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Aux Etats-Unis, une immense chasse aux bisons fait polémique

En quatre mois, 1 150 bisons sauvages ont été abattus dans le Montana. Si les Amérindiens et les agriculteurs revendiquent une pratique culturelle et sanitaire, les défenseurs des animaux dénoncent un "génocide".
Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
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Temps de lecture : 2 min
Des bisons d'Amérique paissent près de la rive nord du parc national du Grand Canyon, en 2020. (ERIC BARADAT / AFP)

Cette histoire a pour décor les plateaux enneigés du Montana, près du parc de Yellowstone, dans le Nord-Ouest américain, où l'hiver a été particulièrement glacial. Cette année, comme c'est déjà arrivé par le passé, les troupeaux de bisons sauvages ont donc été nombreux à quitter la réserve à la recherche de nourriture et de températures plus clémentes. 

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Mais comme tous les ans, les chasseurs des tribus amérindiennes les attendaient à la sortie. En quatre mois, ils ont abattu 1 150 animaux au fusil.

Il ne s'agit pas d'une chasse de loisirs : si les tribus sont autorisées à tuer ces bovidés massifs, immenses, reconnaissables à leur bosse et à leur pelage marron, c'est parce qu'ils sont suspectés d'être porteurs d'une maladie infectieuse, la brucellose, qui peut contaminer les bovins domestiques - et provoquer l'avortement des vaches s'ils s'approchent trop près des élevages.

En vertu du "plan de gestion du bison" mis en place il y a 23 ans pour "protéger l’intérêt économique de l’élevage du Montana", huit tribus sont donc habilitées à les chasser dès qu'ils sortent de la réserve : les Nez Perce, Blackfeet, Confederated Tribes of the Umatilla Reservation, Northern Arapaho, Confederated Salish and Kootenai Tribes, Crow et Shoshone-Bannock Tribes.

1 150 bisons tués, un record depuis 2005

Tous les ans, la pratique fait un peu grincer des dents, mais cette année, ce sont près de 1 200 bisons tués en une seule saison, un record depuis l’hiver 2005. Si on ajoute d'ailleurs les bêtes envoyées à l’abattoir ou mises en quarantaine – le temps de vérifier si elles sont exemptes de maladies – on arrive à plus de 1 530 bêtes sorties des troupeaux, selon le décompte du New York Times (article en anglais).

"Nous avons eu trois ans de migration très légère, justifie Cam Sholly, le responsable du parc, dans une interview au quotidien américain. Il s’agit de l’une des premières grandes migrations hors du parc depuis longtemps". Mais ça fait trop pour une population d'environ 6 000 têtes à Yellowstone. On se rapproche dangereusement du seuil de 3 500 animaux, en deçà duquel le maintien du troupeau n'est plus assuré. 

Alors que la saison de chasse touche à sa fin, les organisations non-gouvernementales (ONG) qui militent pour la vaccination des animaux contre la brucellose plutôt que pour leur abattage, dénoncent un massacre excessif, "organisé". "C’est le pire génocide animalier depuis le XIXe siècle", dénonce Bonnie Lynn, une habitante de la réserve à la tête de Yellowstone Voice.

Roam Free Nation s'est quant à elle payé des panneaux d'affichage en quatre par trois pour dénoncer la méthode. "Quand il y a 30 chasseurs de 10 tribus différentes qui se bousculent au portillon, disent-elles, la chasse se transforme en compétition pour voir qui aura son bison", dit son fondateur, Jaedin Medicine Elk, lui-même membre d’une tribu cheyenne.

Tout est bon dans le bison

Les tribus ne veulent pas renoncer à leur rituel. Elles défendent une pratique culturelle, voire spirituelle, qui leur permet de renouer avec leurs ancêtres. Chez les Amérindiens, tout était bon dans le bison : sa chair comme nourriture, sa fourrure pour les vêtements, sa peau pour les tipis, ses os pour les outils. 
C'était un symbole d’abondance. Aujourd'hui, en fait, c'est surtout du pâté et du saucisson. Mais ce totem qui a failli disparaître à la fin XIXᵉ siècle (on les a massacrés en grand nombre pour soumettre les autochtones qui vivaient en interdépendance avec eux), est devenu indissociable de l'histoire des États-Unis. 

L'État fédéral veut donc ménager tout le monde. À la fois préserver la chasse, tout en garantissant la survie de l'espèce. La secrétaire d'État à l'Intérieur, la démocrate Deb Haaland, qui est elle-même la première Amérindienne à faire partie d'un cabinet présidentiel, reconnaît que les bisons "sont inextricablement liés à la culture indigène, à l'écologie des prairies et à l'histoire des États-Unis". Elle a récemment annoncé 25 millions de dollars pour aider à la conservation et à la restauration des troupeaux dans l'ensemble de l'Ouest américain.

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