Le rapport franco-allemand pour sauver la croissance : convaincant ?
Blocage des salaires pendant trois ans, suppression des 35h, on s’était fait peur avec de fausses fuites sur ce rapport de Jean-Pisani-Ferry et de son homologue Henrick Enderlein : il n’y a rien de tout ça dans les 52 pages du texte rendu public hier. A tel point, que les esprits chagrins, parmi les journalistes ont eu beau jeu, en sortant de la conférence de presse hier, de dire : trop peu, trop tard, trop techno, ce plan Pisani-Enderlein finira, comme tant d’autres, dans une armoire où sont enfermés les vœux pieux de l’entente franco-allemande, et il n’en manque pas.
Pourtant, Fabienne, j'ai lu et relu ce texte hier soir, et il me semble que ces esprits chagrins se trompent. Il s’est peut-être passé quelque chose d’important hier. Décidément, on est à l’opposé d’Arnaud Montebourg et de ses tirades anti – allemandes, aussi complaisantes que contre-productives. Il s’agit bien au contraire, de poser cette fois, un diagnostic commun, sans tabou, de nos problèmes, de nos fragilités, réciproques. A cours terme, c’est la France qui est de loin la plus fragile, la plus affaiblie, mais à moyen terme, les problèmes allemands sont tout aussi préoccupants.
Mais, un diagnostic commun, même sans tabous, ça ne fait pas encore un plan d’action, ni de miracle…
Oui, vous avez raison, mais il se faut se dire la vérité : on part de très de très loin, l’état des relations franco-allemandes n’a pas été aussi dégradé depuis plusieurs décennies. C’est la défiance qui a pris le dessus en même temps que la situation entre les deux pays n’a jamais paru aussi inégale, une Allemagne qui n’a cessé d’affirmer sa puissance économique, et une France qui n’a jamais semblé aussi affaiblie. Voir dans ce contexte, deux ministres français et allemands enfin complices, aux côtés de deux économistes, l’un français l’autre allemand, affirmer qu’il n’y a qu’une seule solution pour sortir de la crise, c’est une action coordonnée de la France et de l’Allemagne, et de dessiner ensemble les contours d’un rapprochement, et même d’un chemin de convergence économique, c’est un événement qu’il ne faut pas sous-estimer. Oui, il y a sur la table un new deal : des réformes audacieuses en France, sur le marché du travail, sur la modération salariale, sur la dépense publique, mais aussi des réformes en Allemagne, sur la fiscalité locale, le travail des femmes, la productivité du travail ou l’immigration. Oui, il y a aussi sur la table un plan de relance de l’investissement, en France mais surtout en Allemagne et globalement en Europe. Enfin, il y a un nouveau moteur d’intégration ciblée, un « Schengen » de l’économie pour le numérique, l’énergie, et la formation. C’est exactement ce qu’il faut faire.
Mais est-ce que ça va déboucher sur de décisions communes, Vincent ?
On va savoir très vite si les choses bougent. Il y a un sommet mardi à Berlin avec les ministres français et allemands, avec leurs banquiers centraux. Puis il y a un sommet européen à la mi décembre. La confiance ne se décrète pas, mais Hollande et Merkel, ont une occasion de montrer qu’ils sont à la hauteur de leur responsabilité historique.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.