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Le décryptage éco. Jean Boissonnat, un éclaireur, un précurseur, un passeur

Jean Boissonnat est mort dimanche 25 septembre à Paris à l'âge de 87 ans. Il était un pionnier du journalisme économique ; précurseur, élcaireur et passeur. 

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Jean Boissonnat, cofondateur du magazine L'Expansion (MAXPPP)

Si vous me permettez cette petite confidence, je n’ai pas travaillé directement avec Jean Boissonnat, mais j’ai passé plus de dix ans au magazine L’Expansion qu’il avait créé avec Jean-Louis Servan-Schreiber, et j’ai aussi gardé en souvenir de nombreuses conversations que j’ai eues avec ce grand journaliste humaniste, très européen, qui fut à la fois un précurseur, un éclaireur et un passeur, au point que Boissonnat a eu partie liée avec l’histoire de France de cette deuxième moitié du XXème siècle.

Jean Boissonnat, un précurseur 

Jean Boissonnat fut un précurseur d'abord. Parce qu'avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, il a créé en 1967, l'Expansion, le magazine des trente glorieuses pour une nouvelle catégorie socio-professionnelle en pleine ascension. Celle des cadres du secteur public et plus encore du privé, qui conduisent la France, ses entreprises, son économie, dans une période de forte croissance et grandes mutations. A cette époque-là, des entreprises géantes se constituent et prospèrent, l’Europe se construit à vive allure et s’ouvre sur le grand large, l’économie française découvre, à grande échelle, l’international. Voilà donc L’Expansion dont l’ambition est alors de raconter et d’analyser par de longues enquêtes l’économie telle qu’elle se développe pour ce public de cadres. Et c’est alors un succès, un grand succès. Boissonnat qui a beaucoup regardé la presse américaine, a inventé un journalisme économique qui n’existait pas alors en France, un journalisme exigeant et grand public, qui n’enfermait pas l’économie, mais au contraire la rendait accessible, simple, compréhensible, sans rien concéder à l’honnêteté, ni à la rigueur. Une économie tout entière qu’il ne séparait jamais de la société.   

 Jean Boissonnat, un éclaireur

Je pourrais prendre de nombreux exemples. Il y a plus vingt ans, en 1995, Boissonnat avait rédigé un rapport qui s’intitulait  "Le travail dans vingt ans". Et voici une seule phrase de ce rapport :  "Aujourd’hui, disait-il, c’est-à-dire au milieu des années 90, on raisonne encore avec les 35 heures, on pense temps plein ou temps partiel, mais demain tout cela n’existera plus : il y aura une grande diversité des temps de travail, une grande individualisation, certains feront 25 h ou 35 h une partie de leur vie, puis un aller-retour en formation, puis travailleront plus vieux… Les rythmes changeront tout au long de la vie et l’unité de compte ne sera plus celle de la semaine". Cette mutation du travail, cette individualisation qu’évoquait Boissonnat il y a plus de vingt ans, c’est exactement ce qui est aujourd’hui en train de se profiler dans cette période de mutations.

 Jean Boissonnat, un passeur

Jean Boissonnat fut un passeur. Plusieurs générations de journalistes économiques ont été formées à l’école Boissonnat. L’Expansion fut une fabrique tout à fait singulière, qui mettait en pratique un journaliste exigeant et qui à la prétendue objectivité, préférait l’honnêteté, le temps long de l’enquête, le décryptage ambitieux du réel, la confrontation loyale des idées et des regards. Cette idée-là, cette pratique-là du journalisme, ont fait que Boissonnat a été choisi par François Mitterrand et par Valéry Giscard d’Estaing pour arbitrer avec Michèle Cotta le grand débat télévisé de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, si importante de mai 1981. Et c’est là encore un beau moment d’histoire auquel il a su donner sa marque intransigeant. 

 


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