"Cuisiner c'est vivre !" : Yves Camdeborde associe cuisine et rugby dans "Ovalix, une histoire gourmande du rugby"
Yves Camdeborde est cuisinier et une figure emblématique de la bistronomie, auteur également d'une douzaine d'ouvrages de cuisine. Ses passions sont la cuisine et l'ovalie qui l'accompagnent depuis presque ses premiers pas dans le Béarn. Le public l'a notamment découvert lors de sa participation en tant que jury de l'émission Masterchef sur TF1 en 2010, et ce, durant quatre ans.
Avec Olivier Margot, rédacteur en chef de L'Équipe pendant 25 ans, Yves Camdeborde vient de publier : Ovalix, une histoire gourmande du rugby chez Albin Michel, une déclaration d'amour à ce sport qui les unit et les fait vibrer depuis quasiment toujours.
franceinfo : La publication d'Ovalix colle parfaitement à l'actualité avec cette Coupe du monde de rugby. En quoi ce sport est-il si différent, si convivial ?
Yves Camdeborde : Ce sport est un sport de fraternité. Moi, j'ai commencé ce sport à l'âge de sept ans à l'école de rugby de la section Paloise et il y avait l'affiche dans le vestiaire : "Le rugby, c'est l'école de la vie". Ça permet à des gens de morphologies différentes, surtout quand on est jeunes... Moi, j'étais tout petit, chétif et j'avais des copains qui étaient des petits gros et on nous montrait facilement du doigt dans la cour de récréation... De prendre de l'importance quand ils sont sur un terrain de rugby, par rapport au collectif donc, c'est une forme d'intégration humaine qui a été très importante pour moi et qui est très importante pour beaucoup de jeunes.
Vos premiers souvenirs remontent à loin avec le Gallois Gareth Edwards. Vous aviez six ou sept ans et vous étiez demi de mêlée. Et puis il y a eu cet amour pour l'équipe de France avec le joueur Jérôme Gallion. Au collège, vous avez même rédigé une rédaction pour exprimer que vous vouliez avoir ce sport-là dans votre vie.
C'est un coup de foudre. C'est une façon de vivre, c'est une philosophie, c'est un engagement personnel par rapport au collectif. C'était vraiment, je pense, mon moteur, mon équilibre.
À 14 ans, vous deviez choisir. Votre papa tenait une ferme, votre mère était charcutière. Ils vous ont engagé à suivre un parcours dans la cuisine. Au début, vous vous êtes posé beaucoup de questions et puis finalement, la brigade et l'équipe, c'est ce que vous racontez dans cet ouvrage, c'est vraiment la même chose. Et vous avez pris conscience que dans une cuisine, on avait un esprit d'équipe.
Je quitte la maison parce que le cadre familial m'étouffait, en me disant : je veux vivre libre, je vais faire autre chose, donc je suis parti dans le milieu de la cuisine et je me suis vite rendu compte que dans le milieu de la cuisine, le cadre est au moins aussi strict, voire plus. Mais une fois que j'avais compris le cadre, j'arrivais à m'exprimer dans le collectif qui était au centre de ce cadre. Et c'est ce qui m'a servi aussi bien sur le terrain de rugby que dans ma vie professionnelle. Vraiment, le comportement pour moi a été identique. C'est toute la performance de la formation, que ce soit celle de cuisinier ou celle de rugbyman, à certains moments, il faut savoir s'exprimer individuellement pour le bien du collectif. Il faut faire le geste de plus, l'assaisonnement de plus, la découpe supplémentaire, il faut sentir les choses. Je pense que ce sont deux corporations où la sensibilité, la pâte et la réflexion du joueur ou du cuisinier est très importante.
"Les grandes équipes comme les grandes brigades de cuisine ont besoin de ce collectif avec la personnalité et la sensibilité de chaque individu qui intègre l'équipe."
Yves Camdebordeà franceinfo
C'est Christian Constant qui va d'ailleurs marquer ça.
Oui, je pense que j'ai eu la chance de le rencontrer quand je suis arrivé à Paris, à l'hôtel Ritz. J'étais un petit gamin qui arrivait avec la paille dans les sabots. J'arrivais de ma campagne et Christian Constant a vu un gamin qui lui ressemblait quand lui est arrivé à Paris. Il arrivait aussi du Sud-Ouest et jouait au rugby. Il m'a vu pétillant et m'a vu amoureux de tout ce que je regardais, tout ce qui se passait, mais avec zéro connaissance et surtout, je n'avais pas les codes des grandes maisons. Il m'a pris sous son aile et m'a accompagné durant toute ma carrière. Il m'accompagne encore aujourd'hui, humainement, parce qu'on est resté très lié, c'est devenu mon père spirituel.
Dans cet ouvrage, on découvre l'histoire du rugby. Vous avez concocté 30 plats pour vivre ces moments de match, seul, à 15 ou en duo. Ces recettes sont très accessibles. C'est aussi un choix de faire en sorte que cette cuisine puisse être partagée par le plus grand nombre ?
Dans Ovalix, j'ai choisi 30 banquets historiques qui ont accompagné de grands matchs du rugby. Dans chaque banquet et chaque menu de banquet, j'ai retiré une matière première. Je l'ai fait de façon relativement simple, avec des produits accessibles au plus grand nombre, des produits de notre quotidien. Une recette qui est engagée, une recette qui a du peps, une recette qui a du caractère.
"Il fallait que les recettes d’’Ovalix’ soient faciles à réaliser, mais surtout qu'elles ne laissent pas indifférent, qu'elles piquent !"
Yves Camdebordeà franceinfo
Que vous apporte à la cuisine ?
Cuisiner, c'est vivre. Je partage tout ce que j'aime et je le partage toujours avec la même passion. J'ai le sourire, la gentillesse, le regard, l'affection et c'est vrai que ça me nourrit pour continuer à cuisiner parce que c'est un métier où il y a l'investissement physique et moral et ce n'est pas toujours facile, mais ça me permet surtout de vivre parce que je suis fier et heureux de faire ce que je fais et de partager ma passion.
Seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin. Est-ce que c'est l'adage qui symbolise le plus votre parcours et votre cuisine ?
Oui, ça symbolise exactement les deux, le métier de la cuisine et le métier de rugbyman. Tout seul, on peut être très très beau, mais en étant bien accompagné, on va très très loin.
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