Daniel Auteuil : "C'est toujours avec une infinie pudeur et une extrême joie que je monte sur une scène"
Daniel Auteuil est un acteur nommé 14 fois aux Césars et couronné en 1987 dans la catégorie meilleur acteur pour son rôle dans les films Jean de Florette et Manon des Sources de Claude Berri et en 2000 pour "La Fille sur le pont" de Patrice Leconte. Impossible de ne pas citer son rôle dans le film qui a fait changer le regard sur les différences, Le huitième jour de Marcel Hanoun en 1996, pour lequel il a remporté, ex aequo avec Pascal Duquenne, le prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes. Il est aussi metteur en scène, réalisateur et surtout de plus en plus auteur, compositeur et interprète. Depuis 1985, nous entendons sa voix. Il y a eu tout d'abord Que la vie me pardonne et puis en 2021, son album Si vous m'aviez connu qui a révélé davantage cette voix, mais surtout cette envie de faire plus de musique.
Ce vendredi 17 mars 2023 sort son nouvel album avec Gaëtan Roussel en tant que chef d'orchestre, Si tu as peur, n'aie pas peur de l'amour. Il est aussi en tournée dans toute la France.
franceinfo : Si tu as peur, n'aie pas peur de l'amour, ce sont dix chansons pour raconter les sentiments, les émotions. Parfois, elles font du bien, parfois elles déséquilibrent, en tout cas elles questionnent. L'amour semble donc être un élément majeur de votre vie.
Daniel Auteuil : Je ne vois pas ce qu'il y a de mieux, en tout cas de plus constructif. Ça peut être aussi destructeur, mais plus constructif, ce qui nous permet de tenir, de vivre. Oui, c'est capital.
Le fait de prendre la plume vous a permis d'avancer davantage ?
Quand j'étais jeune homme, j'écrivais et puis le temps a passé. J'ai passé ma vie à dire les mots des autres, donc il m'était, sûrement, interdit de dire les miens puisque longtemps, j'ai pensé que je n'avais rien à dire de particulier. En fait, je m'aperçois au fond que tout ce que je raconte part d'une émotion que j'ai déjà vécue, ressentie. Je me souviens, je tiens ça de Claude Sautet. Lui, il disait qu'il y avait toujours une part de l'iceberg qui était une part cachée d'un personnage qui nous appartenait.
Dans les histoires que je raconte, il y a toujours une part cachée qui m'appartient.
Daniel Auteuilà franceinfo
Chanter, c'est rendre hommage à ceux qui vous ont donné la vie, qui vous ont montré le chemin. Dans Inconsolable, vous chantez des moments de partage avec votre père. Ça permet aussi de revivre des jolis moments ?
Ça permet ça et surtout, ce disque parle beaucoup de relation père-fils dans des situations différentes. Le fait d'avoir vécu toutes ces choses et d'avoir aujourd'hui un jeune fils me permet, quand j'écris des histoires, d'être à la fois le fils et à la fois le père. Je peux raconter l'histoire des deux bouts de la chaîne.
Est-ce que la musique vous permet de vous découvrir différemment ?
Je ne pense pas. Je suis resté le même. C'est toujours avec une infinie pudeur, une délicatesse, mais une extrême joie que je monte sur une scène et viens faire de la musique. C'est quelque chose... J'ai bien fait de ne pas me priver de ça.
Dans cet album, le passé, le présent se tutoient et s'entremêlent. C'est non seulement un trait de votre caractère, mais c'est surtout une valeur qui a toujours fait partie de votre personnalité, c'est-à-dire de savoir d'où on vient, de ne pas oublier qui on est.
Ce que j'écris, ce sont des choses qui viennent profondément de moi, de mon vécu. C'est Jouvet qui disait ça : "Jusqu'à 40 ans, on est sur l'imaginaire et c'est l'imagination qui fait l'homme. Mais à partir de 40 ans, c'est l'homme qui fait l'action" donc tout ce que je raconte, ce sont des choses qui me sont passées par le corps, que j'ai vécues, que j'ai senti, que j'ai vu. Certaines que je n'ai pas forcément vécu, mais qui m'ont marqué tellement fort que je les ai prises pour moi. Parfois, on prend la douleur des autres, on prend le bonheur des autres. En tout cas, il y a quelque chose qui était là depuis toujours et ces mélodies et ces textes… C'est magnifique que des gens viennent m'écouter, je trouve ça formidable.
Est-ce que le petit garçon que vous étiez est fier de l'homme que vous êtes devenu ? Parce que vous dites que ce disque, c'est l'enfant Auteuil qui tend la main à l'homme Auteuil.
Oui, c'est ça. C'est celui qui... Voilà, je chantais devant ma glace quand j'étais petit et j'ai toujours fait en sorte de rêver des choses qui pourraient réellement m'arriver.
J'ai rêvé grand, mais pas trop grand.
Daniel Auteuilà franceinfo
Il y a un côté mélancolique dans cet album, mais c'est une mélancolie qui est très positive.
En fait, j'ai toujours vécu comme si c'était la dernière fois que les choses se faisaient. Un jour, il y a très longtemps, j'étais jeune, j'ai eu un accident de voiture et j'ai failli mourir. Et je pense qu'il y a un truc d’urgence qui s'est réveillé. Je me souviens, mon père me disait : "Profite mon fils, profite" et j'étais à fond et j'ai dit : mais papa, de quoi veux-tu que je profite ? Je ne peux pas faire plus ! Et la musique, c'est ça, je profite à fond quand j’arrive sur une scène en province, en faisant les balances musique, en voyant le public. Ils sont toujours surpris, me regarde comme ça, et puis d'un coup, ils frappent dans les mains et puis je les fais chanter et on s'amuse. Et c'est gai. En tout cas, c'est ce que je voulais faire et ce que je fais.
Ce qui ressort dans votre écriture aussi, c'est cet aspect contemplatif que vous avez notamment dans la chanson Il regardait la pluie, on a le sentiment que vous vous émerveillez de tout.
Alors, il regarde la pluie et en même temps, il regarde le temps qui passe et le temps qui s'enfuit. Et il se pose la question : "Au fond, est-ce que j'ai raté quelque chose ?" Et non, non, non, il n'a rien raté, aucun rendez-vous, aucun rôle, aucun amour, aucune histoire. Le seul truc, c'est qu'il sait que ça ne recommence pas, alors il continue.
Daniel Auteuil sera en concert le 18 mars 2023 au Casino de Paris, le 7 avril à Vias, le 14 à Provins et le 4 mai à Sarreguemines, etc...
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