Martine Cabanes, ex-épouse du braqueur Jean-Charles Willoquet, livre sa vérité : "Libérée, je ne le serai jamais"
Martine Cabanes est aujourd'hui une mère, une grand-mère, une épicière à la retraite qui aime à s'occuper de sa petite famille et qui aspire à profiter paisiblement de la vie. Cabanes est son nom de jeune fille, celui qu'elle a décidé de récupérer pour "effacer", un nom qu'elle a porté pendant très longtemps après son mariage avec Jean-Charles Willoquet. Qualifié d'ennemi public numéro un dans les années 70, il est célèbre pour ses nombreux braquages. Lors d'une comparution de son époux au tribunal correctionnel de Paris le 8 juillet 1975, elle a organisé et rendu possible son évasion, en lui lançant une arme et en prenant en otage le juge et le substitut, le tout déguisée en avocate. Presque 50 ans plus tard, elle publie un ouvrage, Roman d'une Braqueuse, chez XO Éditions.
franceinfo : Ce que vous racontez dans ce livre, c'est que vous aviez un besoin de raconter qui vous étiez et le vrai parcours de votre vie ? Vous vouliez vous libérer ?
Martine Cabanes : Oui. Ça m'a soulagé de sortir des choses qui remontent à plus de 50 ans. On ne peut pas oublier cette vie intense avec Jean-Charles. Une vie d'action qui a duré une courte période, mais j'ai l'impression que c'est une vie entière tellement c'était intense. Écrire m'a fait du bien. Mais libérée, non. Libérée, je ne le serai jamais.
Vous démarrez par cette fameuse journée du 8 juillet 1975 où vous allez libérer Jean-Charles. Vous dites : "Voilà des semaines que je me prépare, des jours et des jours à répéter des gestes en silence, seule face au miroir". Ça signifie que vous étiez capable de tout par amour ? À quel moment le rencontrez-vous ?
J'ai rencontré Jean-Charles dans un bar où je travaillais à Paris. Tout de suite, il y a eu un déclic et il m'avait dit qu'il était dans l'import-export de cuir et je l'ai cru. Pourquoi douter ? Je le croyais. Jusqu'au jour où j'ai découvert une arme.
"Jean-Charles m'a expliqué sa vie et il m'a dit : 'Maintenant, ou tu pars ou tu restes'. Je n'ai pas hésité une seconde. Je suis restée."
Martine Cabanesà franceinfo
Ce 8 juillet 1975, vous vous rendez au tribunal correctionnel de Paris. Vous attrapez une robe noire comme si de rien n'était. Vous dégoupillez une grenade, vous la gardez dans la main et vous allez récupérer Jean-Charles dans le box. Comment vivez-vous ce moment-là, finalement ?
Pendant la préparation, il y a bien sûr cette montée d'adrénaline, mais il y a aussi l'angoisse de ne pas prononcer le mot précis, de ne pas faire le geste précis. Il y a une grande angoisse dans la préparation. Mais une fois rentrée dans le tribunal, c'était comme si je jouais un rôle. Je devais le faire. Je suis restée naturelle. Je n'étais plus du tout stressée. Je ne sais pas comment vous expliquer, mais voilà, pour moi, c'était quelque chose que je devais faire, que j'avais décidé de faire et donc c'était simple.
Vous aviez en votre possession une grenade dégoupillée. C'est-à-dire que vous auriez pu tuer l'intégralité de la salle d'audience. Le regrettez-vous ?
Non, je ne regrette rien. Je suis désolée pour les gens qui étaient là, qui ont dû avoir très peur. Je suis désolée qu'il y ait eu des blessés lors de l’évasion, mais de toute ma vie, je n'ai pas eu de regret. Ce qui est fait est fait. Les regrets ne servent à rien.
Vous allez être arrêtée le 25 octobre 1975. Comment vivez-vous cette arrestation ?
Ce qui a été le plus dur, c'est d'être à nouveau séparés, d'avoir fait tout ce que j'ai fait pour quelques mois de bonheur. Et puis surtout, j'étais enceinte d'un mois.
"Aujourd'hui, je regrette d'avoir fait vivre ça à mon fils, de lui avoir imposé des mois de prison."
Martine Cabanesà franceinfo
Je sais que mon fils a été marqué très longtemps par le bruit des clés. Il ne savait pas ce qu'était un chien, un chat ou des voitures. Sur le moment, on n'y pense pas. Mais j'ai éprouvé beaucoup de regrets d'avoir fait vivre ça à mon fils.
Vous allez rendre visite à Jean-Charles, car il a été condamné à 20 ans de prison. Il va vous demander de prendre des cours de pilotage et de prendre en otage un pilote d'hélicoptère. Et ce jour-là, vous lui dites : "Non". Qu'est-ce qui fait qu'il y a un déclic à ce moment-là ?
J'étais maman. J'avais un fils et je ne pouvais pas me permettre de retourner en prison ou de mourir. Et là, bien sûr, ça a dû le surprendre parce que jusqu'à maintenant, je partais toujours dans son sens. Et là, j'ai dit non. J'avais tourné la page et quand je décide quelque chose, je ne reviens pas en arrière.
Vous écrivez que vous avez souffert pendant des années, encaissé votre propre souffrance. Vous avez abîmé sans le vouloir les vôtres, d'ailleurs vous leur demandez pardon à l'intérieur de cet ouvrage. Mais en même temps, vous dites que vous ne regrettez rien et que ce livre est votre ultime évasion. C'était important de reprendre votre vie en main, de raconter la vraie version de l'histoire ?
Ah oui ! On en a parlé de moi, mais moi, je n'ai jamais parlé de moi. Ce livre me permet de m'ouvrir, de me soulager, de dire les choses comme je le pense et de rétablir la vérité sur ce qu'on a pu dire de moi.
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