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Bernard Werber : "Le livre est pour moi l'art le plus puissant, c'est celui qui force le lecteur à devenir lui-même créatif"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 6 octobre 2023 : l’écrivain, Bernard Werber. Il publie : "Le temps des chimères", aux éditions Albin Michel.
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'écrivain Bernard Werber, le 28 juin 2022. (FRED DUGIT / MAXPPP)

Bernard Werber est le seul écrivain français qui a eu recours à une loupe en plus de son stylo pour nous livrer ses premiers romans. Il faut dire qu'il fallait bien ça pour qu'il nous raconte par trois fois l'histoire des fourmis. Ces parutions sont arrivées dans nos librairies après de nombreux refus et c'est tant mieux car elles ont envahi nos bibliothèques quasiment instantanément.

Il publie : Le temps des chimères, aux éditions Albin Michel. Un roman d'aventures dans lequel il nous chahute, nous bouscule. Nous sommes au lendemain de la Troisième Guerre mondiale et un projet fou appelé "Metamorphosis", développé par Alice, une jeune prof de biologie évolutive, a pour ambition de créer des nouvelles espèces hybrides, des chimères mi-homme mi-animal. 

franceinfo : Ce roman mélange espoirs et désespoirs, passion et désamour. Il met en lumière la capacité d'adaptation des hommes dans un monde en perpétuelle évolution et parfois contre nature avec un vrai focus sur les avancées de la science qui vont parfois contre nature. Comment est né ce roman d'aventures ?

Je crois que c'est à force d'écouter les actualités qui annonçaient qu'il y avait des tremblements de terre, des tempêtes, des inondations. Je me suis dit : on va devoir s'adapter à ça et la meilleure manière de s'adapter, c'est comme les animaux, avec des nageoires, c'est sûr qu'on gère mieux les inondations.

Selon vous, la science ne joue-t-elle pas trop souvent avec le feu ?

C'est la fameuse phrase de Rabelais : "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme". Je crois que derrière cette phrase, il y a déjà une énorme source de mon travail, c'est-à-dire à quel moment on doit dire : Stop ?. À quel moment on doit se dire qu'on peut aller plus loin et à quel moment la science va nous sauver ? La meilleure manière de réparer les dégâts de la science, c'est encore plus de science, mais de la science avec de la conscience. C'est marrant, dans le mot conscience, il y a déjà le mot science.

On se rend compte que la fiction rejoint quand même terriblement la réalité. C'est aussi votre façon d'écrire ça ?

"J'essaie de faire de la science-fiction qui va se passer réellement."

Bernard Werber

à franceinfo

Il y a juste l'intelligence artificielle telle qu'on voit qu'elle évolue, la biologie avec les manipulations génétiques telles qu'on voit qu'on évolue et ce qui m'amuse, c'est l'anticipation ou la prospective, mais dans les cinq ans. Ce qui se passe dans le roman Le temps des chimères est censé se passer dans cinq ans.

C'est ce que vous vous expliquez quand on ouvre cet ouvrage. Et puis il y a toujours l'immortalité qui est au centre de tout, finalement, avec cette question existentielle qui ne cesse de nous chahuter aussi. C'est aussi en ça que ce roman interpelle. C'est votre capacité à nous confronter à nous-mêmes et à la vraie question de la vie. Est-ce que les recherches ne servent pas à ça ? C'est-à-dire d'abord à tenter d'aller chercher une forme d'immortalité.

Oui. Déjà, si on regarde au Moyen Âge, l'espérance de vie était de 40 ans. Actuellement, elle est de 80 ans. On peut imaginer qu'on passe à 120 ans d'ici quelques années. Ça se peut que vous et moi, nous vivions 120 ans et je trouve ça complètement fou parce que déjà, on va avoir une expérience beaucoup plus forte. On a un recul. L'immortalité semblait comme l'intelligence artificielle et comme les mutations, quelque chose de fictionnelle. Je pense qu'on est en train d'inventer un nouvel humain qui peut repousser très loin les limites de la mort. Nous vivons ça et je trouve ça dingue.

Pour vous intégrer, très tôt, vous avez choisi l'écriture. Ça veut dire que c'est ce qui constitue l'être que vous êtes devenu ?

Je dois vous avouer que seul sur une île déserte, sans éditeur et sans lecteur, je me mettrai à écrire parce que c'est ce qui me permet de ranger mes pensées. C'est ce qui me permet de m'évader. Pour moi, à la limite, le vrai métier, c'est conteur ou auteur, c'est fabriquer des univers imaginaires et s'amuser dedans.

"Je suis un rêveur qui concrétise ces rêves dans des livres et après, je propose aux gens de s'amuser dans ces rêves."

Bernard Werber

à franceinfo

Dans un livre, il y a 50% de l'auteur et 50% du lecteur. Le lecteur fabrique les images, c'est lui le réalisateur du film. C'est lui qui va décider des couleurs, du casting, du rythme en tournant les pages. Et c'est en cela que le livre est pour moi l'art le plus puissant, c'est celui qui force le lecteur à devenir lui-même créatif.

Quand vous écrivez, depuis le début, vous parlez des autres, des autres espèces en général. Les fourmis sont encore votre indicateur aujourd'hui dans tout ce que vous écrivez, dans tout ce que vous imaginez, dans votre façon de regarder le monde ?

Je crois que ça a été une sorte de révélation. Juste en observant une fourmilière, je me suis dit : il y a quelque chose à comprendre avec cette sorte de pyramide de terre pour l'ensemble de tout ce qui va m'arriver dans la suite de ma vie. Et je crois que cette épiphanie que j'ai transmise à travers les livres est une prise de conscience très importante. Se dire que les autres formes de vie étaient des sources de sagesse, ça demande un petit effort. Maintenant, elles m'ont porté chance donc je les garde un peu comme une sorte de totem, la fourmi, petit être qu'on peut écraser avec le pouce, que certains s'amusent à détruire juste pour se défouler. C'est quelque part des philosophes, quelque part des maîtres à penser.

Il y a toujours cette forme de sagesse.

Oui, et ça nous pousse à l'humilité. Je crois que l'animal humain a besoin de trouver sa place dans la nature et que cette place n'est pas forcément au-dessus des autres. C'est juste en harmonie avec les autres.

Retrouvez l'interview ici

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