La (très timide) reprise du Parlement européen à Strasbourg
Après dix mois d'absence pour cause de coronavirus, le Parlement européen a retrouvé lundi son siège de Strasbourg. Sauf que ça n'a pas duré longtemps... Et qu'il n'y avait personne.
Imaginez un gigantesque hémicycle calibré pour 705 députés, où moins de dix sièges sont occupés, essentiellement par des Français. Les autres élus suivent la session à distance par visio-conférence : ils sont à Bruxelles ou dans leur pays respectif, en bref comme tout le monde, en télétravail.
Sur scène, un homme qu'on n'avait pas vu à l'affiche depuis février. C'est le président du Parlement, David Sassoli, en mode "one man show" sans spectateurs.
Ouverture cet après-midi de la session plénière du Parlement européen , à #Strasbourg, par le @EP_President David Sassoli.
— Fabienne Keller (@fabienne_keller) December 14, 2020
Le Ministre @ClementBeaune est venu rappeler l’engagement et la détermination du gouvernement pour un retour rapide des sessions au siège de Strasbourg. pic.twitter.com/0FvZkbDFE8
"Naturellement, dit-il, nous sommes liés à Strasbourg, pas seulement parce que c'est dans les Traités, mais aussi parce que Strasbourg fait partie de notre histoire européenne. C'est notre maison, notre siège, et nous espérons revenir ici le plus tôt possible, pour revenir à la normalité."
Le plaidoyer est appuyé. Sauf qu'après après une trentaine de minutes, une fois l'ordre du jour adopté, David Sassoli interrompt sa connexion et retourne bien vite... à Bruxelles où se déroule la suite des travaux.
Strasbourg ou Bruxelles ? Le débat est relancé
Ouverte à Strasbourg pour le symbole, cette ultime session de l'année se déroule donc en réalité à Bruxelles. Strasbourg ou Bruxelles ? C'est l'éternel débat, relancé par la crise du coronavirus. Strasbourg est le siège officiel du Parlement : en temps normal, les eurodéputés et leurs assistants y viennent trois jours par mois pour débattre et voter les textes. Mais au quotidien, tout ce beau monde travaille (et vit même souvent) à Bruxelles.
À chaque fois, leur transhumance mensuelle vers la capitale alsacienne rassemble 2 500 personnes avec bagages et paperasserie, en mode colonie de vacances. Ça coûte cher (110 millions d'euros par an) : un fonctionnement qui a de moins en moins de partisans. Or, depuis le mois de mars, pour éviter les déplacements et la circulation du virus, toutes les sessions du parlement (il y en a eu neuf) ont eu lieu à Bruxelles. Ça n'a pas empêché la machine européenne de fonctionner. Et on a entendu de nouveau ce refrain : "On peut très bien se passer de Strasbourg et siéger uniquement à Bruxelles".
Pression de la France pour garder Strasbourg
Sauf que pour ça il faut modifier les traités. Et que pour modifier les traités, il faut l'unanimité des 27. Et ça c'est pas gagné, notamment parce que la France n'a pas très envie de perdre Strasbourg. Grosse pression du gouvernement français ! Le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Clément Beaune, a écrit il y a quelques jours à David Sassoli pour lui demander de rapatrier tout le monde de ce côté du Rhin, et vite.
#Strasbourg | « A la maison ! »
— Clement Beaune (@CBeaune) December 14, 2020
Merci @EP_President de votre présence aujourd’hui. Nous travaillons au retour rapide des sessions du Parlement européen à son siège. Nous avons besoin d’une Europe fière de son histoire et tournée vers l’avenir. Strasbourg en est l’incarnation pic.twitter.com/clYqMr7y69
Le chef de l'État, Emmanuel Macron, avait passé la première couche en septembre : "Si on accepte que le Parlement européen ne se réunisse qu'à Bruxelles, on est foutu (...) L'Europe ce n'est pas ça", sous-entendu : le microcosme des technocrates n'est pas bon pour la démocratie. C'est aussi pour ça que les autres institutions de l'Union sont réparties en différents lieux, à Bruxelles, à Luxembourg (Cour de justice), à Francfort (Banque Centrale)...
Côté français, on estime que le Covid a bon dos : de nombreux fonctionnaires sont en télétravail et n’ont donc pas besoin de se déplacer. Les protocoles sanitaires sont très stricts, et à Strasbourg tout est prêt : le personnel administratif a été divisé par trois (ramené à 340 personnes), les interprètes qui traduisent dans toutes les langues officielles ont été priés de rester à Bruxelles, chaque eurodéputé n'a le droit d'amener dans ses bagages qu'un seul assistant, des repas froids sont servis dans les bureaux et il est possible de se faire tester dans les locaux.
Des bâtiments transformés en centre de dépistage
En attendant le retour de ses occupants réguliers, le Parlement de Strasbourg n'est pas complètement vide. Il a été transformé en centre de dépistage Covid et ses cuisines sont utilisées par la Croix-Rouge qui produit chaque jour 500 repas pour les plus démunis. Les eurodéputés se sont promis de revenir le 2 février. Après quasiment un an d'absence.
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