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Tabac : l'Autriche et l'Indonésie tentent de diminuer le nombre de fumeurs

Dans le Club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction Vienne et Jakarta où la lutte contre le tabac connait quelques avancées.

Article rédigé par franceinfo, Isaure Hiace - Gabrielle Maréchaux
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Une usine de tabac à Surabaya en Indonésie, en janvier 2017. (JUNI KRISWANTO / AFP)

Alors que l'Organisation mondiale de la santé publie, mardi 31 mai, un rapport accablant sur l'impact de l'industrie du tabac sur l'environnement, le club des correspondants s'intéresse aujourd'hui à deux pays qui ont récemment connu des avancées dans la lutte contre la consommation de cigarettes. L'Autriche et l'Indonésie.

En Autriche, la lutte contre le tabac fait enfin consensus

L’Autriche a été l’un des derniers pays européens à bannir la cigarette des bars et restaurants. Il a fallu attendre 2019 pour que la consommation de tabac soit totalement interdite dans les lieux de restauration. Pourquoi si tard ? Et bien parce que ce sujet a fait l’objet, ces dernières années, d’une lutte politique. En effet, en 2015, une loi visant à interdire totalement la cigarette dans les bars et restaurants avait été votée par les conservateurs et les sociaux-démocrates. Elle aurait dû entrer en vigueur en mai 2018 sauf qu’entre-temps, le parti d’extrême droite, le FPÖ, est arrivé au pouvoir. Fervent défenseur de la liberté de fumer, le parti a fait pression sur son partenaire conservateur pour que cette loi soit abrogée, ce qui fut le cas début 2018.

Cette décision avait alors provoqué une très vive opposition. En témoigne ce cri de colère, rare en Autriche, du député libéral Matthias Strolz face à ses collègues au parlement : "Il est question de vies humaines ! N'avez- vous donc aucun sentiment ? Ce que vous faites est scandaleux ! Scandaleux ! J'ai honte de notre profession quand je vous vois prendre de telles décisions. C'est une honte!" L’ordre des médecins autrichiens avait de son côté lancé une pétition officielle réclamant une interdiction et qui avait recueilli près de 900 000 signatures.

Il faudra attendre que l’extrême droite quitte le pouvoir pour que l’interdiction soit enfin décidée. Après le scandale de corruption de l’Ibizagate, au printemps 2019, le FPÖ a quitté le gouvernement, c’est alors qu’une loi a enfin pu être adoptée au parlement. L’interdiction est entrée en vigueur le 1er novembre 2019. Si, au début, des opposants à cette mesure ont manifesté, pouvant compter sur le soutien du FPÖ, la loi ne fait aujourd’hui plus débat. Les Autrichiens s’y sont largement habitués. L’objectif, désormais, du ministère de la Santé est de développer la prévention pour inciter la population à arrêter la cigarette car le nombre de fumeurs reste élevé dans le pays : 21% d’Autrichiens affirment en effet fumer quotidiennement.

En Indonésie, un enjeu économique et sanitaire

C’est un pays qui cumule un certain nombre de records en termes de tabagisme. En Indonésie, 70% des hommes fument, 30% des adolescents déclarent avoir goûté pour la première fois à la nicotine avant dix ans et la consommation de tabac chez les enfants semble même en augmentation. L’archipel d’Asie du Sud-Est est le deuxième marché des cigarettes au monde, après la Chine.

Les Indonésiens fument donc beaucoup, mais pas n’importe quelles cigarettes. Il s’agit de kreteks, des cigarettes au clou de girofle qui doivent leur nom à ce bruit de crépitement qu’elles font lorsqu’on les allume ou qu’on les inhale. Elles sont très peu chères, parfumées et remportent donc un grand succès en Indonésie, surtout auprès des hommes. Ces cigarettes sont également un grand business dans le pays, qui est le cinquième producteur mondial de tabac.

D’après la Banque Mondiale (en anglais), ce serait ainsi plus d’un million d’Indonésiens qui dépendrait de la seule manufacture de kretek pour vivre. Pays producteur comme consommateur, l’Indonésie semble donc avoir du mal à trancher entre santé publique et bénéfice financier. Le prix des cigarettes a certes augmenté mais elles restent très peu chères, ce qui rend difficile la lutte contre le tabagisme. Dans certaines régions, ce n'est que très récemment que des autorités ont, par exemple, décrété qu’il était interdit de fumer dans les hôpitaux.

>> Indonésie: des enfants employés dans l'industrie du tabac au péril de leur vie

Et si la manne du tabac enrichit l’Indonésie, elle coûte bien sûr également des vies - 200 000 par an - et de l’argent sonnant et trébuchant au pays jusqu’à 1,2 milliard de dollars par an, c'est à dire, selon l’OMS, jusqu’à 8% des dépenses de santé publique. Car les cinq premières causes de décès des Indonésiens sont liées au tabac. Des Indonésiens dont les poumons sont en plus particulièrement fragilisés par ailleurs par la pollution atmosphérique.

Le fléau du tabagisme est tel, qu’il est même devenu un enjeu religieux. Face à l’industrie du tabac, à l’image de virilité souvent indissociable d’une cigarette au bec, les institutions religieuses indonésiennes ont tenté de se prononcer pour endiguer les ravages de la nicotine. Ainsi la deuxième organisation musulmane du pays, qui revendique plus de 50 millions de membres a décrété la cigarette et le vapotage "haram" (impur). L’implication des autorités religieuses en Malaisie voisine a eu un effet non négligeable sur la prévention contre le tabagisme. Mais en Indonésie, d’après les premières études faites sur les conséquences de tels positionnements, cela n’a que peu d’effets sur les fumeurs. Ces mises en garde religieuses pourront peut-être au moins empêcher les non-fumeurs de commencer.

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