Cet article date de plus de deux ans.

"Cerrone by Cerrone" : ses plus grands succès revisités "pour faire danser les gens à la maison"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le compositeur et musicien Cerrone. Il vient de sortir un nouvel album conçu comme un long mix, "Cerrone by Cerrone".

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Marc Cerrone en concert à Longwy (Meurthe-et-Moselle) le 17 septembre 2022 (RENE BYCH / MAXPPP)

Marc Cerrone est compositeur et musicien, considéré dans le milieu du disco comme le roi indétrônable. En 1976, il a composé Love in C minor, un morceau classé "ovni" par beaucoup puisqu'il est long de 16 mn 30, avec sa grosse caisse mise en avant, ses chœurs de violons, son énorme basse et ses râles de jouissance. Ce morceau va aussi marquer le début d'un faiseur de tubes, se vendre à des millions d'exemplaires comme pour chaque titre qu'il va sortir. Naîtront Supernature (1977), Give me love (1977), Je suis Music (1978), des titres classés incontournables qui ont permis à beaucoup de se sentir sexy, d'oublier leurs problèmes et surtout d'avoir cette envie de danser.

Plus de 45 ans après ses débuts, ce genre continue d'être présent et Cerrone vient de sortir un nouvel album, un double vinyle conçu comme un long mix, Cerrone by Cerrone, soit seize de ses plus grands titres revisités.

franceinfo : Cerrone by Cerrone vous a replongé dans vos titres au moment de leur création. Que représente cette carrière pour vous ?

Cerrone : Je regarde ça presque comme si j'étais un voyeur parce que je n'ai pas vu les années passer. Depuis huit ans, j'ai pris des platines en écoutant ma maison de disques pour faire une interprétation sur scène. Mais au lieu d'être à l'instrument, à ma batterie avec 14 musiciens, c'est vrai que je ne joue que mon répertoire. Et en fait, ça m'a donné l'idée de prendre des a cappella, de les reproduire comme on produit aujourd'hui quand on a Ableton, en mettant les cordes de Love in C minor dedans, Give me love et de mélanger un peu le tout. Et il en est sorti un set. C'est un peu comme si les gens écoutaient cet album en entier, on passe une heure avec eux pour les faire danser à la maison.

C'est vrai que le titre Love in C minor sort en 1976. Vous avez 21 ans. Le succès va être vraiment immédiat, c'est-à-dire que ça va cartonner très vite. Aux États-Unis, ça va être un raz-de-marée. Comment avez-vous vécu cette notoriété ?

Pendant plusieurs années, j'ai toujours vécu ça comme : ils sont fous, quoi ! C'était un peu démesuré. J'ai couru et beaucoup travaillé pour essayer d'être à la hauteur du succès qui venait, et ne se démentait pas. Ça fait 50 ans et j'en suis toujours là. À chaque date que je fais, que ce soit devant 3 000 personnes ou 25 000 comme au Touquet il y a quelques semaines et bien, j'ai un trac fou parce que je me dis : ils sont fous ! C'est wow ! Va falloir délivrer.  

Vous avez toujours été assez différent. Vous étiez différent, déjà enfant ou pas ?

J'étais très turbulent.

La batterie rentre dans votre vie parce que votre mère a besoin de canaliser vos émotions, vous vous faites virer en permanence du collège. C'est une catastrophe. Vous avez par ailleurs, très mal vécu la séparation de vos parents et on a l'impression que cette batterie vous sauve en quelque sorte.

"En fin de compte, ma mère ne m'a pas simplement offert l'instrument auquel je n'avais pas pensé, elle m'a offert mon meilleur ami."

Cerrone

à franceinfo

Six mois après, comme j'étais beaucoup plus sage et beaucoup plus concentré sur mon travail, ma mère m'a amené au magasin de disques. Quand je me suis assis à la batterie, j'ai pris les baguettes. J'ai commencé à faire un rythme. Le type était sidéré : "Mais il sait jouer votre fils !" À partir du moment où ma mère m'a dit qu’elle achèterait une batterie, de toutes les musiques que j'entendais en radio, je n'entendais pas les voix, je n'entendais que la batterie. J'écoutais bien ce qu'ils faisaient et ça m'a imprégné. C'est une drogue pratiquement, mais une bonne drogue.

Est-ce que vous avez douté par moments ?

Ce n'est pas par moments. Tout le temps, je doute. C'est pour ça que quand il y avait des succès, je me disais : ce n'est pas possible ! Aujourd'hui, quand j'écoute Supernature, quand je le fais sur scène, évidemment j'ai tout corrigé, mais quand c'est sorti, il y avait ce qu'on appelle des pains. Personne ne les a entendus. Même des musiciens avec qui j'ai pu travailler m'ont dit : "Ah bon, tu es sûr ?" Il a fallu que je leur montre. Je suis dans un perpétuel doute.

Le point de départ de l'amour de la musique, c'est Otis Redding. Il y a eu Chicago, Jimmy Hendrix , Santana aussi.

Hendrix, mon premier concert !

"Quand j'ai vu ce batteur qu’était Hendrix, je me suis dit : ‘ce n'est pas possible, je veux faire ça !"

Cerrone

à franceinfo

De vraies grandes personnalités, de vrais grands artistes aussi. Aujourd'hui, vous êtes repris partout et par beaucoup. On peut citer : Public Enemy, Daft Punk, Run DMC, The Sea, Rohff, Modjo, Paul McCartney, Bob Sinclar. Ça fait quel effet ça d'être repris par cette génération ?

Ça m'honore.

Pas que c'est une nouvelle génération, mais l'ancienne aussi comme Paul McCartney !

Alors ça, c'était très étonnant. C'était même sidérant. C'est venu au milieu de plein de choses qui se passaient, c'est lui qui m'a donné l'envie de me dire : allez, je le fais, j'y vais. À la fin de son courrier, comme il y avait un cd à écouter, il me dit : "Si ça te va, on fait 50/50 sur tout". Du coup, la maison de disques n'arrêtait pas de me dire : "Marc, tu ne peux pas laisser faire ça". Donc j'ai rappelé un peu tout le monde et j'ai dit : écoutez, vous faites ce qu'on appelle de la clearance de tout et c'est 50/50. Celui qui ne veut pas, on ne fait plus. Et c'est parti de manière incroyable. Après ça m'a amené aux années 2000 où j'ai été beaucoup flatté par des DJ qui m'ont dit : "C'est toi qui as ouvert la voie. Sans toi, on existerait, mais on ne serait pas reconnus comme des artistes". Aujourd'hui, je me dis que c'est grâce à eux. Cette dernière décade, c'est vraiment eux qui me portent. C'est fou ça.

On va terminer juste sur Give me love. Je trouve que c'est la chanson qui vous représente le plus, finalement. Ça vous colle à la peau ?

Oui, je le vis bien. Je suis fidèle dans mon infidélité.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.