"Écrire, c’est trouver une vraie liberté", estime Alice Taglioni qui publie son premier livre "Un papa vivant"
Alice Taglioni est une des grandes figures féminines du cinéma français. Ses rôles de femme idéale l'ont révélée au grand public, avec notamment ses personnages dans les films Mensonges, trahisons et plus si affinités... de Laurent Tirard en 2004 et La Doublure de Francis Veber (2006). Le cinéma est rapidement devenu une passion au point de se détourner de son rêve d'enfance, celui de devenir pianiste. Il y a beaucoup d'actualités autour d'elle, un livre, Un papa vivant, publié aux éditions Robert Laffont, et la pièce Vel'd'Hiv au Théâtre Antoine, à Paris, dès le 10 janvier.
franceinfo : On vous connaissait actrice, mais pas autrice. L'écriture était nécessaire pour vous ?
Alice Taglioni : Ça s'est révélé, mais vraiment sur le tard. C'est un moyen d'expression que je ne connaissais pas. Disons que c'est un moyen d'exprimer des choses finalement assez intimes, voire très intimes, et de pouvoir non pas se cacher, mais trouver une vraie liberté, c'est presque une découverte pour moi aussi.
À travers cet ouvrage, on découvre qui vous êtes au fond. Vous racontez l'absence abyssale d'un compagnon parti trop tôt, père d'un petit garçon de huit mois. L'absence creuse un trou béant difficile à raconter avec des mots. Et pourtant, il y a une justesse dans ceux que vous trouvez. On sent que c'est aussi une main tendue pour toutes celles et ceux qui vivraient la même chose. Était-ce aussi ça, le but de ce livre ?
J'avoue que quand je l'ai écrit, c'est une des premières choses que j'avais à l'esprit et c'est ce qui m'a donné la liberté aussi. Je pense être quelqu'un d'assez pudique, qui ne veut pas se délivrer, se livrer.
"Je me suis autorisée à écrire des choses en me disant : si seulement ça peut aider des personnes qui sont dans le malheur, la douleur et se trouvant devant quelque chose qui paraît impossible à vivre, alors il faut le faire."
Alice Taglionià franceinfo
Il y a aussi le théâtre avec Vel'd'Hiv. Dans cette pièce, vous devenez la voix de ces femmes juives qui ont été raflées et déportées le 16 juillet 1942. 13 000 personnes arrêtées, dont un tiers était des enfants. Comment absorber autant de souffrance dans un rôle ?
C'est particulier à dire, mais dans ces cas-là, je n'ai pas l'impression d'être une actrice. Je ne fais pas une performance et c'est très, très douloureux. Il y a quelque chose qui est incroyable dans ces témoignages. Il y a cette envie de vivre et presque cette façon d'écrire aux autres : "Ne vous inquiétez pas, ça va très bien. Je suis courageuse" qui fait penser, au-delà de la survie, à quelque chose qui est de l'ordre de l'espoir, de la vie, malgré l'horreur. Et ce sont beaucoup de femmes qui font tout ce qu'elles peuvent pour essayer de mettre en place des démarches pour sauver leur enfant. C'est ça aussi ce fameux devoir de mémoire. Donc c'est très important et je suis très humble par rapport à tout ça.
Il y a toujours cette notion de famille que ce soit dans le livre ou dans la pièce.
Bien sûr ! Et d'enfants !
Comment étiez-vous enfant ? C'est votre père qui vous donne le goût du cinéma. Il vous a fait voir des films pendant des années...
"Il y a des choses, même si on n'y réfléchit pas sur le moment, qui sont toujours liées à l'enfance, aux parents."
Alice Taglionià franceinfo
Les cinéma c'est aussi mon moyen d'être avec lui. C'est quelque chose qui me rapproche. Autant la musique, c'est le côté de ma maman, de ma grand-mère. Autant mon père... il aurait toujours voulu être acteur. C'est la première fois que je dis ça, mais je pense que c'est en grande partie grâce à lui, peut-être pour lui, que je suis aussi devenue actrice et que j'ai adoré ce monde-là.
Le piano vous a permis aussi de vous construire ?
C'est incroyable ce que le piano peut apporter. Évidemment, c'est quelque chose qui me permet d'exprimer des choses que je ne saurais pas faire autrement. Des émotions. Mais c'est aussi une protection. C'est un truc qu'on a devant soi et c'est quelque chose derrière lequel on peut se cacher. Moi, je sais que j'ai découvert ce métier d'actrice en me disant : waouh, qu'est-ce que je vais faire avec tout ça ? Avec mon corps. Je ne sais pas parler toute seule, je ne sais pas me tenir. Voilà, je n'étais pas très à l'aise.
Pour terminer, est-ce qu'avec ce livre, vous avez réussi à fermer la porte à vos démons et à aller chercher cette sérénité ?
Alors je ne sais pas si j'ai des démons. Ce n'est pas parce qu'on vit quelque chose de tragique, forcément, qu'on en a. Oui, je pense qu'il faut accepter l'idée que même quand tout va bien, on peut aller mal. C'est très important. C'est joli cette histoire de roman et du fait que j'aie pu écrire cette histoire. Mais ce n'est pas tourner la page pour ranger quelque chose, c'est pour en écrire une autre, dans la continuité de quelque chose. Il y a une phrase que je n'aime pas, c'est : "Refaire sa vie". Non, au contraire, on se nourrit de ce qu'on a vécu, de son expérience, pour vivre sa vie.
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