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Les appels au boycott de produits israéliens ou de leurs soutiens, en Turquie et en Malaisie

Le club des correspondants part en Turquie et en Malaisie où, en soutien aux Palestiniens, les consommateurs sont appelés à bouder les marques jugées trop solidaires d'Israël.
Article rédigé par franceinfo, Marie-Pierre Vérot - Juliette Pietraszewski
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Izmir, en Turquie, un sticker avec la marque Fanta rayée et le #boycott, appelant au boycott des produits américains, en soutien aux Palestiniens, le 7 novembre 2023. (MURAT KOCABAS / MIDDLE EAST IMAGES / AFP)

Depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, le 7 octobre, certains pays observent des vagues de boycotts de marques et d’enseignes jugées trop proches d’Israël. Le club des correspondants part en Turquie - l’un des pays les plus en pointe pour dénoncer les massacres commis à Gaza par l’armée israélienne - et en Malaisie, en Asie du Sud-Est, un pays à majorité musulmane, qui a toujours historiquement soutenu les Palestiniens et qui n’entretient aucune relation diplomatique avec Israël.

En Turquie des Starbusks et des McDonalds pris pour cible

Il y a le boycott classique de produits israéliens ou américains, les États-Unis étant perçus comme soutiens indéfectibles de l’État hébreu. Cela a commencé fin octobre avec la décision des chemins de fer turcs de retirer de la vente sur les lignes à grande vitesse tous les produits de Starbucks, en réaction aux poursuites engagées aux États-Unis contre un syndicat du groupe après un tweet pro-palestinien. Puis, le 6 novembre, le Parlement a retiré de ses restaurants les produits de Coca-Cola et Nestlé. Une décision qui n’a pas créé de polémique politique car l’ensemble des partis soutient la cause palestinienne et accuse Israël de massacres à Gaza.

De nombreuses municipalités, souvent dirigées par l'AKP, le parti du président, ont annoncé des boycotts similaires et leurs militants organisent des "sit ins" dans différents cafés ou restaurants en brandissant des drapeaux palestiniens. Plusieurs cafés Starbucks ou des McDonalds ont été vandalisés à Ankara, Istanbul, Adana ou Diyarbakir, dans l’est du pays. Au début du mois, le plus jeune fils du président turc, Bilal Erdogan, avait d’ailleurs établi une gradation dans les boycotts, d’abord les entreprises qui soutiennent ouvertement Israël, puis celles qui ne condamnent pas Israël et enfin celles qui ne soutiennent pas la cause palestinienne.

Sur un autre plan, des universités, dont l’université très réputée de Bogazici, à Istanbul, ont aussi mis un terme à toute collaboration académique avec les institutions israéliennes et les chercheurs israéliens, qui "ont choisi de garder le silence ou qui soutiennent le traitement des civils palestiniens par Israël, tant qu’un cessez-le-feu durable n’aura pas été établi". Ces explications figurent dans un communiqué publié en turc, en anglais et en arabe. Enfin à Istanbul, des municipalités tenues par l’AKP ont choisi, ce week-end, d’utiliser le système de paiement turc Troy plutôt que les systèmes internationaux liés aux États-Unis.

Ce boycott émane essentiellement des institutions ou du parti au pouvoir, l’AKP, mais les Turcs continuent à fréquenter les enseignes ciblées. Ce week-end encore, un café Starbucks pris pour cible à Istanbul était bondé. La population sympathise profondément avec la cause palestinienne mais ne suit pas vraiment le boycott. D’ailleurs le gouvernement reste lui aussi pragmatique. Ainsi la Turquie n’a pas répondu à l’appel de l’Iran au début du mois à cesser tout commerce pétrolier avec Israël et à rompre les relations diplomatiques. Ankara a rappelé son ambassadeur mais se garde bien de couper les ponts. Le président Erdogan se veut toujours un acteur clé de la résolution du conflit.

En Malaisie, les enseignes visées victimes d'une baisse de clientèle

Sur les réseaux sociaux, les appels aux boycotts de divers produits et chaînes sont nombreux au sein de la société civile. Et même certains influenceurs connus des Malaisiens prennent ouvertement la parole depuis plusieurs semaines pour appeler "à ne rien lâcher". C’est le cas de Vivy Yusof, une entrepreneuse connue dans le pays. Elle a publié une vidéo sur son compte Instagram soulignant, par exemple, la possibilité de s’affranchir dans la vie quotidienne, de chaînes de restauration jugées trop proches d’Israël. "Nous ne sommes pas sans espoir, on est tellement nombreux. Continuez à prier, à faire des dons, à en parler, à poster, à boycotter. Aujourd’hui, je voulais acheter une pizza, au lieu d’en prendre une chez une chaîne connue, j’ai acheté une pizza chez une enseigne locale… On peut y arriver les amis. Free Palestine !"

Outre les influenceurs, ce boycott semble suivi par de nombreux Malaisiens. Dans une galerie marchande de Kuala Lumpur, beaucoup expliquent qu’ils voyaient ce boycott comme un moyen de montrer un soutien au peuple palestinien. "Le moins que je puisse faire, à part prier et faire des dons, c’est de juste boycotter des marques… Dans l’espoir que ça leur enverra un message : nous n’approuvons pas cette violence et cette oppression. Et même si ça n'a pas beaucoup de répercussions, au moins mon argent n’est pas volé avec le sang de ces Palestiniens civils et innocents", détaille Amanda, une Malaisienne musulmane.

L’ampleur de ce boycott est difficile à quantifier, parce que les marques concernées, qui sont pour beaucoup américaines, n’ont pas communiqué sur les pertes potentielles de ce boycott en Malaisie. McDonalds Malaysia a publié un communiqué sur la situation, témoignant de la réalité du mouvement. Certaines enseignes ont été contraintes de réduire le temps de travail de certains salariés. Divers employés malaisiens des enseignes visées par le boycott ont pris la parole sur les réseaux, alarmés par une baisse de la clientèle, rappelant qu’ils sont pour la plupart musulmans malais, et touchés, eux aussi, par ce mouvement. En Malaisie, d’autres boycotts de marques jugées trop proches d’Israël ont déjà eu lieu par le passé.

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