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Andréa Bescond, autrice de "Les Chatouilles" : "On a tout à faire pour la protection de l’enfance en France"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, la comédienne, danseuse et autrice Andréa Bescond. Abusée sexuellement enfant, elle publie trois petits livres intitulés "Et si on se parlait ?" pour alerter les enfants des dangers et les inciter à se confier. 

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
La danseuse, comédienne, scénariste, réalisatrice Andréa Bescond à Paris le 14 septembre 2020 (DANIEL FOURAY / MAXPPP)

Andréa Bescond a raconté, sur scène (2016) et dans un film (2018, César de la meilleure adaptation) Les Chatouilles ou la danse de la colère, les viols répétés qu'elle a subis dans son enfance, perpétrés par un ami de ses parents. C’est avec la complicité d’Éric Métayer, son amoureux, qu’elle donne un coup de pied dans cette grande fourmilière du silence qui entoure les abus sexuels à l’encontre des enfants : "C’est une grande partie de ma reconstruction personnelle de pouvoir agir de cette manière en utilisant l’art dans le sens large du terme. Et puis là, où je suis rassurée c’est de voir qu’effectivement ça avance. Les témoignages sont de plus en plus nombreux et le film a contribué aussi à sa petite échelle à bousculer les choses".

Elle ajoute, révoltée, que 81% des violences sexuelles sont infligés à des mineur(e)s, à des enfants et que les gens s’en étonnent encore : "Maintenant moi, je trouve que ça ne va pas assez vite. Ni assez vite, ni assez loin, que ce soit au niveau législatif, que ce soit au niveau sociétal. Les violences sur mineurs ça reste quelque chose de complètement tabou".

165 000 enfants sont violés chaque année en France, un enfant meurt sous les coups de ses parents ou d’un proche tous les 4 jours. Ce sont des chiffres concrets qu’on n’invente pas, qui sont étudiés, formulés à maintes reprises et on ne bouge pas les lois suffisamment pour protéger nos enfants.

Andréa Bescond

à franceinfo

"Les Chatouilles, ça m’a fait du bien d’un point de vue personnel mais je trouve qu’on a tout à faire pour la protection de l’enfance en France", dit-elle.

Son histoire est douloureuse. C’est le meilleur ami de son père qui a abusé d’elle, ses parents n’ont rien vu : "Les pauvres, ils ont été complètement baladés donc non, je ne leur en ai pas voulu ! Après, j’en ai voulu à ma mère de minimiser ce que j’avais subi. D'ailleurs, c’est quelqu’un que je ne vois plus aujourd’hui." En revanche, Andréa Bescond parle encore beaucoup de cela avec son père, qui ressent "beaucoup de culpabilité. On en parle souvent aujourd’hui, lui et moi. C'était compliqué pour lui de se reconstruire après ça, évidemment".

Quant au violeur, il a été condamné à dix ans de prison, n’en a effectué que six et vit sa vie. Elle est amère : "Il est pépère tranquille dans sa vie". Face à ce système de remise de peine, Andréa Bescond réagit vivement : "La réponse de la justice est insuffisante" et donne cette information révoltante : "Aujourd’hui, il y a 73% de classements sans suite des plaintes pour agressions sexuelles".

"Les gens ne s'engagent pas"

Elle note aussi que souvent les politiques sont pris pour cible, sont taxés d’immobilisme par les gens : "Vous n’en faites pas assez" et dans un même temps, il y a ce paradoxe : "Nous, on a quand même trois millions de vues sur Loopsider sur ce sujet. Mais quand  on lance une pétition, il y a 900 signatures, vous trouvez ça normal ? Les gens ne s’engagent pas, les gens ne militent pas. Ils appuient sur le bouton petit bonhomme pas content sur Facebook. Et basta, ils ont l’impression d’avoir œuvré mais non, tu n’œuvres pas, tu fais rien, t’es aussi complaisant que les autres".

Oui, c’est vrai que je suis heureuse. J’ai un entourage exceptionnel. Je suis apaisée, équilibrée... mais toujours en colère, toujours la rage au bide quand même. Tant qu’on n’aura pas œuvré en faveur de la protection de l’enfance, tant qu’on n’aura pas bousculé la Constitution.

Andréa Bescond

à franceinfo

Pour faire bouger les choses et surtout libérer la parole des enfants victimes ou pour qu’au contraire, ils ne le deviennent pas, Andréa Bescond publie avec la complicité de l’illustrateur Mathieu Tucker trois petits livres, Et si on parlait ? Ils sont aussi à l’attention des parents : "C’est aussi une façon de dire aux adultes qui liraient en accompagnant leurs enfants dans cette lecture, de prendre conscience des lois, des numéros d’urgence, savoir qu’il y a des solutions mises en place aujourd’hui. Je voulais vraiment plonger enfants, parents et adultes à l’intérieur de ses problématiques et dire 'Attention vous savez quoi, il peut y avoir des gens qui vous écoutent, il y a des adultes bienveillants qui vous aideront, il y a des solutions thérapeutiques et j’espère beaucoup plus de solutions de justice dans la foulée'. Je compte beaucoup beaucoup sur les parlementaires pour bouger les choses d’ici le début de l’année prochaine".

Cinq minutes pour agir !

Andréa Bescond est, en toute logique, la marraine d’une grande consultation lancée par la plateforme citoyenne Make.org : Comment protéger les enfants contre toutes les formes de violences ?

Vous avez cinq minutes ? Vous pouvez agir jusqu’au 10 novembre sur le site Make.org. En décembre, des ateliers seront mis en place pour faire la synthèse de toutes vos propositions et cinq à dix projets seront choisis pour être concrétisés et faire avancer la cause.  

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