Bientôt la fin du pétrole ?
Il y a eu deux signaux très intéressants ces derniers jours, qui montrent que certains très gros acteurs commencent à intégrer que le pétrole n’est pas éternel, et mieux : qu’il faudrait pouvoir un jour – si possible pas trop lointain – s’en passer, si on prend au sérieux les enjeux climatiques. Je voudrais donc vous parler de Total, et de l’Arabie Saoudite, qui dans leur registre sont deux géants, deux acteurs extrêmement significatifs.
Total d’abord : le groupe français a annoncé hier qu’il mettait prêt d’un milliard d’euros sur la table pour racheter une entreprise qui fabrique des batteries électriques. Saft, c’est nom, c’est une vieille entreprise française, qui fait aujourd’hui de la très haute technologie. "Le XXIe siècle sera électrique" , a dit ce lundi Patrick Pouyanné pour justifier cette offre d’achat et quand c’est le patron d’une des premières majors mondiales du pétrole qui le dit, bien évidemment, ça a beaucoup de poids.
Pourquoi investir dans des batteries électriques ?
Total prend d’abord acte de toutes les prévisions internationales qui annoncent non pas une disparition, mais une diminution sensible et surtout continue du pétrole. 2 – Total monte en puissance dans le domaine des énergies renouvelables : le groupe avait déjà racheté une très belle entreprise californienne spécialisée dans le solaire, Sunpower, il y a cinq ans et il poursuit cette stratégie. 3 – Total veut se positionner sur la chaine de valeur électrique et la question du stockage de l’énergie est centrale : plusieurs technologies sont en compétition pour réussir à stocker l’énergie et Saft s’affiche déjà comme l’un des leaders mondiaux du domaine. Alors bien sûr, à l’échelle de l’énorme groupe Total, tout cela pèse encore assez peu. Mais les bases de la mutation du modèle économique de ce géant du pétrole sont désormais jetées.
L’Arabie Saoudite a aussi annoncé des mesures spectaculaires
C’est l’autre signe de ces trois derniers jours. Le fils du roi Salman d’Arabie Saoudite a annoncé ce week-end un programme qui ressemble fort à une révolution économique. Le Royaume qui est l’un des deux premiers producteurs mondiaux de pétrole, veut se désintoxiquer de l’or noir. Aujourd’hui 90% des recettes de l’Etat viennent des recettes pétrolières, mais avec l’effondrement des cours, cette rente est en chute libre et le système économique de la monarchie est totalement déstabilisé.
Le prince héritier a annoncé donc un plan de grande transformation, intitulé Vision 2030, pour diversifier enfin l’économie saoudienne : la mesure la plus spectaculaire, en dehors du limogeage du vieux ministre du pétrole qui symbolisait le passé, c’est la création d’un énorme fonds souverain, doté de 2 000 milliards de dollars, dont la mission sera d’investir partout, sauf dans le pétrole bien sûr, dans les plus belles entreprises de la planète. Cela va représenter 10% de la capacité mondiale d’investissement, c’est colossal. C’est un nouvel acteur économique et financier qui est en train d’émerger avec une puissance de feu considérable. Pour l’Arabie Saoudite, réussir cette révolution économique est aussi une question de survie à terme du Royaume. L’après pétrole commence, on peut s’en réjouir, mais le chemin qui y mène ne sera pour personne un long fleuve tranquille.
***Vincent Giret, du journal Le Monde.
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