne sera ferme.

Agé de 64 ans, rien ne l'empêchera de faire réviser la Constitution pour asseoir son pouvoir et affaiblir la démocratie. Les ONG craignent de voir les atteintes aux droits de l'homme se multiplier. Les affaires du clan, elles, pourraient être définitivement enterrées. 

Pourtant, la Commission présidentielle sur la bonne gouvernance, qui enquête sur les biens mal acquis n'a pas terminé son travail. Elle est toujours engagée dans 89 procès différents, aux Philippines, aux États-Unis et en Suisse. Mais elle est sous la tutelle du chef de l'Etat. Avec Marcos Junior au pouvoir, il est peu probable qu'elle aboutisse à la moindre condamnation.

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