"J'ai donné un sens à ma vie qui m'a réjouie et soulevée" : Jeanne Mas fête ses 40 ans de carrière au Casino de Paris
Jeanne Mas est chanteuse et écrivaine. C'est en italien qu'elle a fait ses premiers pas dans la musique, avec un premier 45 tours intitulé On The Moon en 1978. La révélation et puis la consécration ont eu lieu en France dès 1984, avec la chanson Toute première fois. Ensuite, elle enchaîne les tubes avec Johnny, Johnny, qui sera classé numéro 1 du Top 50 en 1985. Extrait de son premier album éponyme, ce titre sera aussi salué par deux Victoires de la musique. Mais quand on dit "Jeanne Mas", on pense évidemment à l'emblématique En rouge et noir. Pour célébrer ses 40 ans de carrière, Jeanne Mas a sorti en mai dernier un nouvel album, Phosphore, et elle montera sur la scène du Casino de Paris les 15, 16 et 17 février prochain.
franceinfo : Que vous évoquent ces quatre décennies passées à nos côtés et sur scène ?
Jeanne Mas : Ce que je vais retenir de ces 40 ans de chansons, ce sont mes rencontres et les collaborations avec des artistes comme Daniel Balavoine, Michel Berger, Johnny Hallyday, Alain Souchon, Serge Gainsbourg. C'est pour moi ce que je garde comme un cadeau. Et bien sûr, la rencontre avec mes fans, avec le public, qui fait que voilà, encore aujourd'hui, je peux proposer des nouveautés, de nouveaux albums. Ce sont les deux choses magnifiques dans ma vie.
Quand sont sorties les dates de concert au Casino de Paris, il y avait un petit texte qui l'accompagnait dans lequel vous disiez : "Ni trop vieille, ni trop fatiguée, mais un peu lasse d'être casée dans le glorieux passé des années 80". Qu'entendez-vous par là ?
Pendant 40 ans, j'ai proposé des nouveautés qui sont passées presque inaperçues. Il n'y avait que mes fans qui y allaient, non pas parce que c'est de moins bonne qualité, mais parce que finalement, les gens, lorsqu'on me revoyait, avaient très envie de reparler de ces années 80 et oubliaient que j'existais sur le moment.
"Je suis vraiment dans l'instant présent. D'être tout le temps projetée dans ces années 80, qui ont été des années de gloire bien sûr, mais qui m'ont aussi apporté beaucoup de tristesse avec les départs de Balavoine et de Coluche, ça me bouleverse encore aujourd'hui."
Jeanne Masà franceinfo
Je me suis dit : je n'ai pas d'existence et on ne peut pas résumer 40 ans de chansons avec quatre ou cinq tubes. J'avais l'impression que je voulais proposer plus et qu'on ne m'autorisait pas à proposer plus. C'est ça qui finalement me perturbait un peu.
Quand on regarde bien, vos textes n'ont pas pris une ride. En rouge et noir montre à quel point vous étiez déjà en avance même sur cette notion d'émancipation. Que représente cette chanson pour vous ?
C'est vrai que c'est une chanson qui, encore aujourd'hui, peut résonner dans la tête des gens parce que : "Si l'on m'avait conseillée, j'aurais commis moins d'erreurs", c'est si juste dans ma vie et c'est si juste dans la vie des autres, en fait, c'est une chanson qui sera intemporelle parce que c'est une expérience de vie.
Vous dites d'ailleurs : "J'exilerai mes peurs". Ces peurs existent encore aujourd'hui ?
J'ai beaucoup moins de peurs que dans les années 80 ou lorsque j'étais jeune, bien sûr, parce que la maturité, l'expérience font que je me suis débarrassée de plein de choses, ou je les ai affrontées, ou je les ai dépassées.
"Je n'ai jamais été fragile, mais j'ai souvent été sensible. Et on porte sur ses épaules le poids d'une enfance, d'une vie qui sont parfois des blocages en tant qu'adulte. C'est tout ça qu'il faut savoir et apprendre à dépasser."
Jeanne Masà franceinfo
Ce qui a fait votre singularité, c'est justement que vous revendiquez votre différence, votre originalité, que vous avez envie de la conserver. Comment étiez-vous enfant ?
Je ne sais pas. Je n'aime pas le mot "soumise", mais je ne voulais jamais décevoir mes parents. Voilà, c'était surtout ça. Mais en fait, lorsqu'on ne veut jamais décevoir, on garde une frustration en soi qui est très douloureuse. C'est aussi pour ça que j'ai quitté le foyer familial, ce n'était pas vraiment un foyer...
"Je suis partie en Italie à 17 ans. J'avais besoin de vivre ma vie, d'explorer le monde. Je suis extrêmement curieuse du monde et surtout, je ne voulais pas avoir une vie médiocre."
Jeanne Masà franceinfo
J'ai donné à ma vie un sens qui m'a réjouie et qui m'a soulevée.
Le premier titre qui ouvre l'album Phosphore, c'est : Rien ni personne. Vous y dites que personne, finalement, ne peut comprendre réellement ce qu'on vit, ce qu'on endure. Ça signifie que vous avez cette force-là de vous construire vous-même, de vous faire d'abord confiance.
Dans cet album, il y a surtout des histoires, des histoires d'amour qui tournent mal et c'est vrai que dans Rien ni personne, c'est le désarroi de celui qu'on n'entend jamais, qu'on ne voit pas et qui meurt d'amour. Et en fait, plutôt que de mourir, lui va tuer celui qui ne le regarde pas, qui ne le voit pas et qui l'a trahi. Je crois que parfois le manque d'amour entraîne la folie.
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