Pour Georges Pompidou, "l’art était un moment de respiration dans les périodes difficiles", raconte son fils
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, Alain Pompidou, le fils de l’ancien président de la République.
Alain Pompidou est le fils de Georges Pompidou, ancien président de la République française, et de son épouse Claude. C'est seulement à 35 ans qu'il apprend qu'il est leur fils adoptif. Scientifique, il est le quatrième président de l'Office européen des brevets, professeur en biologie médicale et auteur puisqu'il publie Pour l'amour de l'art, une autre histoire des Pompidou, aux éditions Plon.
franceinfo : Vos parents se sont rencontrés à Paris, dans le quartier latin en 1935. Ils ont toujours partagé la même sensibilité pour l'expression artistique et littéraire. C'est incroyable comme l'art leur a permis de traverser cette vie politique, d'adoucir un certain nombre de choses, comme le départ du Général de Gaulle. Est-ce que ça n'a pas consolé votre père, de se tourner vers l'art ?
Alain Pompidou : Pour mon père en particulier, mais pour mes parents en général, c'était le moment de respiration dans les périodes difficiles parce qu'il y a eu quand même mai 68, puis il fallait aussi monter la politique industrielle avec le TGV, Airbus, Ariane, enfin toute une palanquée de projets.
"L'art était un refuge et, disons, une nourriture et un épanouissement permanent. Ça permettait à mon père de traverser toutes les difficultés."
Alain Pompidouà franceinfo
En fait, il y avait deux piliers sur lesquels il s'appuyait pour mener sa carrière, c'était l'art et la famille, et en particulier un garçon plutôt sympathique, d'ailleurs, qui était son fils.
Ce qu'on sait moins, c'est que pour votre mère, l'Elysée n'était vraiment pas du tout de la maison du bonheur. C'était la maison du malheur et jusqu'au bout d'ailleurs.
Oui. Et elle n'y est jamais retournée après qu'elle ait quitté la présidence.
"Ma mère était très indépendante et pour elle, être à l'Elysée, c'était se mettre dans une cage."
Alain Pompidouà franceinfo
Quand ils sont arrivés à l'Elysée, les appartements du Général étaient en très mauvais état. Ils ont donc décidé de faire appel à un jeune architecte-designer qui s'appelle Pierre Paulin. Il avait été proposé par André Malraux et par le directeur du Musée national.
Lorsque tout ça a été réalisé, la reine d'Angleterre a été invitée à l'Elysée. La reine Elizabeth II, c'est un peu comme le pape. On ne s'adresse pas à elle. Il y a des codes. On attend qu'elle vous parle et surtout, on la touche pas. Jamais. Elle arrive, mais mon père, toujours le petit Auvergnat monté à Paris, tellement fier de ce qu'il avait fait, la prend par le bras et l'emmène dans le salon (remonté au Centre Pompidou à l'heure actuelle). À ce moment-là, le protocole en venait quasiment aux mains. On avait touché la reine ! On s'adressait à elle, on l'emmenait se promener alors que ce n'était pas prévu dans la visite. Heureusement, Edouard Heath, qui était son Premier ministre, s'est précipité au piano et a joué du Chopin. Et tout s'est arrangé.
Dans ce livre, vous vous revenez sur beaucoup de choses, vous en rectifiez d'ailleurs certaines comme celle par exemple sur la création du musée d'Orsay.
On dit souvent que c'est Valéry Giscard d'Estaing qui a eu l'idée du musée d'Orsay. Bien sûr, c'est lui qui l'a mis en place, inauguré, il a tout fait. Mais c'est mon père, sur la recommandation de Jacques Rigaud et du ministre de la Culture de l'époque, Jacques Duhamel, qui a eu véritablement l'idée de faire un centre qui rassemblerait toutes les œuvres impressionnistes.
"Mon père avait une sensibilité à fleur de peau."
Alain Pompidouà franceinfo
C'était un passionné de poésie. Il a d'ailleurs sorti L'Anthologie de la poésie française et pour lui, la création artistique, que ce soit de la musique, que ce soit de l'art ou que ce soit de la poésie, c'était quelque chose qui lui était indispensable. Il pouvait réciter des vers pendant des heures et quand il commençait à la campagne, ma mère lui disait : "Écoute, ça va bien, tu vas dans le jardin" et pendant une heure, il se récitait des vers, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé ou même L'Odyssée.
Le Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, la voie Georges-Pompidou qui traverse Paris... En êtes-vous fier ? Êtes-vous fier de porter ce nom ?
D'abord, je suis fier de mon nom. On ne peut pas ne pas être fier d'un nom pareil. Ensuite, que le nom de Pompidou se perpétue en France, et notamment à Paris pour moi, c'est quelque chose d'extrêmement important. Ce Centre Pompidou, c'est un rayonnement au niveau international, fantastique. Ça permet de maintenir dans la mémoire des Français le nom de Georges Pompidou.
Pour la voie sur berge, c'est moi qui ai eu l'idée. Quand mon père est décédé, Jacques Chirac m'a appelé. Il était maire de Paris à ce moment-là. Il m'a demandé : "Alors, qu'est-ce qu'on va faire pour votre père ?" Je luis ai répondu : "Écoutez Jacques, il y a la voie sur berge." Je lui ai dit ça parce que je me suis dit qu'il y aurait forcément des embouteillages et qu'au moins dix fois par jour, on prononcerait le nom de Georges Pompidou.
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