Panama Papers : la nouvelle puissance de la société civile
C’est d'abord l’avènement d’un nouvel âge du journalisme d’investigation à l’heure numérique, une révolution avec laquelle le monde de la finance doit désormais composer. Il y aura un "avant" et un "après". On se souvient, certes, de précédents tonitruants : Wikileaks, l’ONG de Julian Assange qui avait révélé avec des milliers de documents des pratiques d’espionnage, de corruption, ou de violations des droits de l’Homme. Ensuite, il y avait eu OffshoreLeaks, SwissLeaks, de LuxLeaks ; autant d’opérations qui avaient déjà mis en lumière des pratiques d’optimisation fiscale, des accords secrets entre des entreprises et des gouvernements, ou encore le rôle des paradis fiscaux dans cette grande évasion fiscale.
11 millions de documents épluchés
Cette fois, c’est 1000 fois plus grand ! Une opération menée de main de maître, à très grande échelle : 107 médias dans le monde, structurés autour d’un consortium international de journalistes d’investigation, qui publient le même jour, après un an de travail secret – ce qui n’est pas une petite prouesse - une gigantesque enquête. Ils ont ensemble épluché plus de 11 millions de documents, tous venus d’une société panaméenne : le groupe Mossack Fonseka, l’un des cabinets mondiaux de création et de domiciliation de sociétés offshore. Cela a été rendu possible par la puissance d’Internet, de redoutables moteurs de recherche, et un usage illimité du "big data", pour décrypter, classer, établir des correspondances, et donc démonter tout un système.
Désormais, des lanceurs d’alerte organisent les fuites et fournissent des fichiers
C'est la deuxième leçon : l’intuition de Julian Assange était bonne. Voici le temps venu des lanceurs d’alerte. Dans toutes ces affaires, il y a le plus souvent une complicité interne, quelqu’un qui est à l’intérieur du système, et qui décide pour des raisons multiples, de faire fuiter des documents. Dans ce cas précis, il s’agit de la plus grosse fuite jamais exploitée par des médias. Ce ou ces lanceurs d’alerte se sont adressés au grand quotidien allemand Suddeutsche Zeitung, sans doute en raison de l’implication importante d’une grande banque germanique. Si même une société aussi secrète que ce groupe panaméen est concernée, alors plus personne n’est vraiment à l’abri.
Quel impact peuvent avoir ces révélations ?
La troisième leçon de cette histoire, c’est la nouvelle puissance de la société civile, à l’heure de la mondialisation. L’onde de choc que provoque déjà le "Panama Papers" en apporte une preuve éclatante. C’est tout un système qui est mis à nu, sur une longue durée de 38 ans, mettant en cause des ressortissants de 200 pays, dont un millier de Français. On y apprend dans le détail comment des milliardaires, des chefs d’Etat actuels ou anciens, des sportifs, mais aussi des réseaux criminels dissimulent leurs avoirs avec la complicité de certaines banques ou institutions financières. Tout n’est certes pas illégal, mais plus personne ne peut désormais fermer les yeux, ou nier ces pratiques très sophistiquées d’évasion fiscale. Voilà une opération qui devrait pouvoir sacrément aider les administrations fiscales, et donner de nouveaux arguments contre le Panama, l’un des derniers paradis fiscaux qui résistait jusqu’ici à la pression internationale.
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