Bande dessinée : Régis Franc de retour avec "La ferme de Montaquoy"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’auteur de bande dessinée, cinéaste et écrivain, Régis Franc. Il est de retour avec un bel ouvrage graphique, "La Ferme de Montaquoy" aux Presses de la Cité.
Régis Franc est auteur de bande dessinée, cinéaste et écrivain. Il aussi conteur et raconteur d'histoires, la grande comme la petite. C'est au sein des magazines Pilote et Charlie qu'il a débuté avant de rejoindre L'Écho des savanes. Sa notoriété a ensuite explosé avec son strip quotidien "Le Café de la Plage", dans Le Matin de Paris.
Il est de retour avec La Ferme de Montaquoy aux Presses de la Cité. Un retour à ses premières amours, retrouvées le temps de la création de cet ouvrage. Un bel objet graphique de 200 pages, qui renferme des planches colorées, des portraits, une BD en noir et blanc. Une histoire passionnante qui raconte cette ferme de Montaquoy et celle des hommes, finalement, qui ont créé ce monde agricole.
franceinfo : Pendant longtemps, vous vous êtes intéressé aux rues de Paris. Pourquoi souhaitiez-vous raconter finalement l'histoire de cette ferme ?
Régis Franc : Parce que j'ai rencontré à La Coupole, on revient à la vie parisienne, un soir tard, une jeune femme. Cette jeune femme, je l'ai épousée. Et puis il se trouve que dans le panier de mariage, il y avait ce qui allait devenir la ferme de Montaquoy. L'histoire commence en 1914, quand arrivent les pesticides et les tracteurs, qui sont les enfants des premiers chars d'assaut. Et ça commence véritablement dans les années suivant la Seconde Guerre mondiale, quand arrive tout d'un coup la façon de faire de l'agriculture en grand format, venue des pratiques américaines. Et on rentre dans autre chose. Avant, nous avions une société patriarcale et ensuite, nous avons ce que j'appellerais presque l'agriculture industrielle. Mais ce n'est pas véritablement le sujet du livre.
Cette maison, elle est sur un lieu-dit qui signifie le renouveau, la source. Là, vous êtes revenu à vos premières amours. Est-ce que la campagne invite à ça ?
Peut-être avez-vous raison. Je ne sais pas si ça a été véritablement la campagne... Quoi que c'est vrai, j'ai, à un moment donné, essayé de faire de la peinture. La ferme de Montaquoy n'est pas très loin de Barbizon. Et Barbizon, ce sont les peintres qui peignent les vaches, la fermière au pré, la jeune fille qui garde les moutons et toutes ces choses. Ça a un charme fou.
"Quand vous êtes dans la ferme de Montaquoy et que vient le mois de juin, qui est le mois le plus parfait à la campagne, c'est véritablement une joie. Ça vous apaise, ça vous calme, ça vous fait du bien."
Régis Francà franceinfo
Vous avez beaucoup traité de l'égocentrisme, de l'ego des grands dirigeants et toujours avec beaucoup d'humour. L'humour a toujours été votre guide, dans tout ce que vous avez pu faire ?
J'ai toujours eu l'impression de ne pas être à ma place là où je me trouve. Mais ça, c'est parce que je sors d'un milieu ouvrier dans le sud de la France où en gros, on n'avait pas droit à grand-chose. Je dirais même qu'on n'avait droit à rien, sinon à se taire et à faire comme on vous dit. Donc, je dirais que ce que vous appelez l'humour, c'est peut-être une défense. Je ne suis pas sûr d'être timide, mais un peu quand même. Je suis toujours étonné quand on s'adresse à moi comme quelqu'un qui a fait : "Oh, vous avez fait ça ou ça, ou ça ?" Oui, j'ai fait ça et alors ?
Que représente Tonton Marcel dans votre parcours ?
Tonton Marcel, ça a été très amusant. L'histoire commence quand je lis Jours de France et je vois la chronique du Café du commerce faite par Marcel Dassault. Je me dis : ça c'est excellent. Je trouve cet homme remarquable. Et donc je décide de dessiner un rat avec des petites lunettes, comme avait Marcel Dassault. Je faisais ça sur le coin de la table, ça allait très vite et ça m'amusait beaucoup. Et alors, il est arrivé une histoire assez étonnante, c'est que Guillain de Bénouville, qui était à l'Assemblée nationale à ce moment-là, a demandé à Jack Lang de faire interdire la bande dessinée.
Et il n'a pas eu gain de cause.
Non, il n'a pas eu gain de cause. C'est la liberté de la presse.
Je voudrais qu'on en parle d'ailleurs. Comment avez-vous vécu ce qui s'est passé avec Charlie Hebdo, vous qui avez commencé à Pilote, à Charlie Mensuel ?
"J'ai trouvé les attentats de Charlie monstrueux. Wolinski est une des premières personnes qui m'a tendu la main, je trouvais que c'était un homme remarquable. Je connaissais aussi Cabu qui était un délice d'homme. J'ai trouvé ça ignoble."
Régis Francà franceinfo
Je me souviens de Patrick Pelloux à qui on a posé la question : "Qu'est-ce qu'il faut faire avec ces gens ?" Il répondait : "Il faut tous les tuer". Quand un type aussi modéré ou encore tous ces gens qui sont extrêmement civilisés peuvent dire des choses comme ça, c'est qu'il y a quelque chose qui a véritablement foiré. Et qu'on ait pu rentrer dans la rédaction de Charlie et tirer comme des lapins ces personnes, c'est épouvantable.
Je ne me sens jamais véritablement militant. Je me méfie beaucoup de toutes ces choses-là. Et là, c'est exactement la preuve que les gens qui avaient des kalachnikov étaient aussi des militants. Mais tirer sur ceux-là, non, pas ça, s'il vous plaît, pas ça.
C'est important justement de maintenir le crayon pour continuer à s'exprimer, continuer à dire les choses ?
Je crois. Et je trouve qu'il ne faut rien lâcher de ce côté-là.
Pour terminer, comment vous définissez-vous ?
Je voudrais, plus le temps passe, être bienveillant. Je voudrais être ravi de voir tous les jours les ciels d'Île-de-France. Je voudrais continuer, comme quand j'étais enfant, à aller me tremper dans la Méditerranée et je dirais que ces choses-là suffiront à mon bonheur.
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