Laurent Lafitte incarne Bernard Tapie dans une série Netflix : "Je pense qu'il voulait être artiste, mais a trouvé le vedettariat dans les affaires"
Laurent Lafitte est acteur, pensionnaire de la Comédie-Française, mais aussi réalisateur et humoriste. C'est en regardant du théâtre, et notamment des comédies de boulevard à la télévision qu'il a eu envie de devenir comédien. Il intègre les Cours Florent et des rencontres sont ensuite décisives, comme celle avec Gilles Lellouche ou encore Guillaume Canet. Le cinéma lui ouvre ses portes avec des rôles dans des films marquants, comme Mon Idole de Guillaume Canet (2002), Narco de Tristan Aurouet et Gilles Lellouche (2004), Les Petits Mouchoirs de Guillaume Canet en 2010 ou encore Au revoir là-haut d'Albert Dupontel (2017). Mais celui qui lui a donné son premier rôle en tant que tête d'affiche, c'est Tristan Séguéla avec la comédie régressive : 16 ans... ou presque en 2013.
Pendant ce tournage, Tristan Séguéla a été frappé par sa ressemblance physique avec Bernard Tapie. Il a donc décidé de se lancer dans l'écriture d'une série autour de cet homme à la fois aimé et détesté, qui a marqué l'histoire de Marseille et même l'histoire du pays. Cette minisérie évènement Tapie est disponible sur Netflix, à partir de mercredi 13 septembre.
franceinfo : Tapie est d'une grande justesse. Dès le départ, la série est basée sur des faits réels. On est bluffés, en tout cas par ce parti-pris de ne pas le mettre sur un piédestal mais d'essayer de raconter la vérité.
Laurent Lafitte : Oui, c'est ça qui est intéressant dans ce personnage, on ne peut pas en faire un saint et on ne peut pas non plus le condamner totalement. Il représente plein de contradictions qui racontent bien son époque et la France aussi. Les Français, le rapport qu'ils ont au succès, à la réussite, à l'argent.
Comment avez-vous travaillé sur le rôle ? Les mimiques, la façon de marcher, la façon de parler.
Alors, en fait, j'ai pris le parti de ne pas du tout travailler, déjà parce que je suis un acteur français ! Donc je me suis dit : je ne vais pas travailler, sinon après je ne serai plus naturel !
"Je n'avais pas envie de disparaître complètement dans le personnage et être obsédé par l'exactitude de la ressemblance."
Laurent Lafitteà franceinfo
J'ai voulu me débarrasser de tous ces enjeux-là. Ça va être mon Tapie et ça va être une espèce d'infusion que j'ai eu de lui pendant toutes ces années. En tant que spectateur, en tant que citoyen, j'en avais des images assez précises et j'ai voulu que ce soit ça, la base de mon travail : ce que j'avais déjà en tête.
Cette série montre aussi le parcours qu'il a accompli, emprunté. On démarre sur la musique, sur le chant. C'est ce métier-là qu'il voulait faire et on se rend compte à quel point, à aucun moment, il ne doute de lui.
Oui, c'est un bulldozer, mais je pense que c'est un artiste raté, vraiment. Ce n'est pas anecdotique ce télécrochet auquel il participe face à Polnareff. C'est pour ça qu'on commence la série là-dessus et que Polnareff revient régulièrement dans les périodes d'angoisse et d'échec de Bernard Tapie, quand ça le renvoie à lui-même. Je pense effectivement que cet échec est assez fondateur et très révélateur de sa personnalité. Je pense qu'il voulait être artiste et qu'il a cherché ensuite une reconnaissance. Il a vu qu'il était bon dans les affaires et qu'il allait pouvoir devenir une vedette des affaires. Mais j'ai l'impression qu'en tout cas, le vedettariat, c'était quelque chose qui le faisait exister, qui le rendait sûrement fier. Être connu, on sent que c'était une manière pour lui d'exister plus et plus que les autres. Il se trouve que c'est passé par les affaires, mais je suis sûr qu'il aurait préféré que ça passe par la chanson ou le cinéma, ou le théâtre, comme il a tenté de le faire après.
Bernard Tapie avait des rêves surdimensionnés. Quels étaient vos rêves d'enfant alors ? Parce que rapidement, vous aussi avez voulu embrasser ce métier d'acteur.
J'ai l'impression que c'était plus un désir d'aventure qu'une vraie passion pour ce métier d'acteur que je ne comprenais pas bien. Je voyais juste sur l'écran des gens qui me donnaient l'impression, quand j'avais huit ans, de vivre des aventures extraordinaires. Et je me suis dit : je veux que ce soit ça, ma vie.
"À huit ans, j'ai associé l'aventure au cinéma à un désir enfantin de voyages, d'ailleurs, de surprises."
Laurent Lafitteà franceinfo
Pourtant, il y a une chose que vous avez toujours conservée, c'est la scène. C'est important, la scène, d'être "les yeux dans les yeux" avec le public ?
Ah oui, pour moi c'est comme pour les chanteurs. Je pense que si un chanteur ne fait que du studio, qu’il ne fait pas de concerts, il est frustré. J'ai besoin d'être sur scène. On a le pouvoir sur scène. Je ne peux pas me passer de ça. Le spectacle commence et pendant deux ou trois heures, on ne sera pas interrompu, on va jouer dans l'ordre et il y aura les réactions du public.
Être pensionnaire de la Comédie-Française, ça conforte aussi ? Est-ce que ce que vous l'avez pris comme une forme de reconnaissance ?
Non, je l'ai pris comme un nouveau défi très excitant, dans une institution qui m'intéressait depuis très longtemps. En fait, je l'ai pris plutôt comme ça que comme un trophée ou une médaille. C'était comme un engagement pour lequel il allait falloir être à la hauteur. Et c'était réciproque aussi, il fallait que je m'y plaise sinon je serais parti.
Bernard Tapie s'était exprimé quand il avait appris que cette série allait avoir lieu, en disant que le nom de Tapie nécessitait normalement une validation, ce qu'il a dit ne pas avoir donné. Est-ce que vous en avez discuté entre vous ?
Non. Les seules choses qui nous ont questionnés, au moment de l'élaboration de la série, c'était qu'il n'y ait rien de diffamatoire, qu'on soit les plus justes possible. Tristan Séguéla a prévenu Bernard Tapie qu'il allait faire cette série. Il ne lui a pas demandé son autorisation. Il trouvait plus élégant de lui annoncer de vive-voix plutôt qu'il l'apprenne par la presse.
Et sa famille est-elle intervenue sur la série ?
Non, pas du tout. Je pense vraiment que ça aurait été une erreur par rapport à l'objectivité du regard qu'on voulait poser.
Comment gérez-vous la pression alors ?
Oh, je fais un peu d'eczéma mais c'est tout !
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