TikTok : la menace des États-Unis d'interdire le réseau social fait réagir l'Australie et le Canada

Dans ces pays, TikTok chinois fait déjà l'objet d'une interdiction partielle, les membres du gouvernement ne peuvent pas s'en servir sur leur téléphone ou leur ordinateur professionnels. Les débats américains sont suivis de près.
Article rédigé par franceinfo - Grégory Plesse et Justine Leblond
Radio France
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La Chambre américaine des représentants veut contraindre TikTok à couper les ponts avec sa maison mère chinoise ByteDance, sous peine d'interdiction aux États-Unis. Photo d'illustration. (JAKUB PORZYCKI / NURPHOTO / AFP)

Aux États-Unis, la Chambre des représentants a voté, le 13 mars, un texte qui donne six mois au groupe chinois ByteDance, la maison mère de TikTok, pour céder ses parts dans le réseau social. Ce réseau social est extrêmement populaire, mais les relations du groupe, qui le possède avec le gouvernement chinois, font craindre aux autorités américaines des risques sérieux en matière de sécurité.

Les États-Unis ne sont pas les seuls à s'inquiéter, c'est également le cas de l'Australie et du Canada. Depuis presque un an, à l'instar des membres du réseau de renseignements Five Eyes (qui rassemble les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l'Australie), les fonctionnaires australiens et canadiens ont l'interdiction d'installer TikTok sur les téléphones ou les ordinateurs du gouvernement. Les débats américains intéressent donc énormément l'Australie et le Canada.

Australie : pas d'interdiction pure et simple

Près d'un tiers de la population australienne, soit huit millions de personnes, utilise TikTok. Et dans le cas de l'Australie, cette décision d'interdire le réseau social à ses fonctionnaires fait suite à des avis émis par les agences de renseignement et par le ministère de la Justice. Ils estiment que l'utilisation de TikTok pose des risques sérieux en matière de sécurité et de protection de la vie privée. Ils considèrent qu'à l'instar des autres réseaux sociaux, TikTok collecte de très nombreuses données auprès de ses utilisateurs.

Mais la différence avec Facebook ou Instagram par exemple, c'est que ByteDance, la société qui possède TikTok, est soupçonnée par les services australiens de partager ces informations avec le gouvernement et le Parti communiste chinois. Il y a, également, la crainte que cette application serve en quelque sorte de cheval de Troie par le biais de laquelle des informations beaucoup plus sensibles pourraient être obtenues par des espions chinois, d'où cette interdiction d'utiliser TikTok sur des appareils délivrés par le gouvernement. Et le gouvernement australien a expliqué ces derniers jours que, sur la base des conseils que leur ont fournis les services de renseignements, une interdiction pure et simple de TikTok en Australie n'était pas nécessaire.

La Chine, premier partenaire commercial

Mais ce n'est pas l'avis de l'opposition, qui considère que TikTok est moins une entreprise commerciale qu'une extension du gouvernement chinois. Elle a rappelé par exemple que TikTok n'avait pas hésité à exploiter les données de journalistes utilisant l'application pour identifier leurs sources. Mais aussi qu'elle regorgeait de vidéos de propagande favorables à la Chine et que c'était, plus généralement, une mine de désinformation et de fake news, qui pullulent sur TikTok encore plus que sur les autres réseaux sociaux. Le gouvernement australien veut sans doute ménager sa relation avec la Chine, qui malgré des divergences politiques majeures, reste de très loin, le premier partenaire commercial de l'Australie et l'ingrédient indispensable de sa prospérité.

Canada : Justin Trudeau ne se prononce pas

Le Canada n'exclut pas de suivre les États-Unis, s'ils venaient à interdire TikTok, mais sans non plus trop s'avancer. "Le Canada a déterminé qu'aucun téléphone ou appareil gouvernemental ne peut avoir l'application TikTok pour des raisons de sécurité et de sûreté. Nous suivons bien sûr le débat aux États-Unis et je ne peux commenter les examens de sécurité nationale en cours", a réagi le Premier ministre, Justin Trudeau, la semaine dernière après l'annonce du projet de loi américain.  

Le gouvernement canadien a révélé avoir ouvert une enquête fédérale de sécurité nationale sur TikTok en septembre 2023 et l'audit est toujours en cours. Le ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie a expliqué que l'enquête portait sur une possible expansion des activités d'une entreprise au Canada et sur la création d'une nouvelle entité canadienne. Mais aucun autre détail n'a été communiqué.

Le Premier ministre québécois sur Tiktok

Le Canada interdit donc l'utilisation de TikTok sur les téléphones et les appareils du gouvernement depuis un peu plus d'un an et le gouvernement de la province du Québec avait suivi le mouvement. Le Premier ministre québécois, François Legault, plutôt actif sur TikTok, avait arrêté de poster des vidéos sur la plateforme dans la foulée. Mais début mars 2024, il a annoncé son retour sur le réseau social. Le ministère de la Sécurité et du Numérique québécois a indiqué que l'utilisation de TikTok est permise sur les appareils gouvernementaux du Québec, mais uniquement via un navigateur web. Et comme la possibilité d'une ingérence étrangère n'est toujours pas écartée, les téléphones gouvernementaux qui se connectent sur TikTok, comme celui du Premier ministre du Québec, ne sont pas connectés aux données de l'État. 

Les relations entre la Chine et le Canada se sont dégradées ces dernières années. La Chine est notamment soupçonnée d'ingérence lors des dernières élections canadiennes. Du côté des utilisateurs, les créateurs de contenu canadiens espèrent que TikTok ne sera pas banni aux États-Unis. Cette décision les obligerait à se tourner vers d'autres plateformes, comme Instagram, pour continuer à toucher leur public américain.

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