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Entre la Pologne et la Russie, une relation de tensions

Le missile tombé en Pologne mardi n'a pas été tiré par les Russes mais par les Ukrainiens, c'est désormais une certitude. Après une poussée de fièvre sur la scène mondiale, les appels au calme se multiplient. Mais cet épisode ne va pas arranger les relations entre Varsovie et Moscou, au plus bas depuis le début de la guerre.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les enquéteurs sont sur les lieux où a explosé un missile qui a fait deux morts à Przewodow (Pologne), le 16 novembre 2022. (WOJTEK RADWANSKI / AFP)

Dès la soirée de mardi 15 novembre, le niveau d’alerte militaire a été réhaussé en Pologne et la surveillance de l'espace aérien renforcée. Pendant quelques heures, Varsovie a même hésité à activer l'article 4 du traité de l'Otan - le stade avant l'article 5 et l'intervention militaire : l'article 4 enclenche des consultations renforcées entre États membres, quand l’un d'entre eux estime que son intégrité territoriale ou sa sécurité est menacée. L'idée a finalement été abandonnée, mais la Pologne reste persuadée qu'après l'Ukraine, Vladimir Poutine a d'autres objectifs de conquête, et que Varsovie est en première ligne. C'est pour ça d'ailleurs qu'elle a déjà invoqué cet article au tout début de la guerre – alors avec les pays baltes et la Roumanie.

"Un incident isolé"

Malgré tout, dès mardi soir, on sentait côté polonais la volonté de ne pas jeter d'huile sur le feu, le président appelant à rester très prudent et parlant d'"un incident isolé". Andrzej Duda a discuté une bonne partie de la nuit avec Joe Biden. Le locataire de la Maison Blanche lui a assuré tout son soutien et a rapidement pris la décision d’envoyer une équipe d'enquêteurs américains sur les lieux des explosions.

Pourtant, le 24 février, le jour même où la Russie envahit l'Ukraine, la Pologne se place en état d'alerte et le président Andrzej Duda prévient : nous ferons tout pour mettre un terme à cette agression.

Sur le plan humanitaire, Varsovie commence par accueillir les Ukrainiens qui se présentent le long de ses 500 kilomètres de frontière. Ils sont aujourd'hui 1,3 million à être officiellement enregistrés. Sur le plan économique la Pologne fait partie des Européens qui réclament les sanctions les plus dures contre Moscou.

La Pologne, zone de transit des armes occidentales

Sur le plan militaire, elle est désormais "la" grande zone de transit de l'armement occidental. Blindés, missiles, munitions, drones... tout atterrit dans de gros porteurs à l'aéroport de Rzeszow dans le sud-est avant d'être transporté par la route, il y a moins de 150 km à faire jusqu'à l'Ukraine. Varsovie envoie son propre matériel et propose même, en mars, de mettre ses chasseurs Mig-29 à disposition des États-Unis. Mais c'est aller trop loin : par peur de se retrouver directement en conflit avec la Russie, Washington refuse.

Cet engagement très ferme suscite évidemment la colère de Moscou. L'ancien président russe Dmitri Medvedev dénonce une "russophobie" érigée en politique officielle et le Kremlin accuse Varsovie de "prêter allégeance à l'Amérique".

Le plus atlantiste des européens

Varsovie réplique en expulsant 45 diplomates russes accusés d'espionnage. Et rappelle en effet dès qu'elle le peut son appartenance à l'OTAN  – organisation à laquelle elle a adhéré dès 1999 pour s'extraire de la sphère d'influence russe. 10 000 soldats américains sont désormais stationnés sur le sol polonais.

La guerre fait très nettement sortir Varsovie de la zone grise entre l'Ouest et l'Est dans laquelle elle s'était installée. Elle fait aussi complètement oublier les tensions avec Bruxelles autour du respect des valeurs démocratiques, alors que la crise était pourtant à son paroxysme l'an dernier. Tout cela est passé aux oubliettes, même l'opposition et le parti au pouvoir se sont retrouvés autour de ce principe : l'ennemi réel est à Moscou, pas à Bruxelles.
Que le missile du mardi 15 novembre soit ukrainien ne change au fond pas grand chose. La Pologne songe à augmenter au maximum ses dépenses de défense : un budget de près de 30 milliards d’euros, à peu près 3% du PIB, va déjà servir à moderniser l’armée et remplacer le matériel parti en Ukraine. C’est le double du budget de l’an dernier. Mais l’objectif du ministre de la Défense est de construire une "grande armée de dissuasion". Le chef du parti conservateur nationaliste au pouvoir, lui, prévoit d'y consacrer 5% du PIB, largement deux fois plus que la plupart de ses partenaires.

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