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"L’écriture, c’est ma vie" : Francis Veber décortique avec humour les travers de notre société dans sa nouvelle pièce "Le tourbillon"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le scénariste, producteur et auteur, Francis Veber. Depuis le 7 octobre 2022, au théâtre de la Madeleine se joue sa nouvelle pièce, "Le tourbillon", avec Philippe Lellouche et Caterina Murino.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le scénariste, producteur et auteur, Francis Veber, au théâtre de la Madeleine, à Paris. (LP/OLIVIER LEJEUNE / MAXPPP)

Francis Veber est réalisateur, scénariste, producteur, dialoguiste et dramaturge. Il a notamment signé les scénarios de films comme L'emmerdeur d'Edouard Molinaro avec Jacques Brel et Lino Ventura en 1973, celui du Grand Blond avec une chaussure noire d'Yves Robert avec Pierre Richard (1972). Il a également réalisé des films devenus cultes comme La Chèvre (1981), Les Compères (1983), Les Fugitifs (1986), Le Placard (2001). Impossible de ne pas parler du Dîner de cons, en 1998, son plus grand succès. Depuis le 7 octobre 2022, au théâtre de la Madeleine se joue sa nouvelle pièce : Le tourbillon avec Philippe Lellouche et Caterina Murino.

franceinfo : Le tourbillon est une comédie, donc un domaine que vous connaissez par cœur. La comédie est un peu ce qui vous colle le plus à la peau !

Francis Veber : C'est vrai. Je ne peux pas toucher à la tragédie parce qu'on ne peut pas en rire. Mais en revanche, on vit à une époque où le pittoresque abonde. C'est-à-dire que tous les ultras, qu'ils soient de gauche ou de droite, sont des espèces d'imprécateurs qui sortent des âneries et ils nourrissent les humoristes.

À notre époque, la comédie est surtout indispensable.

Francis Veber

à franceinfo

L'histoire raconte finalement comment deux couples peuvent s'"entremêler". Ils sont liés par le sang, mais pas par les idées, c'est de ça dont il s'agit. D'un côté, il y a un flic et sa femme, coiffeuse et très bavarde et de l'autre, on a un journaliste qui est déprimé et sa femme, qui finalement représente la force tranquille, qui va être le point de jonction et d'apaisement dans ce tourbillon de la vie...

Le tourbillon, c'est justement parce que j'ai un flic brutal et un journaliste à qui il arrive une chose qui est arrivée, paraît-il, pas mal de fois dans la presse. C'est qu'un gros groupe financier achète sa radio et il n'a pas tout à fait les mêmes idées que le groupe financier, il démissionne et fait une dépression. C'est entre ce flic brutal, ce dépressif et puis une jeune femme, Sophie, qui ne réfléchit pas avant de parler. Ça, c'est formidable comme personnage. J'adore écrire ces gens-là. Ils sont angéliques, mais inattendus. C'est-à-dire que vous ne savez jamais leur réaction. Alors, entre ce flic brutal et sympathique, c'est évidemment Philippe Lellouche et Stéphane Metzger qui est le journaliste dépressif, il y aura cette femme interprétée par Caterina Murino, qui se faisait tuer au Casino Royale parce qu'elle couchait avec Daniel Craig et que j'étais content de retrouver parce qu'elle n'était pas vraiment morte, en fait.

Heureusement pour eux, c'est mieux.

Toujours est-il qu'avec ces personnages et en plus Adeline, ma sotte, ma nunuche, je me suis retrouvé dans mon univers.

Je voudrais qu'on parle de cette écriture. Que vous apporte-t-elle ?

C'est ma vie. Mon père et ma mère étaient écrivains, mais ça ne marchait pas. Mon père avait été bloqué par la guerre parce qu'il était juif par mon grand-oncle Tristan Bernard. En fait, Veber, c'étaient des catholiques alsaciens et ma mère était arménienne de Russie. Ce qui l'a sauvé quand on l'a convoqué à la Gestapo, c'est qu'on était baptisés tous les trois, mon frère, ma sœur et moi. Donc on l'a laissé partir, mais pendant quatre ans, mon père s'est caché. C'était affreux comme époque et ma mère faisait des romans pour jeunes filles.

J'ai fait médecine parce que mon père m'avait dit : 'Surtout, n'écris pas, fais un vrai métier, un métier avec un fixe'. Et on m'a envoyé en médecine, mais je détestais ça.

Francis Veber

à franceinfo

Vous allez réussir à imposer ce travail de scénariste qui vous tenait à cœur et il y a une rencontre, celle avec Lino Ventura qui lui va vraiment craquer sur Le contrat (1969) et ça va devenir L'emmerdeur (1973). C'est un tournant dans votre vie ?

Absolument. Avec Lino, ça s'est mal passé au départ parce que Gaumont, avec Lautner, voulait que je lui amène : Il était une fois un flic. Je ne savais pas qu'on lui avait déjà présenté le truc. Je commence à lui raconter et j'avais l'impression qu'il allait me descendre à la mitraillette. Il me dit : "Alors, vous me rapportez ce rossignol ?" Et il me voit tellement désemparé qu'il a eu bon cœur et m'a dit : "Qu'est-ce que vous faites par ailleurs ?" Je lui ai répondu que j'avais écrit une pièce qui s'appelait : Le Contrat et que je ne pouvais pas lui donner une pièce qu'il n'allait pas lire, pensant qu'il était submergé de scénarios. Lino Ventura m'a dit : "Apportez-la moi". Le soir, je fais quelques courses, je reviens et ma femme me dit : "Lino Ventura a appelé", je le rappelle et il répond : "Ça, je veux bien le jouer" et ma vie a changé.

Impossible de ne pas citer Le Dîner de cons, sorti d'abord au théâtre et qui a remporté un vrai triomphe pendant plus de trois ans. C'est votre plus beau bébé ?

Oui, parce que malheureusement, les auteurs confondent le box-office et éventuellement la qualité de ce qu'ils ont écrit. Pour mes enfants, c'est "Coup de tête" qui a fait des recettes relativement modestes, mais qui est un de mes meilleurs scénarios (1979). Le dîner de cons, ça se passe pas trop mal parce que quand vous faites un scénario, c'est comme si vous preniez une poignée de sable dans la main. Si les doigts s'écartent un peu, le sable tombe un peu. Et on vous dit : "Il y a de bons moments de rire dans votre scénario". Là, les gens me disent : "C'est drôle", ils ne me disent pas qu'il y a des bons moments, vous voyez. Donc ça me rend fier quand même.

Pour terminer, qu'est-ce qui vous touche le plus finalement ? On a l'impression que c'est d'abord le théâtre.

Oui, oui, oui, parce qu'au théâtre, vous avez une pâte à modeler qui sont les acteurs et vous les amenez progressivement à entrer dans le personnage et c'est une continuité.

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