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"Je ne suis pas une vraie chanteuse, je suis une raconteuse" : il était onze fois Lynda Lemay

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, l’autrice, compositrice et chanteuse québécoise Lynda Lemay. 

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La chanteuse Lynda Lemay (SEBASTIEN ST JEAN)

Lynda Lemay, autrice-compositrice-interprète et guitariste québécoise, est indissociable des chansons à histoires. Elle a conquis un large public depuis ses débuts : plus de quatre millions d'albums vendus et le plus grand nombre de passages à l'Olympia pour une artiste étrangère. Depuis le 11 novembre 2020 (11.11.2020), elle s'est lancée dans le projet un peu fou de réaliser 11 albums en 1 111 jours, projet baptisé Il était onze fois.

franceinfo : Que représente cette aventure Il était onze fois ?

Lynda Lemay : Passée la cinquantaine, j'ai vécu une bonne remise en question. Je me suis posé toutes les questions qu'il faut se poser à un moment donné dans notre vie : Est-ce que je suis encore sur le bon chemin ? Est-ce que je fais ce que j'aime ? J'ai perdu mon papa en 2017 et ça a été marquant pour moi bien évidemment. Tout le monde sait, par ma chanson Le plus fort, c'est mon père que mon papa était une bonne personne. C'est sûr que de l'accompagner dans ses derniers moments a été à la fois déchirant et nourrissant parce que quand on perd quelqu'un qu'on aime, on fait un peu face aussi à notre propre fragilité, à notre propre disparition prochaine. C'est comme un accouchement à l'envers, on accompagne quelqu'un vers l'autre étape et ça secoue beaucoup.

Je ne pourrais pas m'arrêter d'écrire.

Lynda Lemay

à franceinfo

L'écriture vous a construite ?

Ça a été ma première passion et celle qui m'habite encore, la plus forte, la plus puissante. Je pourrais peut-être difficilement m'arrêter de chanter si je n'avais vraiment pas le choix mais m'arrêter d'écrire, on ne pourrait pas me faire ça.

Vous avez officié jusqu'à votre adolescence en tant que sacristine avec vos sœurs. Vous écoutiez Iron Maiden en lavant les planchers de l'église, vous prépariez aussi l'étole du curé. Un jour que la nef était vide, vous vous êtes mise à chanter. Cette anecdote est-elle vraie ?

Elle est totalement vraie. Je faisais le ménage dans l'église de Portneuf, le petit village d'où je viens, avec ma sœur Diane et au moment où on était seules dans ce grand espace rempli d'échos, je me suis amusée à tester ma voix dans un micro. Ça a été mes premiers pas en tant que chanteuse mais j'ajouterais qu'encore aujourd'hui je ne suis pas une vraie chanteuse, je suis au départ une raconteuse. J'ai envie de raconter des histoires et si on ne me donnait que des notes de musique à fredonner, je serais incapable de le faire. Il me faut des mots, un propos, c'est à la base de mon métier de chanteuse.

Le 25 novembre 1988, vous faites votre première scène. En face de vous, uniquement des fans de rock... qui finissent tous en pleurs.

Oui. J'ai vu l'émotion que j'étais capable de communiquer avec ces accords-là, avec ma voix toute petite qui n'avait jamais vécu, sans expériences. J'ai réussi à toucher ce public avec les histoires que je racontais. Ça a été comme une bonne tape dans le dos et je me suis dit : "OK, j'ai raison d’y croire. Si ces gens-là qui n'étaient pas du tout là pour écouter des histoires, des chansons comme celles que je fais, finissent par être aussi émus que ça, j'ai peut-être quelque chose à faire dans ce métier."

En 1996, il va y avoir une rencontre avec une personne que l'on connaît bien, nous, ici, et qui va littéralement fondre pour votre personnalité, votre voix. C'est Charles Aznavour qui va avoir ce coup de cœur et qui vous ramène dans ses bagages.

Charles Aznavour a dit haut et fort qu'il aimait ma façon d'écrire, les chansons que je créais. Il invitait les gens à venir m'écouter.

Lynda Lemay

à franceinfo

Je n'arrive pas encore à croire à ce jour où il m'a ouvert les bras avec toute sa générosité. Quand on est une jeune autrice-compositrice et qu'on a un monument comme Charles Aznavour qui invite les gens à tendre l'oreille, les portes s'ouvrent un petit peu plus rapidement. Il me disait toujours : "Mais tu n'as pas besoin de conseils, tu sais ce que tu as à faire", il me faisait extrêmement confiance. On avait un grand respect mutuel et je me sentirai toute ma vie toujours très privilégiée d'avoir eu cette place dans son cœur.

Dans ce nouveau projet, il y a Mon drame. C'est une chanson sur ces hommes ou sur ces femmes qui ne naissent pas dans le bon corps. C'était important d'être présente sur ce sujet ?

J'ai eu envie de décrire cette réalité il y a déjà plus de 30 ans et je me disais: "On a tellement été silencieux sur le sujet, on s'est tellement tu, ça a été longtemps tabou que même si je me répète onze fois sur le même sujet, ce ne sera jamais trop". Alors, c'est peut-être pour ça que j'ai choisi ce texte pour faire l'exercice de créer onze musiques différentes sur un même texte. Je trouvais cela intéressant.    

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