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Procédure de destitution de Donald Trump : trois exemples de pays où le chef de l'État est parti avant la fin de son mandat

Dans le Club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se fait ou se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction le Pérou, le Mali et la Corée du Sud.

Article rédigé par franceinfo - Nicolas Rocca, Kaourou Magassa et Eric Samson
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6 min
Destituée en 2017 dans un retentissant scandale de corruption, l'ex-présidente sud-coréenne Park Geun-hye (ci-contre en mai 2017) purge actuellement une peine de 20 ans d'emprisonnement.  (SONG KYUNG-SEOK / POOL / KYODONEWS POOL)

Alors que le président sortant américain Donald Trump est sous le coup d'une nouvelle procédure de destitution, à neuf jours de l'investiture de Joe Biden, le Club des correspondants de franceinfo s'intéresse à d’autres exemples de destitution de chefs d’État dans le monde et à leurs conséquences. Direction le Pérou, le Mali et la Corée-du-Sud.

En Corée du Sud, la présidente finit en prison

La Corée du Sud aussi a connu un processus de destitution abouti, celui de l’ex-présidente conservatrice Park Geun-Hye, aujourd’hui en prison. La fille du dictateur militaire qui a dirigé la Corée pendant près de vingt ans, a été demise de ses fonctions en 2017 après plus de trois années au pouvoir.

Ce qui a fait tomber l’ex-présidente Park, c’est le scandale dit "Choï Soon Sil", du nom de la meilleure amie de Park Geun-Hye, mais aussi sa gourou. Cette affaire éclate en 2016 et a ébranlé une partie du monde politico-financier sud-coréen. Elle  symbolise surtout les liens étroits entre les chaebols, les immenses conglomérats comme Samsung, et le pouvoir politique. Cette Choï, amie d’enfance de la présidente, usait de son pouvoir pour nommer des responsables au gouvernement, corriger les discours de la cheffe d’État, mais a surtout détourné des dizaines de millions de dollars. Un scandale immense qui a entraîné une réaction majeure de l’opinion publique sud-coréenne, lassée par des années de corruption et des scandales financiers à répétition. Park Geun-Hye a été officiellement destituée en mars 2017 et 15 jours plus tard, elle s’est retrouvée en prison, qu’elle n’a plus quittée depuis. 

Est-ce que cette destitution a changé la vie politique sud-coréenne ? À court terme, il y a eu une alternance au pouvoir, les démocrates ont pris un poids politique considérable. Mais la corruption au plus haut niveau de l'État est presque une banalité dans le pays. Depuis la démocratisation, seul un président a échappé aux accusations de corruption, et le gouvernement actuel ne semble pas épargné, malgré une communication constante sur des nouvelles institutions anti-corruption. L’affaire Park Geun-Hye, elle, n’est pas terminée. La Cour constitutionnelle doit valider jeudi 14 janvier les 20 années d'emprisonnement auxquelles l’ex-présidente a été condamnée. Mais cela pourrait entraîner une procédure de pardon présidentiel, appelé de ses vœux par une partie de la classe politique.

Au Mali, un coup d'État renverse le président IBK

Deux ans jour pour jour après sa réélection pour un second mandat, Ibrahim Boubacar Keita, aujourd'hui ex-président du Mali, subit un coup d'État éclair le 18 août dernier. Ce jour-là, ce sont de jeunes colonels qui prennent le pouvoir, mais c'est bien le contexte social qui aura favorisé sa chute. Les élections législatives de mars-avril voient en effet la Cour constitutionnelle inverser les résultats des urnes au profit de candidats de la majorité présidentielle. Cette décision, sans possibilité de recours, entraîne la formation d'une coalition hétéroclite de partis politiques et d'organisations de la société civiles autour de l’imam Dicko, pourfendeur du régime depuis plusieurs années. Un vendredi sur deux à partir du 5 juin, ils vont battre le bitume de Bamako pour réclamer la démission du président de la République malienne.

Dans les rues, chacun y va de ses revendications et des ses motifs. La lutte contre la corruption face à la gabegie du clan présidentiel et la lutte contre l’insécurité dans un pays en guerre sont au centre de la contestation. La médiation de la Cedeao n'y changera rien, le dialogue entre le pouvoir et l'opposition est rompu malgré la mise en place d'un gouvernement d’ouverture. Du 10 au 13 juillet, 14 civils, dont deux enfants, seront tués par les forces de l'ordre qui font un usage disproportionné de la force, selon un rapport détaillé de la mission des Nations unies au Mali. Un peu plus d’un mois plus tard le régime s’efffondre après l’arrestation du président de la République, accompagné de son Premier ministre, dans son domicile privé.

Dans une interview au magazine Jeune Afrique, le président francais Emmanuel Macron déclarait que la transition en cours est militaire et pas démocratique. La France, qui combat le terrorisme au coté des autorités maliennes, n’a pourtant pas rompu ses engagement et travaille de concert sur des opérations communes avec l’armée malienne. Dans ce cens, le coup d'État n’aura pas changé grand chose. Aujourd’hui, tous les organes de la transition sont opérationnels. Ce gouvernement qui donne la place à toutes les sensibilités est trusté par les militaires sur les postes stratégiques. Cette transition a pour principal mission d’organiser de futures élections permettant un retour des civils au pouvoir. Mais avec le coup d’État du 18 août et le décès de Soumaila Cissé en décembre dernier, figure de l’opposition et grand favori, le Mali fait face à une absence d’offre politique conséquente.

Au Pérou, l'instabilité règne depuis cinq ans

Depuis mi-2016, le pays a connu quatre présidents dont un seul, Pedro Pablo Kuczynski, a gagné l’élection présidentielle. Les autres ont assumé le pouvoir après des épisodes polémiques de démissions et destitutions.

En cause d'abord, le calendrier. À la différence de la France, où une élection présidentielle est suivie par les législatives, et où les électeurs ont tendance à donner une majorité au président élu, au Pérou c’est l’inverse. Le second tour de la présidentielle est organisé alors que le Congrès a déjà été élu. Donc s’il n’a pas de majorité, et c’est fréquent dans un pays où l’émiettement politique est fort, le président élu va au devant des difficultés. C’est ce qui est arrivé en 2018 à Pedro Pablo Kuczynski, qui a démissionné la veille du jour où les députés d’opposition majoritaires allaient voter pour sa destitution.

Au Pérou, il est facile de destituer un président. Un chef d'État peut d’abord être destitué à la suite d'un procès politique, mais seulement pour trahison à la patrie, pour bloquer l’organisation des élections, pour dissoudre illégalement le Congrès, empêcher son bon fonctionnement ou celui des organismes électoraux. Ce n’est quand même pas si fréquent. Et puis, il y a aussi une disposition constitutionnelle très vague en cas d’incapacité morale ou physique du président. Une notion qui n’est pas définie et laisse la porte ouverte à bien des abus. Le 2 novembre dernier, le président Martin Vizcarra, accusé de corruption, a été destitué alors qu’il n’a pas été condamné par la justice et qu’il n’a eu droit qu’à une heure pour se défendre, ce qui pour beaucoup est une menace à l'État de droit.

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