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Le décryptage éco. Présidentielle : le concours Lépine de la fiscalité

Un mot revient dans chaque programme des candidats à la présidentielle. C'est le mot : "Impôts". Impôts soit à la hausse, soit à la baisse.

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Avis d'imposition à peine caché par des pièces de monnaie. (JOEL SAGET / AFP)

Les impôts, c'est l'un des grands thèmes de cette élection présidentielle. Et cette campagne, c’est un peu le concours Lépine de la créativité fiscale. Il peut sembler, c’est vrai, bien naturel qu’après une grosse crise financière et deux quinquennats où les impôts ont augmenté massivement, le sujet revienne. Trente milliards d’augmentation en gros sous la présidence de Nicolas Sarkozy, 30 milliards également pendant le mandat de François Hollande, un peu pour les entreprises mais beaucoup pour les ménages, ça fait beaucoup au point – on se souvient – qu’un ministre socialiste avait lui même, osé reconnaître une sorte de ras-le-bol fiscal des Français.

Rappelons qu’avec un taux de prélèvement obligatoire à près de 46 % de la richesse nationale, la France est des deux ou trois des pays développés au monde à supporter la plus forte pression fiscale. Et jusqu’à ces dernières années, il y avait eu une forme de consensus, un choix collectif et un civisme fiscal justifiés par le niveau de prestations d’un modèle social parmi les plus généreux. Mais on a vu que ce consensus commençait à craquer. Peut-on aller encore plus loin ? Oui, répond par exemple Jean-Luc Mélenchon, dont le programme très précis, prévoit 100 milliards de hausse d’impôts supplémentaires, c’est trois fois et demi le choc fiscal de François Hollande. On aime où on n’aime pas, mais il y a chez Mélenchon, un vrai effet de système. Et il y a là aussi de jolies trouvailles, comme par exemple une taxe sur les produits de luxe, ou une imposition de tous les Français qui vivent à l’étranger, il n’est d’ailleurs même pas sur que cela soit vraiment possible, en tout cas ce serait un chantier considérable de renégociation de toutes les conventions signées avec la plupart des pays du monde.

Du côté des hausses aussi, Benoît Hamon n’est pas en reste : le principe d’une taxe sur les robots a beaucoup fait parler, elle a pour but de financer ainsi son déjà fameux revenu universel. Taxer les robots, c’est une mesure extrêmement controversée. Et la plupart des économistes considèrent que c’est une hérésie.

Certains candidats prônent des baisses

On entend beaucoup de promesses. Mais pas pour tout le monde. Chez François Fillon par exemple, c’est d’abord et massivement les entreprises qui en profiteraient, un peu aussi les familles grâce au rétablissement du quotient familial, mais aucun geste jusqu’à maintenant sur les revenus les plus modestes. Mais le clou de cette campagne, c’est déjà la taxe d’habitation : Emmanuel Macron veut en exonérer 80 % des ménages et Marine Le Pen la diminuer ou la supprimer mais seulement pour les plus modestes. Là, c’est une trouvaille magnifique de marketing politique, parce que s’il est un impôt dont les Français ont en tête à peu près ce qu’il leur coûte, c’est bien cette fameuse taxe d’habitation. Mais il faudra quand même trouver dix milliards pour financer cette mesure. Et surtout calmer les maires, dont beaucoup sont déjà furieux, parce que cela leur enlèverait un peu de leur pouvoir, et qu’ils doutent que l’Etat compensera intégralement la perte de ressources que cette exonération entrainerait pour les villes.

Des mesures qui n'ont pas vraiment de cohérence

On reste clairement sur sa faim. Ce qu’il manque, souvent, chez la plupart des candidats, c’est une mise en perspective crédible, réaliste, solide. Beaucoup de candidats se font plaisir avec des mesures qui souvent largement démagogiques et très peu documentées. Peu de candidats ont aussi retenu les leçons du passé : des hausses ou des baisses d’impôts doivent se penser dans le cadre du cycle économique pour pouvoir en mesurer les effets potentiels. François Hollande, par exemple, avait augmenté massivement les impôts au moment même où la croissance ralentissait, du coup, on le paie encore, et l’activité a été plombée pendant la plus grande partie de ce quinquennat. La France ne vit pas en économie fermée, ni coupée du monde. Les candidats ont encore beaucoup de travail pour démontrer la crédibilité et la cohérence de leur projet.

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