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La conférence internationale sur la Libye suivie de très près par l'Italie et la Russie

La conférence internationale sur la Libye se tient à Paris vendredi 12 octobre. Pour l'Italie comme pour la Russie, la situation politique et économique de la Libye sont des enjeux fondamentaux.

Article rédigé par franceinfo - Bruce de Galzain et Sylvain Tronchet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Emmanuel Macron et le Premier ministre Italien Mario Draghi à la conférence internationale sur la Libye. (LUDOVIC MARIN / AFP)

La crise politique libyenne dure depuis 10 ans, depuis la chute du dictateur Mouamar Khadafi. La Libye fait vendredi 12 novembre l'objet d'un sommet international à Paris, co-présidé par l'Allemagne et l'Italie. La Russie suivra la situation de près dans ce pays synonyme de tension avec la Turquie.

Pour l'Italie, la stabilité politique et économie de la Libye est essentielle

Le président du Conseil italien, Mario Draghi, participe à ce sommet. La plupart des migrants qui débarquent sur les côtes italiennes à Lampedusa ou en Sicile proviennent de Libye et l'Italie cherche depuis des années à maîtriser ces flux de réfugiés depuis le printemps arabe notamment, lorsque des Tunisiens puis des Libyens et de nombreux migrants ont cherché à quitter leurs pays. A l'époque, la Libye était le principal allié de l'Italie en Méditerranée. La Libye, l'une des rares colonies italiennes jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après la chute du colonel Kadhafi le pays est tombé dans le chaos. Depuis, l'Italie a signé des accords plus au moins controversés avec la Libye pour lutter contre les organisations criminelles de passeurs mais l'Italie a aussi des intérêts économiques importants en Libye avec l'exploration et l'exportation de gaz et de pétrole. La compagnie italienne ENI est le premier producteur étranger en Libye. La stabilité économique du pays est donc essentielle pour l'Italie, aussi bien pour contenir les migrations que gagner de l'argent avec les ressources naturelles.

L'Italie semble donc sur la même longueur d'onde que la France. Mais ce n'était pas le cas lorsque Matteo Salvini était au pouvoir. La période a bien changé. Matteo Salvini, à l'époque ministre de l'Intérieur, il y a trois ans, accusait la France sans la citer certes mais personne ne s'y trompait. Le chef de l'extrême-droite accusait Paris de mettre en péril la stabilité de la région pour ses propres intérêts économiques. A l'époque, les combats s'intensifiaient dans la ville de Tripoli et pour Matteo Salvini, l'intervention de la France, avec l’OTAN en 2001 puis la chute et la mort de Kadhafi, était responsable de la situation actuelle et notamment des flux de réfugiés qui quittaient le pays pour rejoindre l'Europe par l'Italie. C'est toujours le cas aujourd'hui, mais Matteo Salvini n'est plus au gouvernement et la coopération est bien meilleure entre Mario Draghi et Emmanuel Macron en Afrique du Nord. Rome, Paris et Berlin se disent sur la même ligne pour renforcer le poids de l'Europe en Libye notamment ! 

La Libye, terrain d'affrontement entre la Russie et la Turquie

Le président russe Vladimir Poutine ne participe pas à ce sommet parisien, mais il a envoyé son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Le territoire libyen, pour la Russie, c'est aussi un terrain d'affrontements avec une autre puissance de la région. Russes et Turcs ont chacun choisi leur camp en Libye. Quand les Russes soutiennent militairement le maréchal Haftar, l'homme fort de l'Est de la Libye, la Turquie, elle, a déployé dans le pays des troupes auprès du gouvernement établi à Tripoli. L'année dernière, alors que les troupes du maréchal Haftar, appuyées par des mercenaires russes, étaient toutes proches de reprendre la capitale libyenne, l'intervention des conseillers militaires turcs et surtout des drones fabriqués par Ankara ont été décisifs et ont permis au gouvernement libyen de garder le contrôle de Tripoli. Aujourd'hui, on est dans une espèce de conflit gelé où chacun campe sur ses positions.

L'un des objectifs de la conférence de Paris, c'est d'obtenir le départ des troupes étrangères de la Libye, et notamment des Russes et des Turcs. Cela ne sera pas simple car Ankara ne semble pas très pressé d'engager le retrait de ses forces et du côté russe c'est encore plus compliqué parce que Moscou affirme qu'il n'a rien à voir avec la présence de plusieurs milliers de mercenaires du Groupe Wagner, une société privée de sécurité, qui n'a officiellement pas d'existence en Russie mais qui se trouve sur plusieurs théâtres d'opérations où le Kremlin avance ses pions. C'est le cas au Mali également. Jeudi 11 novembre au soir, le camp du maréchal a malgré tout annoncé qu'il allait faire rapatrier 300 mercenaires étrangers à la demande de la France mais on ne connaît pas leur nationalité.

D'autant que Russes et Turcs n'ont pas que des objectifs militaires en Libye. Il y a aussi des objectifs économiques. La Libye possède les deuxièmes réserves d'Afrique de pétrole. L'an dernier, la Turquie a signé un accord avec le gouvernement libyen pour procéder à des recherches pétrolières. Et puis il y a aussi des objectifs diplomatiques. Russes et Turcs jouent parfois un double jeu. Ils s'affrontent en Libye, mais signent par ailleurs des accords de coopération militaire. Les Russes ont notamment livré des missiles anti aériens à la Turquie. Ils pourraient bientôt construire ensemble des navires de guerre, des avions. La Turquie a beau être membre de l'OTAN, elle peut se retrouver sur la même ligne que Moscou quand il s'agit de contrarier Washington, et la Russie, évidemment, ne manque jamais de saisir ce genre d'occasion.

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