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Bras de fer engagé par Apple contre la Commission européenne

Il y a 48 heures, Bruxelles a infligé à la firme californienne la plus lourde sanction fiscale de toute l’histoire du vieux continent : Apple devra payer treize milliards d’euros d’amende à l’Irlande. La Commission reproche à la deuxième entreprise la plus riche au monde, de n’avoir payé que 4% d’impôts en dix ans sur les quelques 200 milliards de profits accumulés en Irlande.

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le logo d'Apple dans un Apple Store, à New York (Etats-Unis), le 17 juin 2015. (ERIC THAYER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

En apparence, pour l’Irlande, c’est le jackpot : pensez que treize milliards d’euros, ça représente presque qu’un quart du budget annuel du pays. Il y aurait de quoi tripler les dépenses d’investissement de l’Etat. Et bien figurez-vous que l’Irlande n’en veut pas, qu’elle est furieuse, qu’elle refuse d’encaisser cette amende, et qu’elle va faire appel de cette décision de la Commission européenne. Mieux : toute la classe politique, et une immense majorité d’Irlandais soutiennent leur gouvernement. C’est totalement surréaliste.

Les Irlandais considèrent en fait la décision de Bruxelles comme une intrusion

Comme une remise en cause de leur souveraineté, une remise en cause de leur modèle de développement. Depuis les années 70, Dublin a joué la carte d’une petite économie ouverte, avec une main d’œuvre éduquée, bien sûr parlant anglais, avec, c’est décisif, une fiscalité extrêmement attractive. Son atout maître, c’est une imposition à 12,5% des bénéfices des sociétés, à comparer aux 33% pratiqués en France. Et dans ce système, il y a en plus, des finesses, des accords à l’amiable, qui permettent comme dans le cas d’Apple, de limiter plus encore l’imposition. On est en plein paradis fiscal. Et ça a marché bien sûr : de nombreuses multinationales et presque toutes les entreprises stars de l’internet ont acquis une base irlandaise : Google, Facebook, ou Amazon, par exemple. Derrière, ce sont des milliers d’emplois qui ont été créés, avec promesse d’ascension sociale et de niveau de vie tout à fait confortable. Voilà pourquoi les Irlandais ne veulent pas tuer la poule aux œufs d’or. Déjà pour Apple, la situation est assez baroque : Tim Cook, le patron de la firme, a fait cette incroyable déclaration hier :  "Nous nous retrouvons dans la situation inhabituelle d’être condamnés à payer rétroactivement des impôts à un gouvernement qui dit qu’on ne lui doit rien". Lui aussi devrait faire appel. Car tout ce qu’a fait Apple est légal en droit irlandais.

Ensuite, il y a deux scénarios : d’abord celui des optimistes, qui affirment que le temps des paradis fiscaux est révolu, que l’Europe s’est enfin ressaisie et qu’elle n’acceptera plus qu’un Etat membre capte la manne fiscale de ses partenaires, qu’il se comporte en passager clandestin de l’Union. Et puis il y a le scénario des réalistes, ou des pessimistes, vous diront que ce n’est certainement pas la fin de la concurrence fiscale, du dumping fiscal même en Europe, que la fiscalité n’est pas un sujet partagé, d’ailleurs dans son jugement, la Commission dénonce un mécanisme de distorsion de concurrence, et pas la concurrence fiscale en elle même. Pour ma part, je ferai le pari qu’Apple devra bien payer cette amende record, mais que l’harmonisation fiscale européenne n’est pas pour demain.

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