Les entreprises françaises s’adaptent au terrorisme
Il y a, chez les patrons des grandes entreprises françaises, l’intuition ou plutôt la conviction que quelque chose a basculé et que l’année qui vient risque d’être le théâtre d’événements sans précédents, qu’on entre bien dans une ère nouvelle de risques majeurs. Bien sûr le terrorisme, ce n’est pas nouveau : en 2002, les attentats de Karachi, au Pakistan, avaient coûté la vie à 12 salariés de la DCN, la direction des chantiers navals. Mais ces deux dernières années, les incidents graves se sont rapprochés, sinon multipliés. Cette semaine, c’est le groupe Total qui a été visé en Libye, un groupe armé s’est attaqué à un site pétrolier, exploité par l’entreprise française. L’attaque a fait 13 morts, aucun français, car le groupe Total avait pris la sage précaution de rapatrier dès 2013 tout son personnel. Au Niger, c’est Areva, cette multinationale française du nucléaire, qui exploite des mines dans ce pays, et le grand groupe de construction Vinci qui avaient été frappés avec l’enlèvement, on s’en souvient, de 4 salariés français par les hommes d’Al Qaïda au Maghreb islamique.
Quelles conséquences ces menaces ont-elles pour les entreprises françaises ?
Les grandes entreprises françaises ont une singularité, elles sont très intégrées dans la mondialisation et elles sont donc très présentes aussi dans les grands foyers de risques, au Moyen Orient et en Afrique, deux régions qui vivent un paradoxe : ce sont à la fois des marchés en pleine croissance, et en même temps, elles subissent de plein fouet le développement du terrorisme.
Bien évidemment, l’engagement de la France en première ligne dans ce combat contre le terrorisme fait aussi peser un risque plus grand sur nos entreprises nationales. Du coup, toutes ont intégré le risque terroriste : dans certains pays, les salariés français ont été rapatriés, les entreprises ont tendances à employer le plus possible de nationaux, les sites sont aujourd’hui très protégés, des responsables sécurité ont été nommés, d’anciens militaires aguerris ont souvent été intégrés dans les équipes de direction pour former les salariés à la gestion de crise, beaucoup aussi ont recours à des milices privées pour protéger jour et nuit les sites les plus exposés. D’autres enfin, diffèrent des projets d’implantation : un patron d’un grand groupe d’avocats internationaux me confiait hier qu’il renonçait pour l’instant à ouvrir une filiale au Nigeria, un pays en plein expansion mais où sévit aussi le puissant mouvement terroriste Boko Haram.
Il y a aussi des nouveaux risques d’attaques informatiques ?
Oui, les cyber attaques, la cyber-guerre se développent aussi. Des groupes de plus en plus sophistiqués ont aujourd’hui les moyens de pénétrer les systèmes informatiques des entreprises, de rentrer dans les messageries, de piller des données. Des grandes entreprises mais aussi des médias français, comme Le Monde ont été victimes ces dernières semaines d’attaquent à distance, par exemple de la part d’un groupe de pirates nommé Armée électronique syrienne. Les menaces aujourd’hui, vous l’avez compris, et c’est aussi la singularité du moment, n’ont plus de frontières.
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