En Afrique du Sud, l'incendie du Parlement laisse le pays sous le choc
En Afrique du Sud, dans la ville du Cap, les pompiers luttent toujours ce matin contre l'incendie d'un bâtiment historique et symbolique : le siège du parlement, en grande partie détruit par les flammes.
Ce bâtiment de l'époque victorienne, avec ses colonnes blanches et ses briques rouges, est un symbole : tous les Sud-Africains connaissent le Parlement, au Cap. C'est là qu'en février 1990, Frederik de Klerk, dernier président sud-africain blanc, a prononcé la fin du régime raciste d'apartheid. Or, pendant plus de 24 heures, ce bâtiment a brûlé. Comme si l'Assemblée nationale à Paris s'était faite dévorer par les flammes, avec des murs qui se fissurent sous l'effet de la chaleur, des salles entières avec leurs murs de bois précieux et leurs rangées de fauteuils en cuir qui partent en fumée.
Le feu s’est déclaré vers 5 heures du matin dimanche 2 janvier (2 heures à Paris). "Le toit de l'ancien bâtiment s'est effondré, il n'en reste rien" selon Jean-Pierre Smith, responsable des services de sécurité de la ville, qui s'est exprimé dimanche devant les journalistes. Dans la partie qui date de 1884, les pompiers ont dû reculer devant les flammes : le feu était trop intense et le danger trop grand. Ce lundi, la température à l'intérieur avoisine encore les 100°C, ce qui rend d'ailleurs difficile de déterminer l'étendue réelle des dégâts.
In Cape Town South Africa Parliament Building on Fire. L’immeuble du gouvernement sud africain en feu pic.twitter.com/p7oZm68XNi
— Olivier (@OJR1303) January 2, 2022
"Accablant de voir notre Assemblée nationale ainsi", déplore dans un tweet Brett Herron, un des représentants de la province du Cap-Occidental au Parlement, "une tragédie" pour l'ex parlementaire Mmusi Maimane. Les 400 députés étaient en vacances : il n'y a pas de blessés.
Des œuvres d'art menacées
Le vaste édifice est composé de trois parties: un bâtiment accueillant l'actuelle Assemblée nationale, un autre abritant la chambre haute du Parlement nommée le Conseil national des provinces, et la partie historique la plus ancienne où se réunissait auparavant les parlementaires. Dans les parties les plus anciennes de l'édifice, quelque 4 000 œuvres d’art (certaines remontent au XVIIe siècle) sont menacées. Parmi elles, la tapisserie Keiskamma, longue de 120 mètres, qui retrace l’histoire du pays depuis les premiers peuples autochtones jusqu'aux élections démocratiques de 1994. En revanche, selon le maire du Cap, Geordin Hill-Lewis, la bibliothèque et sa collection unique de livres n’a pas été touchée.
Mais le pays tout entier se désole de ce coup porté à l'un des piliers de sa démocratie, à deux pas de la cathédrale Saint-Georges où, 24 heures plus tôt, on célébrait les funérailles d'une icône nationale, le Prix Nobel de la paix Desmond Tutu. Les présidents des deux chambres et des membres du gouvernement – qui lui est basé à Pretoria – vont se réunir lundi pour faire un point sur l'ampleur du désastre, aggravé par les tonnes d'eau projetées pour éteindre les flammes.
De nombreux dysfonctionnements
Aucune certitude pour l'instant sur les causes de cet incendie, même si la police a arrêté un individu sur les lieux. Un homme de 49 ans, accusé d'effraction et d'incendie criminel, qui comparaîtra demain devant un tribunal. Mais dans un pays où la corruption et la mauvaise gestion des affaires publiques sont des préoccupations quotidiennes, cette arrestation n'empêche pas la polémique. Car les dysfonctionnements sont nombreux.
Pourquoi la vidéo-surveillance n'a-t-elle pas repéré l'intrus ? Pourquoi l'alarme incendie ne s'est-elle pas déclenchée plus tôt ? Un projet de rapport pointe l'absence de détecteurs de fumée dans les combles de l'ancien bâtiment.
Selon le porte-parole du principal syndicat des employés du parlement, Themba Gubula, aucun personnel de sécurité n'était sur place la nuit de l'incendie. Ordre, dit-il, avait été donné de ne pas faire d'heures supplémentaires pendant les vacances, week-ends ou jours fériés, pour cause de contraintes budgétaires.
Même le président Cyril Ramaphosa qui s'est rendu sur place hier n'a pas pu esquiver ces questions. "Il semble que le système d'arrosage automatique n'ait pas fonctionné comme il aurait du. Nous devons comprendre pourquoi cet événement s'est produit et surtout quelles mesures il faudra prendre à l'avenir".
Cyril Ramaphosa:
— Izwe Lethu (@LandNoli) January 3, 2022
National Assembly Parliament wasn't razed to ashes. Our key officials acted with speed
It shows that certain things do work, even if we may think that wheels are coming off on everything
We do have one city that works, a province that works & a govt that works pic.twitter.com/YPKimcnf8N
Le chef de l'Etat s'est surtout félicité de l'intervention rapide des pompiers : "Même si on peut penser que tout part à vau-l’eau, cela montre que certaines choses fonctionnent. C’est une ville qui fonctionne, une province qui fonctionne et un gouvernement qui fonctionne." Beaucoup d'internautes en doutent. Cet incendie est d'ailleurs le deuxième en moins de dix mois. En mars, un défaut électrique avait entraîné un départ de feu dans l'aile la plus ancienne du bâtiment, il avait été rapidement maîtrisé.
Pas de conséquences sur la vie politique
Cet incendie n'aura pas de conséquences sur le fonctionnement du pays : la ville du Cap va prêter la salle de son conseil municipal pour que les parlementaires puissent continuer leur travail législatif. Leur rentrée est prévue le 15 janvier. Un autre lieu doit aussi être trouvé pour le discours annuel sur l'état de la Nation que le chef de l'Etat a prévu de faire en février.
Mais les lieux ne seront de toute évidence pas utilisables avant plusieurs mois. Les députés sont accablés par cet événement, alors même que l'Afrique du Sud se réjouissait d'avoir dépassé le pic de la vague Omicron et que l'assemblée venait de supprimer le couvre-feu en vigueur depuis presque deux ans. Dans la nation arc-en-ciel, l'année 2022 ne commence pas sous les meilleurs auspices...
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