La Corée du Sud et l'Allemagne refusent de livrer des armes létales à l'Ukraine
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, les pays qui refusent de distribuer des armes offensives à l'Ukraine, comme la Corée du Sud et l'Allemagne.
Des véhicules blindés, de l'artillerie, des hélicoptères, le président américain Joe Biden a donné son feu vert mercredi 13 avril à une nouvelle aide militaire massive à l'Ukraine, avec des équipements plus lourds que ceux livrés jusqu'ici. Néanmoins au cinquantième jour de guerre en Ukraine, certaines nations refusent toujours de livrer des armes létales à l'Ukraine. C'est le cas notamment de l'Allemagne et de la Corée du Sud. Dans ces deux pays, la question divise les parlementaires et la population, même si la position de Séoul et Berlin pourrait évoluer.
En Corée du Sud, pas de livraison d'armes létales disent les parlementaires
Parmi les pays alliés des États-Unis qui refusent de livrer des armes à l'Ukraine, il y a la Corée du Sud. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est pourtant exprimé devant les parlementaires en début de semaine, mais il a reçu un accueil mitigé, bien loin des ovations et hémicyles remplis de Bruxelles ou Paris. Lors de son discours, seuls 50 députés sud-coréens étaient présents, soit 1/6e de l'assemblée.
Le président ukrainien a tenté de convaincre en évoquant l'histoire du pays : "Vous vous souvenez quand dans les années 1950 vous avez été attaqués par ceux qui souhaitaient détruire votre liberté. Ils ont détruit, ils ont tué. Que resterait-il de votre identité s’ils avaient réussi ?"
"C’est une question horrible. Mais vous avez tenu et le monde vous a aidé. Maintenant nous voulons la même chose."
Volodymyr Zelensky
Cette référence à la guerre de Corée avait pour objectif clair de demander une extension de l’aide coréenne, jusqu’ici cantonnée à 10 millions de dollars d’armes non-létales et d’aide humanitaire. Le dirigeant ukrainien qui a également ajouté avoir besoin "de système de défense aérien, d’avions, de tanks et d’autres véhicules blindés, de système d'artillerie et de munitions. Vous avez ce qui est indispensable pour nous". Mais quelques heures avant le discours, le ministère de la Défense sud-coréen avait déjà évacué toute possibilité de livraison d’armes létales à l’Ukraine.
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Si on n'imagine pas, dans l'immédiat, voir la position sud-coréene évoluer, le discours de Volodymyr Zelensky a marqué les esprits à Séoul. De nombreux journaux se sont emparés de l’affaire, comme le Korea Times, ou le Chosun Biz, pointant du doigt l’absence d’action des autorités ainsi que l’accueil très froid des parlementaires. Le gouvernement sud-coréen a jusqu’ici évoqué la situation sécuritaire tendue et la nécessité pour le pays d’être prêt militairement afin de refuser les demandes ukrainiennes. Une référence aux tensions avec le voisin nord-coréen. Cette excuse semble en réalité masquer la stratégie de "l’en même temps" caractéristique de l’administration Moon Jae-in, prise en étau entre l’allié militaire américain, le principal partenaire économique chinois et le puissant voisin russe.
Pékin et Moscou sont aussi vus comme de potentiels atouts pour améliorer les relations avec la Corée du Nord. Mais cette posture pourrait évoluer à partir du 10 mai, lors de l’arrivée au pouvoir de Yoon Seok-yeol. Le nouveau président très conservateur est partisan d'un alignement bien plus important de Séoul avec Washington sur les questions internationales.
En Allemagne, les députés font pression sur le chancelier
Pour le moment, le nouveau chancelier allemand Olaf Scholz refuse de livrer des armes létales à l'Ukraine. Il considère en fait qu'il a déjà opéré une révolution au niveau de l’Allemagne qui n’avait jamais livré des armes à un pays en guerre. Des armes qui entrent dans la catégorie "défensive", c’est vrai, mais pour lui ce sont déjà des armes. Et si dans les premières semaines de cette invasion russe, Olaf Scholz pouvait encore se prévaloir de la solidarité de sa coalition, de ses ministres, c'est aujourd'hui fini. Il est obligé de peser de tout le poids de sa fonction pour aller contre sa ministre de la Défense et contre ses alliés.
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Il gouverne avec deux autres partis : les libéraux du parti FDP, dont l’une de ses dirigeantes, Marie-Agnes Strack-Zimmermann, préside la commission de la défense au Bundestag. Elle explique que l’Allemagne n’a aucun plan, aucune volonté et aucune capacité à livrer des armes. Les stocks de l’armée, la Bundeswehr sont au plus bas. Le matériel doit donc venir directement des industriels, des fabricants allemands mais il manque l’impulsion politique.
Et l'autre allié, les Verts, le parti à priori le plus difficile à convaincre, du fait de sa longue tradition pacifiste. Et bien pas du tout ! Ils font preuve d’un "réalisme surprenant", comme le confirment ces quelques mots du président de la commission des affaires européennes au Bundestag, l’écologiste Anton Hofreiter : "J'ai l'impression que M. Scholz ne se rend pas compte des graves dommages qu'il cause à l'image de l'Allemagne en Europe centrale, en Europe de l'Est, en fait dans toute l'Europe.
"Il doit enfin faire preuve de responsabilité et il est urgent que le chancelier change d'avis".
Anton Hofreiter
Si Olaf Scholz résiste pour l'instant, certains le disent paralysé par les enjeux. Le social-démocrate à succédé à 16 années d'Angela Merkel en décembre dernier, et deux années de pandémie. Il avait sans doute espéré pour lui-même et pour les Allemands un début de mandat plus simple. Il n’en est rien. Ces évènements graves appellent des décisions fortes et une orientation claire. On le sent parfois hésitant, brinquebalé entre la nécessité de défendre des valeurs de solidarité avec l’Ukraine et ce qu’il traîne désormais comme un boulet, à savoir l’échec de la politique russe de l’Allemagne dont il hérite. EIl était déjà dans le précédent gouvernement et son parti social-démocrate, le SPD, est montré du doigt en permanence ces jours-ci comme ayant été une force politique largement pro-russe. C'est ce qui explique que pour l'instant, la livraison de ces armes létales à l'Ukraine est bloquée.
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