"Construire des personnages, c'est me mettre à la place des autres", explique José Garcia
José Garcia est cet acteur, humoriste, ce champion du monde de la répartie. Pour beaucoup de Français, il est devenu un ami, un membre de la famille. Le point de rencontre était Nulle part ailleurs, avec Antoine de Caunes et Philippe Gildas. Ensuite, il y a eu les films : La vérité si je mens ! De Thomas Gilou en 1997, Jet Set de Fabien Onteniente en 2000, Le Boulet d'Alain Berberian et Frédéric Forestier en 2002. Sa force ? C'est qu'il n'y a pas qu'une partie comique chez lui, il y a aussi une partie dramatique et plus il avance, plus il tend vers ça, justement. Le rire est certes au centre de sa vie, mais finalement il est attiré par des sujets plus graves, plus sérieux.
À partir d'aujourd'hui, il est sur scène aux côtés d’Isabelle Carré dans une pièce qui s'intitule Biographie : un jeu, mise en scène par Frédéric Bélier-Garcia, d'après un texte du Suisse Max Frisch, au Théâtre Marigny, à Paris.
franceinfo : Vous êtes Kürmann, un homme qui se remémore sa rencontre avec sa femme et la question est : est-ce qu'on peut changer notre vie, peut-on refaire l'histoire ?
José Garcia : La pièce est admirable. J'aime bien me raconter à travers d'autres choses que ce que j'ai fait. Cette pièce est formidable parce qu'elle laisse chacun d'entre nous se poser les bonnes questions. C'est très bien fait parce que finalement, depuis que j'ai commencé cette pièce, je ne sais plus. Le principe de la pièce, en fait, c'est qu'on essaie de refaire des scènes qui m’embarrassent, qui me gênent ou qui m'ont créé de la tristesse et on essaie de les dévier un tout petit peu, de pas grand-chose, mais juste pour qu’elles n’arrivent plus ou qu’elles s'arrangent. Et on se rend compte qu'elles ne s'arrangent pas.
Alors avant je suis passé par plein d'étapes dans la vie spirituelle, je me demandais s'il y avait une réincarnation, s'il y a un au-delà ou quelque chose comme ça. Ça serait aussi une façon, je dirais presque bouddhiste, de perfectionner sa vie en permanence. On se rend compte que toute décision implique un résultat et que c'est difficile de voir qu'en fait on est quand même très conditionné dans cette vie.
"Si ça se trouve, on finit une vie et puis on la recommence immédiatement après pour essayer de la refaire et de la parfaire."
José Garciaà franceinfo
Est-ce que cette pièce vous a obligé à regarder en arrière ?
Forcément, il y a plein de choses qui me sont arrivées et qui arrivent aussi dans la pièce. Il y a des choses tragiques, mes origines espagnoles m'emmènent toujours vers la gravité. Nous, on est baigné de la mort de la tête aux pieds. En Espagne, il y a toujours une grande légèreté, une grande envie de vivre et puis en même temps des abysses profonds, durs. Dans la pièce, ce personnage avait plein de choses assez moches dans un placard.
Vos parents sont partis d'Espagne. Ils ont quitté leur Galice natale parce qu'ils avaient faim. Ils aspiraient à vivre mieux et à offrir autre chose à leur descendance. Ils sont devenus gens de maison. Vous avez vu votre père, valet, maître d'hôtel, votre maman cuisinière, elle cuisinait pour les autres. Que gardez-vous de vos parents ?
"Je garde de mes parents une force de vie exceptionnelle."
José Garciaà franceinfo
J'ai la chance d'avoir encore ma mère. Mon père, je l'ai enterré il y a deux ans, le soir de la dernière de Biographie.
J'ai l'impression que le rire, c'est ce qui vous a permis de vous protéger, de dédramatiser, de vous construire ?
Oui. J'adore Marcello Mastroianni, il m'inspire tout le temps parce qu'on a beau le prendre à bras-le-corps, on ne peut pas tenir un bout de bois toute la journée comme ça. Il y a un moment, il faut savoir lâcher. Le cynisme et l'humiliation sont les deux grands maux de notre période, c'est horrible. Alors l'humour, la détente et ne pas tout prendre à bras-le-corps, c'est très important.
"L'humour permet de passer sur les humiliations, qui sont les premières choses auxquelles j'ai eu à faire et qui me massacrent encore aujourd'hui."
José Garciaà franceinfo
J'ai l'impression que ce qui vous a aussi permis de vous construire en tant qu'homme c'est de jouer des rôles différents, d'incarner des personnages. Ce n'est pas un hasard si vous avez choisi de devenir acteur, de monter sur scène.
Il y a deux choses. D'abord, j'étais fasciné par les gens qui me donnaient énormément de plaisir, me faisaient oublier mon quotidien, quand je regardais à la télévision un film de Louis de Funès ou une comédie. Je ne les remercierai jamais assez. C'est pour ça que je suis monté sur scène. Après, construire des personnages, c'est me mettre à la place des autres que j'adore parce qu'on comprend beaucoup de choses quand on est à cette place-là et on est plus tolérant. C'est très important d'être tolérant avec les autres.
Quelle est la part de hasard dans votre vie et quelle relation avez-vous avec le hasard ?
La part de hasard est immense. La part de hasard a commencé quand j'étais en train de crever la bouche ouverte, sans travail, carrément en bout de course et qu'une amie m'a dit : "Viens faire la clap à Canal". J'ai commencé à m'occuper du public, un peu triste, en me disant : bon, je ne ferai pas acteur. Et puis j’ai commencé à faire des personnages avec Antoine de Caunes, ce sont des instants de grâce.
En même temps, vous avez toujours croqué la vie à pleine dent !
Ah tout le temps ! Ah ça, je vis comme si j'allais mourir ce soir.
Quand vous étiez sur l'île aux Cygnes, enfant, à fumer en cachette des cigarettes, vous aviez un regard sur la vie. Êtes-vous heureux de l'homme que vous êtes devenu ?
Ah oui ! Et j'ai de la chance. Il y a des gens qui se donnent corps et âme tous les jours pour essayer de faire des choses. Quand elle n'est pas au rendez-vous, franchement, la vie est très dure. Comme je sais que j'ai cette chance, tous les jours, je vais l'honorer par un sourire et de la bonne humeur.
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