Faut-il augmenter les fonctionnaires ?
Sur le papier, oui. Cette augmentation de salaire pour les fonctionnaires apparaît légitime, difficile d’affirmer le contraire alors que le point d’indice qui sert de base au calcul des salaires est gelé depuis 2010. On sait aussi que depuis plus de trois ans, le pouvoir d’achat des agents de l’Etat a diminué en tenant compte de l’inflation. Les fonctionnaires ont donc contribué à l’effort de rigueur de ces dernières années.
C’est d’autant plus indiscutable que pendant cette même période, les salaires du privé, surtout ceux des salariés des grandes entreprises ont, en moyenne, continué à augmenter, malgré la crise. On ne peut donc pas laisser décrocher la fonction publique indéfiniment. Difficile de dire donc qu’aujourd’hui une enseignante travaillant dans un quartier sensible, un urgentiste ou une infirmière à l’hôpital, ou encore un policier qui risque sa vie, ne mériteraient pas un coup de pouce salarial.
Mais cette augmentation serait-elle supportable pour les finances publiques ?
Cette fois la question est beaucoup plus délicate. Si on comprend le projet du gouvernement, les premières revalorisations ne seraient pas pour tout de suite, mais pour fin 2016, voire début 2017, soit juste avant l’élection présidentielle et cette hausse serait étalée jusqu’en 2020. Bref, l’essentiel du surcoût serait à la charge du prochain président. C’est là où l’habileté le dispute au cynisme politique, sachant qu’un petit pour cent d’augmentation de tous les fonctionnaires coûterait déjà 1 milliard et demi d’euros par an. Engager dès aujourd’hui un plan de hausse des traitements, alors que la vigueur de la reprise fait encore débat, que le petit mieux de croissance ne crée toujours pas d’emplois, serait donc un pari discutable, si ce n’est périlleux, dans tous les cas assez contraire aux gages que la France a donnés à ses partenaires européens en matière de contrôle des dépenses publiques.
Et puis vis à vis de l’engagement pris aussi devant les Français de ne plus augmenter les impôts. Chacun sait que pour financer une éventuelle hausse des salaires des fonctionnaires territoriaux, il n’y aurait pourtant d’autres solutions qu’une nouvelle hausse des impôts locaux.
Donc cette affaire est un casse-tête absolu ?
Oui, cela y ressemble. Parce qu’en fait la France n’a pas fait de vrai choix en matière de réforme de l’Etat. Le gouvernement a manié le rabot sans réformes de structures. Du coup la France reste l’un des pays les plus sur-administrés de la planète. La toute dernière étude de l’Insee, donne la situation de l’année 2013, dernière année connue au plan statistique : la France n’a jamais compté autant de fonctionnaires, 5,6 millions, soit 1,5% de plus qu’en 2012. L’Etat a certes ralenti le rythme de progression, mais on a continué à embaucher dans les collectivités locales.
Si de vrais choix ne sont pas faits sur les besoins d’un Etat moderne, si on n’aménage pas enfin le fameux statut des fonctionnaires, alors la France aura bien du mal à offrir à ses agents le niveau de rémunération, la reconnaissance et les conditions de travail qu’ils méritent.
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