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L'Urssaf s'attaque à Uber

Nouveau coup de théâtre dans l’affaire des taxis, l’Urssaf attaque le géant Uber pour faire requalifier ses chauffeurs, en travailleurs salariés. L’Urssaf peut-elle gagner ?
Article rédigé par Emmanuel Cugny
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Franceinfo (Franceinfo)

C’est un combat qui promet d’être acharné, entre la Sécurité sociale d’un côté, et l’entreprise californienne de l’autre, c’est le combat entre une certaine conception du modèle social français, et l’économie des plateformes internet du XXIème siècle dont l’entreprise de taxis Uber est l’emblème absolu. Ce sont deux mondes, deux logiques qui s’affrontent, et c’est pour cela que cette histoire est passionnante.

Si l’Urssaf l’emportait – l’Urssaf, c’est l’organisme collecteur des cotisations de la sécurité sociale, alors Uber devrait sans doute capituler, au moins en France. L’Urssaf mène une double procédure : la première devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale, le Tass, l’autre au pénal, auprès du procureur de la République de Paris. L’argument de l’Ursaff, c’est qu’il existe un lien de subordination entre les chauffeurs et la plateforme : Uber recrute les chauffeurs, les forme, leur donne ensuite du travail via sa plateforme numérique et donc l’Ursaff estime que les chauffeurs n’ont pas la liberté du travailleur indépendant, mais que ce lien de subordination s’apparente bien à celui d’un travailleur salarié avec son employeur. Et par conséquent, il n’y aurait pas de raisons qu’Uber ne paie pas les cotisations sociales d’une entreprise qui a des milliers de salariés.

Et que répond Uber ?

D’abord, qu’elle n’a pas de chauffeurs salariés, ni de taxis. Et que son métier, c’est de la mise en relation. Uber va se battre sur ce dossier pour toutes les plateformes qui proposent des services. Si ses chauffeurs étaient requalifiés en salariés, c’est la logique même de ces applications qui seraient tuée dans l’œuf.

Uber peut ensuite donner une idée de la place qu’a pris cette activité de VTC, c’est à dire de véhicule de tourisme avec chauffeur. En Seine-Saint-Denis par exemple, ces sociétés de transports sont devenues le premier employeur : en 2015, plus de 2000 entreprises de VTC ont été créées dans ce département où le chômage des jeunes est massif. Uber et ses concurrents constituent une opportunité unique pour ces jeunes d’acquérir une formation et de trouver un travail. D’ailleurs, et cela l’Ursaff l’ignore, mais ces chauffeurs se connectent en général sur plusieurs plateformes à la fois, selon les heures, selon les quartiers, selon la demande. Et ces chauffeurs sont censés cotiser eux même à des régimes de sécurité sociale comme les travailleurs indépendants ou les professions libérales.

Mais est-ce que l’Ursaff ne pointe pas quand même un vrai problème ?

Oui, certainement. L’Urssaf est sans doute dans son rôle. Elle met le doigt là sur une faille de notre dispositif et considère que ce n’est pas à elle d’inventer le modèle social compatible avec le développement hautement souhaitable de cette économie des plateformes. Et l’Etat est complètement schizophrène dans cette affaire : d’un côté, il a légalisé les activités de VTC, et il a eu raison ; mais de l’autre, ses administrations ne cessent de déstabiliser ces activités, à grand coup de procès. Voilà en tout cas exactement ce qu’aurait dû faire partie de la loi El Khomri : donner un cadre, un dispositif social pour protéger ces centaines de milliers de travailleurs indépendants que la révolution numérique crée déjà et qui ne vont cesser d’augmenter. Le salariat ne va pas disparaitre, mais de nouvelles formes de travail, de nouveaux services apparaissent. Plutôt que d’entretenir de vieilles lunes, il serait temps d’y réfléchir. Et cela vaut pour tout le monde, pour l’Etat, les entreprises, et aussi pour les syndicats ! 

 

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