Dans son sixième long métrage "Le bal des folles", Mélanie Laurent rend hommage aux femmes à la marge au XIXe siècle
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la comédienne et réalisatrice Mélanie Laurent.
Actrice et réalisatrice, c'est en 2007 que Mélanie Laurent reçoit le César du meilleur espoir féminin pour Je vais bien, ne t'en fais pas de Philippe Lioret. Ses débuts à Hollywood dans Inglourious Basterds de Quentin Tarantino ne passent pas inaperçus (2009) tout comme son engagement pour la défense de l'environnement avec la coréalisation avec Cyril Dion du film Demain, qui remporte le César du meilleur film documentaire en 2016. Son sixième long métrage est désormais disponible sur Amazon Prime Video : Le bal des folles adapté d'un roman du même nom de Victoria Mas (2019).
franceinfo : Le bal des folles se passe dans les années 1880. Eugénie est une jeune fille pétillante qui a le don de pouvoir discuter avec les morts. Évidemment, sa famille ne voit pas cela d'un bon œil et elle se retrouve internée à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Je voudrais juste citer une phrase de Michel Audiard : "Bienheureux les fêlés, car ils laisseront passer la lumière". Est-ce que ça veut dire qu'être différent, ce n'est pas si simple ?
Mélanie Laurent : Ce n’est pas si simple.
J'aime bien la définition de la folie comme, peut-être, une sorte de décalage.
Mélanie Laurentà franceinfo
C'est compliqué la définition de la folie. C'est quoi être folle exactement ? Et puis, c'est quelque chose qu'on a entendu souvent entre femmes, on se traite souvent de folles. Quand c'est entre nous, ça va et quand ça vient d'un homme, on trouve ça toujours un peu étrange, non ? Et qui est le plus fou ? C'est ce qui m'a le plus intéressé, je crois, et je me suis vraiment basée sur cette phrase.
Vous vous êtes surtout basé sur vos lectures, celles qui vous accompagnent depuis vos débuts.
Je suis née dans une famille d'éditeurs avec plein de livres autour de moi. Peut-être que ça a joué.
Votre père était comédien, spécialisé dans le doublage, notamment du personnage des Simpson, Ned Flanders. Votre maman était professeure de danse. Vos grands-parents étaient éditeurs d'affiches de théâtre. Une ascendance qui donne envie d'utiliser son corps, son esprit et les mots. Ce capital culturel a-t-il joué dans votre parcours ?
Oui. Et puis, il y avait aussi une éducation très humaniste. On allait dans la rue pour défendre plein de choses. On pouvait parler de politique très ouvertement. J'ai gardé un lien avec mon grand-père, on s'écrit des lettres. Il est toujours là et pète le feu.
Quand j'observe mes grands-parents, c'est merveilleux de voir à quel point ils sont jeunes dans leur tête. Ce sont des gens qui ont passé leur vie au théâtre, à lire, à s'intéresser et à être curieux. Et je trouve ça magnifique d'être 'petite-fille' de ce couple et de les regarder avec autant d'admiration et de douceur.
Je les remercie parce que ils m'ont donné les clés de beaucoup de choses. D'être très humaniste, ça fragilise évidemment parfois. De vouloir protéger les autres en étant très sensible, aussi, mais ce sont des armes magnifiques même si on a du mal avec la violence de l'extérieur.
Le terrain était donc prêt pour que vous rentriez dans ce métier, mais c'est vraiment complètement par hasard que vous vous retrouvez sur un tournage alors que vous accompagnez une amie. Gérard Depardieu vous repère et vous propose de jouer dans le film Un pont entre deux rives qu’il coréalise avec Frédéric Auburtin en 1999. Le hasard fait-il bien les choses ?
C'était un coup de chance énorme. Toute ma vie, je me suis posée la question, est-ce que la chance se provoque ? Est-ce que ce jour-là, je n'ai pas provoqué quelque chose ? Quand on regarde les vidéos d'enfance, je suis quand même très souvent déguisée, j'ai envie d'être Peau d'âne, je veux la robe couleur du soleil... Et en même temps, à côté de ça, j'écris beaucoup. J'ai envie de mettre en scène tous mes cousins, mon frère, qui en ont marre de ces petits spectacles de théâtre improvisé chaque week-end.
Il y a donc, à la fois une famille qui me laisse avoir accès à tout ça, et une grande envie de prendre cet espace. Je pense qu'il y a quelque chose qui a été provoquée et c'est sûr que Gérard Depardieu a changé ma vie, ce jour-là et en quelques secondes.
Les gens vous ont fait confiance tout au long de votre carrière. Quentin Tarantino en fait partie et pourtant il n'a pas fait appel à beaucoup d'actrices françaises. Quels souvenirs gardez-vous d'ailleurs du film Inglourious Basterds ?
Inglorious Basterds de Quentin Tarantino, c’est le bonheur et la chance d'être sur un plateau, de raconter une grande histoire, et de savoir comment on est filmé. Cela n'arrive pas souvent, mais quand ça arrive, c'est merveilleux.
Autre moment magique, c'est votre César pour Je vais bien, ne t'en fais pas. Cette reconnaissance du métier était importante ?
Il y a ce truc de fantasme de petite fille, c'est-à-dire regarder la cérémonie des César, regarder Cannes. Ça fait partie aussi de tout ce qui faisait briller mes petits yeux de jeune fille qui avait envie absolument de faire partie de ce monde. Quand ça arrive, c'est complètement dingue. C'était beau de fantasmer tout ça, parce que si on ne trouve pas ce métier merveilleux, il faut en changer. Je déteste les grands blasés de ce milieu. Je trouve qu'il n'y a aucune pudeur.
On retrouve beaucoup de votre engagement dans ce film Le bal des folles. Tout est léché, soigné, il n'y a rien en trop. Est-ce que d'être juste vous définit aussi ?
D'avoir envie de l'être. Dans Le bal des folles, je ne voulais pas trahir ces femmes. Je voulais leur rendre hommage. J'ai toujours très envie de pouvoir témoigner. Les femmes me bouleversent.
Puisqu'on parle des femmes, que gardez-vous de votre mère ?
Ma mère est un soleil et une battante. Elle n'est pas une grande féministe dans l'âme, mais elle m'a toujours dit cette phrase très féministe : "Fais ce que tu veux, comme tu veux et sois libre et très indépendante parce que tu n’as besoin de personne".
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