Menace militaire chinoise contre Taïwan : "Pour la Chine, les chances de victoire sont extrêmement minimes", estime une spécialiste
"Pour la Chine, le risque serait absolument considérable et les chances de victoire extrêmement minimes", a estimé lundi 15 janvier sur franceinfo Valérie Niquet, directrice du pôle Asie de la Fondation pour la recherche stratégique. Alors que Lai Ching-te, le candidat pro-indépendantiste, a remporté samedi l'élection présidentielle de Taïwan, la question d'une intervention militaire chinoise se pose une nouvelle fois. Pékin a immédiatement réagi en assurant que l'île faisait toujours partie de la "Chine unique". Le résultat de l'élection "est un camouflet pour Pékin", affirme Valérie Niquet. Taïwan "est un contre-modèle qui est insupportable pour le Parti communiste chinois". Les États-Unis ont envoyé à Taïwan une délégation informelle qui a rencontré la présidente sortante Tsai Ing-wen, deux jours après l'élection. "Il y a une volonté de soutenir une démocratie" de la part de Joe Biden, explique la spécialiste.
franceinfo : Le résultat des élections à Taïwan nous rapproche ou nous éloigne de la guerre ?
Valérie Niquet : Ce qui est sûr, c'est que c'est un camouflet pour Pékin. La Chine répète en permanence que Taïwan sera réunifiée, que c'est le sens de l'histoire. À chaque élection qui met au pouvoir à Taïwan un candidat qui se dit indépendantiste, même si en réalité ces indépendantistes sont très prudents et n'ont pas du tout l'intention de déclarer formellement l'indépendance, c'est un défi pour le pouvoir chinois. Face à ce défi, Pékin ne peut pas faire grand-chose. On parle d'une possibilité de guerre. Mais envahir Taïwan, ce serait encore plus difficile, y compris en termes de transport de troupes par exemple, que ce qu'a fait la Russie en Ukraine.
Sur le papier, on a l'impression que Pékin ne ferait qu'une bouchée de Taïwan. C'est plus compliqué que ça ?
Ça fait un peu David et Goliath. On a l'impression qu'il n'y a aucun problème. Taïwan, c'est 200 kilomètres de mer entre le continent et l'île. On se souvient que, pour le débarquement en Normandie, 30 kilomètres, 40 kilomètres à traverser, il a fallu des années de préparation avant que ça puisse arriver. Tout ceci se fait sous l'œil des observations des satellites.
"La Chine ne pourrait pas lancer une opération surprise. Elle serait immédiatement soumise à des possibilités de riposte, notamment de la part de ce grand acteur qui pèse sur les équilibres stratégiques dans la région, les États-Unis."
Valérie Niquet, directrice du pôle Asie de la Fondation pour la recherche stratégiqueà franceinfo
Pour la Chine, le risque serait absolument considérable et les chances de victoire extrêmement minimes. À la fois, on veut faire pression sur Taïwan, mais de l'autre, les moyens d'action concrets sont quand même limités.
Pourquoi l'existence de Taïwan dérange autant Pékin ?
C'est le sens de l'histoire. L'idée est que le Parti communiste a remporté la victoire sur le continent et que donc, dans leur esprit, il faut conquérir Taïwan, puisque c'est là que s'était réfugié l'ancien gouvernement de la République de Chine en 1949. Le problème principal de Taïwan, c'est que c'est une démocratie qui fonctionne extrêmement bien en Asie. C'est une des démocraties de pointe de toute la région asiatique et même au-delà, avec des élections, des alternances. C'est un contre-modèle qui est insupportable pour le Parti communiste chinois qui lui réaffirme constamment que la démocratie et les droits de l'homme et toutes ces valeurs démocratiques sont des valeurs purement occidentales qui n'ont rien à voir avec la culture chinoise et le régime qui doit exister en Chine.
"C'est un défi idéologique très important également pour Pékin."
Valérie Niquetà franceinfo
Pourquoi les États-Unis ont-ils envoyé ces dernières heures une délégation informelle à Taïwan ?
La délégation informelle, c'est pour dire que les États-Unis respectent le principe d'une seule Chine, qu'ils reconnaissent que, pour Pékin, Taïwan fait partie de la Chine. Donc il n'y a pas de relations diplomatiques officielles entre les États-Unis et Taïwan. Mais on voit bien qu'il y a une volonté de soutenir une démocratie. Taïwan a une image de plus en plus positive sur la scène internationale. On en parle beaucoup plus que par le passé et c'est d'ailleurs largement la responsabilité du régime chinois lui-même qui, par son attitude extrêmement agressive et de plus en plus fermée depuis que Xi Jinping est au pouvoir, a considérablement nui aux intérêts et à l'image de la République populaire de Chine. La présidente de l'Assemblée nationale en France a félicité le président taïwanais pour son élection. Il y a toute une série de déclarations officielles, même si elles restent prudentes.
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