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En Grèce, la liberté de la presse toujours plus menacée

Les journalistes hellênes sont de plus en plus sous pression. La dernière déclaration du Premier ministre conservateur, Kyriakos Mitsotakis, montre à quel point le parti au pouvoir.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le Premier ministre conservateur grec, Kyriakos Mitsotakis. (AHMAD GHARABLI / AFP)

C'est une déclaration-choc qui remet le sujet sur la table. Lors d'une rencontre avec des étudiants de la London School of Economics lundi, le Premier ministre est interrogé sur la liberté des médias dans son pays. Car depuis son arrivée au pouvoir il y a trois ans, les menaces et les pressions se multiplient. La Grèce a même dégringolé dans le classement de Reporters Sans Frontières à la 108e place mondiale : "Désolé mais... c'est de la merde", ce classement dit Kyriakos Mitsotakis aux étudiants. La Grèce, "derrière au moins deux dictatures, comme le Tchad" ?... Je ne dis pas qu'il n'y a pas de mesures à prendre (...) mais vraiment, (chez nous) la liberté de la presse n'est pas un problème", insiste-t-il.

Si ce n'est pas la façon la plus élégante de le dire, cette déclaration met le feu. Evidemment, les principaux concernés ne sont pas du tout du même avis : en trois ans, la Grèce s’est doté d’un véritable arsenal juridique contre les journalistes. D'ailleurs, la première loi votée par le parti conservateur quand il a repris les commandes a fait passer les radios et télévisions publiques sous le contrôle direct du Premier ministre.

Un autre texte prévoit la prison ferme pour ceux qui propageant de "fausses informations". En cas de "dérive", le Conseil supérieur de l’audiovisuel local peut même imposer une amende aux directeurs de publication. Par ailleurs, l'enquête sur la mort du journaliste d’investigation Giorgos Karaivaz, abattu par deux hommes armés devant son domicile à Athènes le 9 avril 2021, alors qu'il enquêtait sur la guerre de la mafia, fait du surplace. Les tueurs ou les commanditaires du meurtre n'ont pas encore été traduits en justice.

Les organismes grecs et internationaux comme le Centre européen pour la liberté des médias accusent le parti Nouvelle Démocratie d'être obsédé par le "contrôle du message" et la volonté de "minimiser les voix critiques". Dans son rapport sur l’État de droit 2022, la Commission européenne  réitère ses "préoccupations" et recommande à la Grèce d’"adopter des mesures législatives de protection pour améliorer la sécurité physique et l’environnement de travail des journalistes ".

Un "Watergate" à la grecque

Le gouvernement mis en cause est empêtré dans un vaste scandale d'écoutes téléphoniques, un véritable "Watergate" à la grecque. Ça commence cet été par des journalistes d'investigation qui se rendent compte que leur téléphone a été attaqué par Predator, un logiciel espion qui a eu accès à leurs messages et à leurs conversations. Et puis au fil des mois, les révélations se multiplient.

Début novembre, le journal Documento publie une liste de 33 noms espionnés par Predator : il y a des hommes d'affaires mais surtout des poids lourds du gouvernement: le ministre des Affaires étrangères, celui des Finances, celui du travail. Autrement dit, selon l'hebdomadaire, Kyriakos Mitsotakis espionne ses propres ministres. L'intéressé parle "d'accusations calomnieuses", dénonce un "complot" alors qu'après sa nomination, c'est lui qui a aussi placé les services de renseignements directement sous son autorité. De fait il se présente en très mauvaise posture pour les législatives l'été prochain, ce qui ne va pas le détendre. Les journalistes s'attendent à des pressions encore plus fortes dans les mois qui viennent.

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