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Cinéma : "Les compositeurs ont l'avantage de parler une langue universelle", selon Alexandre Desplat

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le compositeur de musiques de films, Alexandre Desplat. Il est l’invité d’honneur de la huitième édition du Festival de Cinéma de Musique de film de La Baule (29 juin au 3 juillet 2022).

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le compositeur de musiques de films, Alexandre Desplat. (ROBYN BECK / AFP)

Alexandre Desplat est compositeur de musiques de films et c'est sa bande originale pour La jeune fille à la perle en 2003, qui l'a propulsé sur le devant de la scène internationale. Il a travaillé avec les plus grands réalisateurs comme George Clooney, Jacques Audiard ou encore Roman Polanski. Ce travail colossal a été salué, ovationné, récompensé à de multiples reprises avec, par exemple, deux Oscars pour The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson en 2015 et La forme de l'eau de Guillermo del Toro en 2018, ou encore trois César, deux BAFTA Awards, deux Golden Globes, deux Grammy Award etc.

Le 3 juillet prochain, pour clôturer la huitième édition du Festival de Cinéma de Musique de film de La Baule (29 juin au 3 juillet), Alexandre Desplat sera sur la scène du Palais des Congrès en tant qu'invité d'honneur.

franceinfo : Ce festival est l'occasion de mettre votre carrière à l'honneur. Que représente ce parcours pour vous ?

Alexandre Desplat : C'est très étrange, mais la vie du compositeur, c'est vraiment d'être toujours en train de courir vers cette 'dead-line', ce mur qui arrive vers vous. Vous devez avoir rendu votre partition parce qu'un studio vous attend avec des musiciens, un film, et on ne peut pas dépasser cette date. Et donc je ne regarde pas du tout en arrière parce que sinon je me mettrais en retard. Evidemment, j'entends ce défilé de Prix, de films et de metteurs en scène géniaux avec lesquels j'ai la chance de travailler, mais je n'y pense pas trop.

Vous avez grandi dans un "tourbillon musical", c'est comme ça que vous l'appelez avec du jazz, de la bossa nova, de la musique classique. Je pense à Ravel et Debussy et puis à la musique grecque, héritage de votre maman poète. L'artistique, et donc la musique vous ont très tôt et toujours accompagné.

Toujours. C'est vrai. C'est un environnement familial très bienveillant, très ouvert. Mes parents avaient beaucoup vécu aux États-Unis, s'étaient même rencontrés là-bas, y avaient étudié. Ils parlaient anglais quand j'étais enfant, donc c’est un maelström multiculturel qui a vraiment ouvert mon esprit à toutes les cultures.

À cinq ans, vous décidez de jouer au piano. C'est petit, cinq ans, et pourtant, vous allez enchaîner avec la flûte traversière, la trompette. On a le sentiment que, dès le départ, vous aviez cette envie de jouer avec les partitions.

La musique, c'est une chose magique parce qu'on la partage d'abord avec les premiers auditeurs, sa famille.

La musique est aussi un moyen d'exprimer sa solitude et de la partager avec les autres.

Alexandre Desplat

à franceinfo

Donc enfant plutôt solitaire ?

Plutôt. J'avais deux grandes sœurs. J'étais le seul petit garçon donc j'avais mon petit univers que je continue à chérir d'ailleurs, puisque finalement, qu'est-ce que je fais d'autre qu'écouter les metteurs en scène me raconter leur histoire ?

Vous allez devenir très vite cinéphile, passionné de musique de films, inspiré par Maurice Jarre, par Bernard Herrmann, par Nino Rota, mais il va y avoir un coup de foudre. C'est Star Wars ! Ce n'est pas l'épée qui vous attire, mais plutôt la musique de John Williams.

Oui, parce que d'un seul coup, j'entends dans les partitions de John Williams, le jazz qui rencontre l'orchestre symphonique, Ravel qui rencontre Debussy, Stravinsky et toutes ces musiques du XXᵉ siècle que j'adore. Et pour la première fois, elles accompagnent un film. C'est drôle parce que j'ai des copains qui n'écoutaient pas du tout de musique classique, mais ils pouvaient écouter les musiques de John Williams, c'est dire la force pédagogique géniale.

Vous êtes un homme fidèle aux personnes qui travaillent avec vous. C'est le cas avec Jacques Audiard. Il va y avoir une vraie rencontre avec lui.

Oui. Quand je rencontre Jacques, je découvre un univers qui me plaît parce qu'il est très français et en même temps, il est nourri de films noirs américains. Et j'utilise d'ailleurs dans cette collaboration mon influence des minimalistes américains. J'essaye enfin de mettre en ordre toutes mes influences.

C'est dur de trouver sa patte, de la garder ?

C'est ce qui est le plus difficile, c'est de trouver sa voix.

Vous prenez quand même un peu le temps de profiter des choses ?

Non, pas vraiment. En fait, j'aime travailler.  Il y a une force attractive qui est terrible et que je ne peux pas repousser, en tout cas pour l'instant. À part travailler, je ne sais pas faire grand-chose d'autre.

J'aime être seul dans mon studio. J'aime retrouver les musiciens quand j'enregistre dans un grand studio et partager avec eux ce moment-là. Une fois qu'il est terminé, c'est comme un grand vide et il faut que je le remplisse en retournant travailler.

Alexandre Desplat

à franceinfo

La bande originale du film : La jeune fille à la perle de Peter Webber a été un tournant pour vous. Vous êtes nommé aux Golden Globes et aux BAFTA Awards de la meilleure musique de film et au Prix du cinéma européen du meilleur compositeur. Comment vivez-vous cette reconnaissance à l'international ?

Ce rêve de Californie perdu par mes parents et d’Hollywood était toujours présent. Je suis très heureux. Le Golden Globe, c'est un truc mythique comme les Oscars, mais c'est un moment difficile puisqu’après, il faut choisir entre les films américains, les films anglais et les films français et je ne veux pas abandonner ces derniers, mes copains français metteurs en scène. Alors, je continue à faire des films français pendant que je voyage tout le temps aux États-Unis ou ailleurs.

L'Oscar pour The Grand Budapest Hotel, c'est quand même autre chose. Vous êtes l'un des sept Français à avoir reçu cette distinction.

Ah oui, c'est fantastique ! C'est vrai que les compositeurs ont l'avantage de parler une langue universelle, c'est donc plus facile que pour un acteur. Mais c'est fantastique, surtout que Jarre et Delerue étaient pour moi des idoles totales.

Vous les rejoignez avec ce Prix !

Absolument.

Alors si on veut vous rencontrer, c'est possible. Quel est le programme sur scène ce 3 juillet ?

C'est le Traffic Quintet, dirigé par la violoniste Solrey avec qui j'ai la chance de partager la vie et la musique depuis de nombreuses années. Elle m'invite gentiment à jouer quelques morceaux pendant son concert à La Baule où je reprendrai ma flûte, qui est dans une petite boîte cachée et que je sortirais pour l'occasion.

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