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L’Afrique du Sud veut interdire l’élevage de lions pour la chasse

La pratique en Afrique du Sud de la chasse aux lions est contestée, depuis longtemps, mais elle est très lucrative.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Un lion dans la province du Limpopo en Afrique du Sud. Photo d'illustration. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)


Aujourd’hui, quand un riche Américain fait l’aller-retour en Afrique du Sud pour "chasser du lion" et revenir avec un beau trophée qu’il exposera dans son salon, il ne tue pas une bête sauvage mais un animal d’élevage qu’on a lâché rien que pour lui dans un enclos. On appelle ça la "chasse en boîte" : elle est née dans les années 80, quand la faune sauvage devenait de plus en rare et le filon de la chasse de plus en plus lucratif. "L'industrie du tourisme est sensible aux perceptions négatives (…). Nous voulons nous assurer que les touristes ne vont pas tuer des animaux sortis d'une cage." dit Barbara Creecy, ministre sud-africaine de l'Environnement.

Plus besoin de courir la savane pendant trois semaines pour trouver un lion : tirer sur un fauve qui a grandi en captivité (et que l’on drogue parfois pour être sûr que le chasseur ne le rate pas) ça permet de conserver la clientèle. Le film Mia et le lion blanc a d’ailleurs fait découvrir cette pratique au grand public

Pour "une chasse authentique"


L’Afrique du Sud est le seul pays à autoriser les fermes d’élevage. La pratique fait polémique. Des campagnes pour interdire l'importation des trophées de lions élevés en captivité ont recueilli ces dernières années un soutien croissant. Il y a cinq ans les États-Unis et l’Union européenne ont interdit l’importation de trophées mais cette fois-ci… c’est fini. Le gouvernement a demandé à des experts de travailler sur la question. Après deux ans de réflexion, ils viennent de rendre leurs conclusions, sans appel : on arrête tout !
La ministre de l’Environnement l’a annoncé ce dimanche 2 mai lors d’une conférence de presse. C’est une question d’éthique.
"L'industrie du tourisme est sensible aux perceptions négatives. Nous devons, dit-elle, nous assurer que les touristes intéressés par 'la chasse authentique'  ne vont pas tuer des animaux sortis d'une cage." La chasse aux fauves dans la nature reste bien évidemment autorisée sous conditions.

Si les associations de protection des animaux saluent l’initiative, les professionnels du secteur, eux, enragent. Il y a plus de 300 fermes d’élevage en Afrique du Sud soit entre 8 000 et 12 000 lions élevés en captivité, trois fois plus que dans la nature selon l'association sud-africaine Endangered Wildlife Trust.

Une pratique lucrative

Bien sûr ces structures disent qu’elles participent à la conservation de l’espèce. Sauf que leur pratique relève surtout de la filière touristique et commerciale.
Les vacanciers payent pour être hébergés dans des lodges, ils payent pour caresser les lionceaux et les nourrir au biberon (ça aussi, cela doit cesser dit la commission d’experts), ils payent pour faire des tours de jeep dans les enclos ; et s’ils veulent des sensations fortes ils payent pour tuer. Un lion c’est entre 15 000 et 30 000 dollars pièce (ça dépend de la taille et de la couleur de la crinière). Beaucoup moins parfois quand il y a des promos

Des os de lion pour l’Asie

Une fois que les animaux sont tués, les éleveurs peuvent aussi revendre leurs carcasses pour quelques milliers d’euros supplémentaires : leurs os sont très demandés en Asie du Sud-est pour la médecine traditionnelle (d’autant plus que les os de tigre se font rares). Les quotas d’exportations ont été relevés en 2018 à 1 500 unités par an. Au Vietnam notamment, les os du corps sont bouillis dans de larges pots pour produire des barres de gâteau. Pas sûr que le secteur apprécie de devoir cesser toutes ces activités. La décision doit encore être traduite dans la loi, et ça ne va pas être une partie de plaisir pour le gouvernement sud-africain.

Mais l’espèce est en danger. Il y a environ 20 000 lions à l'état sauvage sur tout le continent africain. Les effectifs ont diminué de moitié au cours des deux dernières décennies et l’espèce risque de s’éteindre d’ici 2050.
Pour enrayer le phénomène il faudrait interdire la chasse, restreindre les cultures et la déforestation, lutter contre le braconnage : un défi titanesque que l’Afrique du sud seule aura bien du mal à relever.

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