Thierry Ardisson raconte l'âge d'or de la pub : "C'était une époque bénie, on gagnait des fortunes"
Thierry Ardisson est une figure emblématique de la télévision avec des émissions devenues cultes, "Bains de minuit", "Lunettes noires pour nuits blanches" ou encore "Tout le monde en parle". Le point de départ, celui qui lui a donné envie d'entrer dans le petit, puis le grand écran, c'est la publicité. Il a commencé sa carrière en tant que concepteur rédacteur. À 16 ans, il inventait déjà des slogans pour une marque de chaussettes. Ensuite, il va signer des slogans publicitaires restés dans les mémoires comme "Lapeyre, y'en a pas deux" ou encore, "Quand c'est trop c'est Tropico". C'est par son agence qu'il vendait des idées autour du multimédia et qu'il a commencé les interviews avec à ses côtés Daniel Filipacchi et Hervé Bourges, qui ont cru en lui. Au fil du temps, ses costumes noirs et sa façon de parler se sont imposés avec à la clé une impertinence et de la provocation. Il publie aux Éditions du Rocher le livre L'âge d'or de la pub.
franceinfo : Il y a donc eu un âge d'or dans la pub ?
Thierry Ardisson : Ah oui ! J'ai connu l'âge d'or de la pub et après l'âge d'or de la télévision, ce n'est pas mal. Je pense qu'à l'époque, la publicité s'intéressait aux gens. Elle avait envie de les séduire, de les faire rire, de les émouvoir. C'est vrai qu'aujourd'hui, les pubs, elles assènent des arguments. Certaines le font, mais elles n'essayent pas de vous prendre par les sentiments. C'était une époque bénie, on gagnait des fortunes, on était des stars. Vous étiez concepteur rédacteur dans la pub, c'était formidable.
Vous le dites, "la pub, ça a été ma plus grande école, ma seule université".
C'est-à-dire que je suis arrivé à Paris, je ne savais rien faire. J'avais 19 ans, je ne connaissais personne. Il n'y a qu'une seule chose que je savais, c'est que je voulais être riche et célèbre. Et c'est une époque bénie, oui, on le voit d'ailleurs dans le livre. On a d'abord fait un documentaire avec Philippe Thuillier et puis les éditions du Rocher m'ont proposé d'en faire un livre.
"Le livre, en gros, c'est comment nous, les publicitaires, on vous escroquait. C'est comment on vous faisait croire ce que l'on voulait."
Thierry Ardissonà franceinfo
Et donc c'est assez honnête. Dans L'âge d'or de la pub, on explique qu'on peut vous avoir avec des slogans, de la musique, le sex-appeal ou encore avec les petits personnages, les mascottes, comme Mamie Nova, tout est expliqué. Pour le public, c'est une façon de comprendre comment ça fonctionne, comment on baratine les gens.
Votre maman était mère au foyer, votre père travaillait dans le bâtiment. Qu'est-ce qui fait que le jeune Thierry Ardisson, ait eu envie d'emprunter une autre voie et de se tourner vers l'artistique ?
Déjà, je pense que mon père aurait aimé faire de l'artistique, mais lui, la vie malheureusement l'a obligé à travailler dans les travaux publics. Je vis un peu sa vie par procuration. En fait, j'étais très malheureux quand j'étais petit parce que chez moi, ma grand-mère habitait avec nous et il y avait des scènes de ménage avec ma mère, sa belle-fille. Donc moi, je me réfugiais dans un petit bureau et puis j'écrivais mon premier livre à l'âge de 12 ans. Je cherchais à m'échapper par la création. C’est le seul moment où je m'échappais de ce monde qui ne me plaisait pas du tout, en plus, je ne comprenais pas pourquoi on n’avait pas plus d'argent.
"Ma seule ambition, c'était de m'exprimer, quel que soit le média, les livres, les journaux, la pub, la télé, peu importait."
Thierry Ardissonà franceinfo
Quel regard avez-vous sur ce parcours ? Sur ce que vous avez réussi à faire, vous en tant que petit garçon que vous étiez, qui rêvait justement de réussir, d'avoir cet argent.
Mon fils a une phrase qu'il ne veut pas me vendre "Il faut vivre sa vie comme on aimerait la raconter". Moi, j'ai toujours un peu vécu ma vie comme un roman, mais heureusement, parce que quand je me suis accroché à l'héroïne, j'ai eu cette espèce de sursaut. J'ai décroché sans médicaliser le problème en partant aux États-Unis où il y en avait peut-être, mais je ne savais pas où.
Qu'est-ce que vous a procuré l'héroïne alors ?
C'est ce que j'ai rencontré de plus dur dans ma vie et pourtant, j'en ai vu. Avec l'héro, vous n'avez plus envie de manger, plus envie de boire, plus envie de gagner de l'argent. Vous n'avez plus d'envie, vous êtes dans une espèce de nirvana en poudre. Au début, on en prend pour être bien, à la fin, on en prend pour ne pas être mal et à un moment, je me suis dit : "non, là, tu vas mourir, vraiment." Et donc je suis parti en Amérique. Voilà, je m'en suis sorti et je n'en ai plus jamais repris, c'était en 1976.
N'est-ce pas le plus gros combat que vous ayez mené ?
C'est mon plus gros combat. Il y a eu un deuxième combat aussi qui était terrible. Quand j'ai commencé la télévision, j'avais un trac, mais inimaginable. J'avais des sueurs froides dans le cou. J'étais absolument incapable de faire ça. J'allais faire mes émissions, mais avec un mal au ventre, avec une angoisse. Après, j'ai découvert qu'on pouvait rire à la télévision grâce à Patrick Timsit, j'ai découvert qu'il fallait surtout se marrer et que les gens attendaient qu'on rigole, mais ça a duré longtemps.
C'est étonnant parce que vous montrez plutôt l'image d'un homme solide, un bulldozer, l'homme en noir. Beaucoup d'artistes ont craint de se faire interviewer par l'homme en noir. Pourquoi êtes-vous tout le temps habillé en noir ?
Pour plusieurs raisons ! D'abord, là, j'ai minci, mais parce que cela maigrit. Et puis il y a aussi cette idée de créer un personnage. Je ne vais pas dire le contraire. L'homme en noir, c'est Ardisson, il y a le cow-boy Marlboro, il y a Monsieur Propre, c'était une façon d'utiliser la pub.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.