Aux Etats-Unis, Biden promet de détruire les "autoroutes du racisme"
À travers les États-Unis, le réseau routier datant des années 1960 a été construit sans penser aux conséquences sociales. Dans de nombreux États, les autoroutes qui traversent les villes coupent la société en deux.
Le Sénat américain a adopté mardi le plan d’infrastructures historique de 1000 milliards de dollars promis par le président Biden. Le "projet historique" doit maintenant être voté à la Chambre des représentants. Il promet de rénover les routes, les ponts, les réseaux électriques, étendre l’accès à internet, tout ça dans le respect de l’environnement et en prenant en compte la lutte contre le réchauffement climatique. Niché dans cette loi, la destruction des "routes du racisme".
Ces "routes du racisme" coupent les villes en deux et tracent une ligne rouge qui délimite une sorte de ségrégation. D’un côté, les banlieues "fréquentables" des classes moyennes, voire huppées. De l’autre, les communautés minoritaires, des populations souvent pauvres et souvent noires. Ces autoroutes font partie du réseau routier historique des États-Unis. Elles ont été bâties entre les années 50 et les années 70. Les urbanistes de l’époque ont cherché à construire là où la valeur des propriétés était la plus faible, et donc la moins chère à racheter. Des milliers de commerçants, d’entreprises, d’habitants sont partis de ces zones, et ne sont jamais revenus. Dans le même temps, cela a permis à la classe moyenne de s’installer dans des zones pavillonnaires et de faire des allers-retours quotidiens en centre-ville.
Conditions de vie dégradées
Ces autoroutes urbaines ont des conséquences dramatiques pour les populations qui vivent juste à côté, notamment la pollution. Dans le Bronx, un ancien habitant de la Cross Bronx Expressway raconte : "En tant que fils du Bronx, j’ai grandi à trois endroits à la fois – la maison, l’école et l’hôpital, parce que je faisais des crises d’asthme à répétition". Selon le membre du Congrès américain Richie Torres, originaire du ce quartier de New York, le taux d’hospitalisation pour asthme dans le sud du Bronx est deux à trois fois plus important que dans le reste de la ville.
À la Nouvelle-Orléans, près de la Claiborne Expressway, construite en 1968, les habitants entendent nuit et jour le bruit des voitures, les passants sont étouffés par les gaz d’échappement. Autour de cette autoroute urbaine, près de 40% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, contre 25% pour le reste de la ville.
Pour la Maison Blanche, qui a cité l’exemple de la Nouvelle-Orléans, ces autoroutes ont causé la ruine et la peine des communautés défavorisées, détruit des entreprises, pollué l’air, "le racisme est physiquement intégré à certaines autoroutes", a déclaré le secrétaire aux Transports, Pete Buttigieg.
Supprimer toutes les autoroutes ?
La solution proposée par le président est plutôt radicale et l’idée n’est pas de détruire toutes les autoroutes urbaines. Ce qui risque de se passer, c’est que chaque État et chaque ville va repenser l’espace. En terme environnemental, en termes de transports et en terme social, et c’est tout nouveau. À Syracuse dans l’État de New York par exemple, c’est une partie de l’autoroute qui va être détruite et un boulevard construit à la place. La circulation serait déviée ailleurs. Rien que ce projet, c’est deux milliards de dollars, pris en charge par l’État de New York et aidé des fonds fédéraux. En revanche, à la Nouvelle Orléans, les responsables ont déjà annoncé que détruire Claiborne Expressway n’était pas une priorité, car trop couteux.
Ces destructions ne sont pas forcément bien accueillies par les habitants des zones concernées. "C’est un signal vertueux, estime un résident de Syracuse à la BBC, mais ça n’arrangera pas les choses." En attendant, sa voisine de 61 ans lave comme tous les jours ses meubles, recouverts par la poussière de l’autoroute.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.