Climat : six jeunes Portugais assignent 32 États devant la Cour européenne des droits de l'homme pour leur inaction
C'est un peu David contre Goliath : à partir du 27 septembre à Strasbourg, la plainte de six jeunes Portugais assignant 32 États pour inaction climatique va être examinée.
C'est une histoire d'indignation et de patience qui commence en 2017, quand Claudia Duarte Agostinho voit sa maison couverte de cendres. Cet été-là, dans la région de Leiria, au Portugal, c'est la canicule. Quelque 180 000 hectares de forêt sont partis en fumée et 117 personnes ont péri dans les incendies. Une juriste qui milite dans une ONG pour le climat (GLAN) souffle à l'oreille de la jeune fille, encore sous le choc, qu'elle peut peut-être porter plainte.
Claudia convainc alors son frère, sa sœur, une voisine et deux amis, eux aussi à peine sortis de l'adolescence. À l'époque, on ne parle pas encore de grèves ou de marches des jeunes pour le climat. Il leur faudra trois ans pour monter leur dossier.
Plus de 2 500 affaires en cours dans le monde
Le groupe s'appuie sur les articles 2, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Ils disent que leur droit à la vie et que leur santé mentale et physique sont menacés par les incendies et les vagues de chaleur issus du changement climatique. Les feux de cet été n'ont fait que renforcer leur détermination : "Il y aura des vagues de chaleur encore plus extrêmes, qui dureront un mois ou plus. Ce sera incroyable. Les gouvernements du monde entier ont le pouvoir d’arrêter cela. Les gouvernements européens choisissent de ne pas prendre leur part. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés et regarder ce qui se passe", explique Catarina Mota, 23 ans.
Les jeunes Portugais, aujourd'hui âgés de 11 à 24 ans, reprochent à 32 États de ne pas en faire assez pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et pour les protéger.
Les pays cités dans le recours sont 27 membres de l'UE (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie et Suède ainsi que la Norvège, la Russie, la Suisse, le Royaume-Uni et la Turquie.
Devant la CEDH, ce type de démarche est une première. Par ailleurs il n'y a jamais eu autant de pays assignés en même temps devant un tribunal. Pour Gearóid Ó Cuinn, porte-parole du Global Legal Action Network, "le fait que la cour ait ordonné l'examen de cette affaire par la grande chambre est un développement extrêmement significatif qui montre à quel point elle considère le changement climatique comme une question sérieuse en matière de droits de l'homme".
Pour un jugement plus contraignant que l'accord de Paris
Le nombre d'actions en justice contre l'inaction climatique des gouvernements ou les grandes entreprises explosent. Un centre de recherche qui s'intéresse à ces questions, le Sabin Center de l'université de Columbia aux États-Unis, a répertorié pour septembre 2023 plus de 2 500 affaires en cours dont 1 600 aux États-Unis.
Et parfois, ça marche : en 2019, la Cour suprême des Pays-Bas a ordonné au gouvernement de réduire ses émissions de gaz à effet de serre... ce qui a poussé La Haye à accélérer le mouvement.
Si Claudia et ses amis obtiennent gain de cause auprès des juges, les 32 pays ciblés (dont le Portugal et la France) seront légalement tenus d'agir, d'imposer de nouvelles réglementations à leurs multinationales. Ce jugement, disent-ils, peut être encore plus contraignant que l'accord de Paris sur le climat.
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