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"J'ai été 50 ans sur scène, je ne m'en suis pas rendu compte", Popeck fait ses adieux à la scène avec "Fini de rire, on ferme !"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 16 octobre 2023 : l'humoriste et acteur Popeck actuellement au Théâtre de Passy avec son spectacle "Fini de rire, on ferme !"
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
L'humoriste et acteur Popeck, chez lui, à Neuilly-sur-Seine, le 15 septembre 2023. (OLIVIER CORSAN / MAXPPP)

Popeck est à la fois humoriste, acteur et un personnage à part sur scène avec son accent yiddish, son costume trois pièces, son chapeau melon et ce caractère inspiré par la personnalité de son père, un vieux grognon et râleur. Considéré comme le doyen de l'humour en France, il est actuellement et jusqu'au mois de décembre, à 88 ans, au théâtre de Passy avec son spectacle "Fini de rire, on ferme !"

franceinfo : Vous annoncez que c'est le dernier tour de piste et pour autant, on a l'impression que ça ne s'arrêtera jamais, que vous êtes faits pour la scène et que vous ne pouvez pas vous passer de la scène.

Popeck : Je pense qu'il y a un moment où la décence demande qu'on s'arrête. J'ai vu des artistes et quand j'ai vu dans quel état ils étaient quand ils chantaient et se produisaient encore sur scène, j'ai été gêné. Alors je voudrais partir avant ça. Partir, pas de ce métier mais de cette formidable vocation qui m'a imprégné, un jour, par hasard, dans un théâtre. Je partais pour une carrière de comédien dramatique très dramatique. J'ai joué Simone de Beauvoir, j'ai joué Sartre.

"Un jour, au théâtre, étant comédien dramatique, j'ai imité mon papa et j'ai amusé de très grands comédiens qui étaient dans la pièce et d'un seul coup, je me suis mis à exister."

Popeck

à franceinfo

Le soir même, Charles Denner, un immense acteur qui a fait les films de Truffaut, m'a amené à L'Écluse et boum... C'est parti comme ça. On ne m'a plus lâché et je devenais quelqu'un qui intéressait les autres et qui faisait rire. Quand j'ai eu le prix Marcel Achard chez René Simon, j'étais en gros titre dans le journal et mon père voit ma photo et me dit : "Je me demande de qui tu tiens ce don, ça peut pas être de moi !" et il a ajouté méchamment "Ça doit être de ta mère ! Elle mentait tout le temps !" parce que maman avait 25 ans de moins que mon père. Elle s'est mariée avec lui, arrivée en 1910 à Paris, pour être naturalisée française.

Votre père était un ancien combattant de la Première Guerre mondiale. Votre mère, elle, n'est pas revenue des camps de concentration, déportée à Drancy par le convoi numéro 3, assassinée à Auschwitz. Au sortir de la guerre, vous allez être placé en pension, puis dans un foyer pour adolescents. On a le sentiment que l'humour vous a permis d'affronter la vie et de rester debout.

Oui, malgré moi. C'est un fil rouge. Je suis né avec, sans le savoir. Vous savez, c'est une maladie, c'est un cancer et j'en souffre.

Encore aujourd'hui ?

Oui, je suis malheureux. Vous savez, les clowns sont des gens tristes, mais on fait rire, c'est comme ça.

Quelle place occupe Popeck et que vous a apporté ce personnage ? C'était une manière de continuer à faire vivre votre père ?

Il m'a tout apporté. Il m'a révélé et surtout, il m'a obligé à me cultiver, à étudier mon histoire sur laquelle j'avais tiré un rideau de fer. Il m'a englouti comme un golem et m'a bouffé. René Simon l'avait perçu le premier et a dit : "Il a un lupus qui le ronge de l'intérieur".

Il y a eu le cinéma, mais vous avez toujours laissé une place extrêmement importante à la scène.

Ah bah oui ! Je vais vous dire, j'ai des points communs avec Mylène Farmer et Johnny Hallyday ! Je vous jure que c'est vrai, c'est-à-dire que hors de la scène, je suis introverti et timide. J'ai été longtemps agressif, je le reconnais et je le regrette.

"Sur scène, je suis une bête et je n'ai peur de rien. Moi, je préfère mourir si je ne suis plus sur scène."

Popeck

à franceinfo

Vous êtes monté sur scène aussi parce que vous cherchiez de l'amour ?

Je pense que quand on n'a pas eu de mère... Oui, ça c'est vrai.

Qu'est-ce que vous gardez de votre mère parce que vous étiez petit quand elle est décédée ?

Je n'ai pas de photos. Mon papa a divorcé quand j'avais deux ans. Il ne venait que pour m'amener des jouets mais j'étais méchant. J'ai été très méchant à cause de mon père. Il avait eu deux filles que j'appelais tantes. Elles avaient 35 ans de plus que moi. À 57 ans, il a un fils ! J'étais le Messie et les enfants se rendent vite compte quand ils dominent quelqu'un. "L'enfant roi", comme disait Dolto, je me suis vite aperçu que je prenais l'ascendant sur mon père. J'étais une peau de vache n'ayant pas eu une mère. Vous savez, Truffaut fait dire à Catherine Deneuve à propos de Jean-Pierre Léaud "sous prétexte qu'il est orphelin, il en veut au monde entier". C'était mon cas. Un vieux papa, pour moi, c'était un grand-père, j'étais orphelin.

Que représente ce spectacle ?

On va dire une fin de vie. J'ai été 50 ans sur scène, je ne m'en suis pas rendu compte. Tout ce qui m'arrivait était tellement bon, tellement beau que je crois que je n'étais pas fait pour ça. Je ne m'y attendais pas du tout. C'est un gâteau que la nature m'a donné et vous savez, je vais vous dire une chose, si mes patrons avaient été là et que je leur avais dit ce que j'allais faire, ils auraient dit : "Il est fou ! Jamais il n'arrivera à faire ça."

Vous avez toujours eu le trac ?

Oui, c'est maladif.

Encore aujourd'hui ?

Oui et d'ailleurs personne ne peut me parler avant que je ne rentre sur scène. Dès que j'ai mis mon chapeau, je suis Docteur Jekyll, on ne peut plus me parler !

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