Elections à Taïwan : qui est William Lai, partisan de l'autonomie face à la Chine, arrivé en tête de la présidentielle ?

Le candidat du Parti démocrate progressiste (DPP) devance son principal adversaire, partisan d'un rapprochement avec Pékin, qui a concédé samedi sa défaite.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le président élu de Taïwan, William Lai, s'adresse à ses partisans à Taipei, le 13 janvier 2024. (YASUYOSHI CHIBA / AFP)

Il est décrit par la Chine comme un "grave danger" en raison de ses positions en faveur de l'autonomie de Taïwan. Le candidat à l'élection présidentielle du territoire, William Lai, est arrivé en tête du scrutin, samedi 13 janvier, selon les résultats officiels. Pékin l'a qualifié lui et sa colistière, Hsiao Bi-khim, ancienne représentante de Taipei à Washington, de "dangereux duo pro-indépendance". "Nous sommes déterminés à protéger Taïwan des menaces et intimidations continuelles de la Chine", a-t-il déclaré au soir de son élection.

En début de soirée (le début d'après-midi en France), William Lai, également connu sous le nom de Lai Ching-te, leader du Parti démocrate progressiste (DPP), était crédité de 40,3% des voix, selon les résultats officiels portant sur de 98% des bureaux de vote. Son principal opposant, Hou Yu-ih, candidat du Kuomintang (KMT) qui prône un rapprochement avec Pékin, a obtenu 33,4% des votes. Ce dernier a concédé sa défaite samedi soir.

Premier ministre de 2017 à 2019, puis vice-président

Agé de 64 ans, William Lai, à la tête du DPP, au pouvoir depuis 2016, était le favori des sondages pour la présidentielle. Ce médecin de profession a notamment été diplômé de la prestigieuse université américaine de Harvard. Il est entré à l'Assemblée nationale taïwanaise en 1996, quand Pékin effectuait des tirs d'essai de missiles autour de Taïwan au moment de la première élection présidentielle démocratique dans le territoire. "J'ai décidé qu'il était de mon devoir de participer à la démocratie taïwanaise et d'aider à protéger cette expérience naissante de ceux qui lui voulaient du mal", avait-il témoigné l'an passé dans le Wall Street Journal.

Ensuite, ce père de deux enfants a occupé de nombreux mandats, comme maire de la ville de Tainan, bastion historique des partisans de l'autonomie au sud-ouest de l'île, de 2010 à 2017. A cette date, il accède à la fonction de Premier ministre, qu'il occupe jusqu'en 2019. Il devient, par la suite, le bras droit de la présidente élue en 2016, Tsai Ing-wen, lorsqu'elle est réélue en 2020.

William Lai, alors vice-président, et Tsai Ing-wen, présidente de Taïwan, à Taipei, le 11 janvier 2020. (SAM YEH / AFP)

Son parti prône l'autonomie et la coopération avec les Etats-Unis, notamment. A rebours de ses adversaires, William Lai avait par exemple refusé "la fausse paix" proposée par Pékin, afin d'ignorer ce voisin tant qu'il se montre menaçant. "Si nous perdons notre souveraineté, même si nous avons des échanges et une collaboration, je ne pense pas que ce sera une vraie paix", avait déclaré l'été dernier cet homme politique né au nord de l'île dans une famille pauvre. "Nous sommes prêts à ouvrir la porte aux échanges et à la coopération avec la Chine à condition d'assurer notre souveraineté."

"Pas besoin d'une déclaration d'indépendance"

Lors de cette campagne électorale, William Lai a affiché sa volonté de s'inscrire dans la continuité de Tsai Ing-wen. L'année dernière, il avait ainsi défendu le statu quo dans le très stratégique détroit de Taïwan. "Mon soutien au statu quo entre les deux rives du détroit sera inébranlable", avait-il déclaré. "Je respecterai les [engagements] de la présidente" Tsai Ing-wen qui "ont permis au monde de voir clairement Taïwan pour ce qu'il est : une source de stabilité au milieu des incertitudes mondiales croissantes", a-t-il ajouté, affirmant que les tensions dans la région n'étaient pas "du fait de Taïwan, mais de la Chine".

Président, William Lai va-t-il aller encore plus loin dans un processus d'indépendance vis-à-vis de la Chine ? Comme l'explique Libération, l'homme politique a adouci les positions pro-indépendance qu'il avait prises par le passé. "Nous sommes déjà une nation souveraine nommée la République de Chine. Nous n'avons pas besoin d'une déclaration d'indépendance", a-t-il récemment déclaré, rapporte le média.

Quid d'une tactique "subtile" face à Pékin ?

"Sur la question de l'indépendance, Tsai Ing-wen a eu une tactique beaucoup plus subtile politiquement, sans revendiquer, même à long terme, l'indépendance, mais plutôt en s'affirmant comme dès aujourd'hui indépendant", note Marc Julienne, responsable des activités Chine à l'Institut français des relations internationales (Ifri). Amanda Hsiao, du centre de réflexion International Crisis Group, s'interroge quant à elle sur ce curseur entre dialogue avec Pékin et affirmation de l'autonomie.

"La question est de savoir à quel point William Lai peut maintenir la voie prudente et modérée tracée par Tsai Ing-wen."

Amanda Hsiao, du centre de réflexion International Crisis Group

à l'AFP

Pour Sarah Liu, chercheuse à l'université d'Edimbourg (Ecosse), William Lai poursuivra la recherche d'une "moindre dépendance économique envers la Chine". Et d'ajouter : "En renforçant sa position internationale, Taïwan gagnera davantage d'alliés pour consolider sa démocratie."

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