Harcèlement scolaire : des phénomènes particuliers en Allemagne et au Canada

Avec le fléau du harcèlement scolaire, on observe une augmentation des violences physiques en Allemagne, ainsi qu'une hausse de l'intolérance assumée au Canada. Nos correspondants sur place décrivent la situation.
Article rédigé par David Philippot - Justine Leblond
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Les victimes de harcèlement sont majoritairement confrontées à des messages d’insultes ou à des fausses rumeurs sur les réseaux sociaux. Photo d'illustration (LIONEL VADAM / MAXPPP)

Partout dans le monde, on voit depuis la pandémie une augmentation du harcèlement scolaire, notamment du cyberharcèlement. En Allemagne, un collégien sur six dit en être victime, selon une étude publiée en janvier 2024 par une caisse d’assurance maladie. Et dans ce pays, on voit beaucoup d'agressions verbales se transformer en violences physiques. Les écoles ont du mal à faire face à la situation.

Au Canada, c'est un autre phénomène qui apparaît. Des discours discriminatoires très assumés venant du pays voisin, les États-Unis, influencent les jeunes sous couvert de "liberté d'expression" et provoquent encore une hausse des brimades et des intimidations.

En Allemagne, un élève sur cinq subit plusieurs situations humiliantes chaque semaine

Selon les données de l'OCDE recueillies dans le cadre de la dernière étude PISA concernant l’Allemagne, un élève sur cinq âgé de 15 ans est exposé à du harcèlement très fréquent. Par "très fréquent", les auteurs parlent de plusieurs situations humiliantes vécues chaque semaine. Seuls 28% des adolescents interrogés l’an dernier disent ne jamais avoir été harcelés via internet. Les victimes sont majoritairement confrontées à des messages d’insultes ou à de fausses rumeurs, le plus souvent véhiculés via WhatsApp ou Snapchat.

De plus, ces attaques virtuelles conduisent à des agressions bien réelles. Des menaces ou des attaques mortelles au couteau ont été recensées dans les écoles. Un pistolet a même été volé dans le coffre-fort des parents par un élève de 15 ans, en novembre 2023 à côté de Stuttgart.

Seules, la moitié des écoles parlent en classe de ce problème

Des scénarios d’agressions, copiés sur Tiktok, alimentent la chronique des faits divers du pays. Il s'agit d'attaques de la part d'un agresseur, ou bien d'une victime qui se venge des humiliations subies, parce qu’elle est corpulente, parce qu’elle est trans, parce qu’elle est victime de préjugés racistes ou religieux.

Souvent les chargés de la lutte contre les discriminations sont impuissants à endiguer ce phénomène. Selon les experts, la moitié des écoles seulement prend ce problème à bras-le-corps, en provoquant des discussions ouvertement en classe. Les autres minimisent le phénomène ou rejettent la faute sur la victime. Les mêmes experts encouragent donc toutes les victimes à parler du harcèlement autour d’elles.

Au Canada, une vraie différence de comportement depuis la pandémie

Le Canada, pourtant connu pour être une société assez calme, n’échappe pas à la hausse du harcèlement scolaire. Depuis la pandémie, il est en hausse dans les écoles. D’après une étude sortie en janvier 2024, un quart des 12-17 ans au Québec disent avoir vécu de l’intimidation à l’école ou en ligne.

Sur le terrain, le directeur de l’organisme Ensemble pour le respect de la diversité, Rafaël Provost, constate une vraie différence dans les comportements depuis la pandémie, période où l’on a passé beaucoup plus de temps sur nos téléphones et donc sur les réseaux sociaux. "Les jeunes sont hypersensibles à ce qu’il se passe dans l’univers des médias sociaux, explique-t-il. On le voit dans certaines classes. Dans des écoles où l'on va, il y a des jeunes qui lèvent la main pour dire 'moi je suis raciste', 'moi je suis homophobe et c’est de la liberté d’expression', et ça nous arrive chaque semaine. En tant qu'organisme, ça nous inquiète. Ce n’est pas la majorité mais c’est une minorité qui est quand même assez vocale." Ces discours ont comme conséquence une hausse du harcèlement, qui se traduit en violence verbale ou physique dans les écoles.

Une intolérance assumée par certains comptes américains

La plupart de ces discours exacerbés arrivent des États-Unis. Avec les réseaux sociaux, les frontières sont modifiées et les jeunes Canadiens ont accès à des comptes américains qui peuvent parfois être problématiques, explique Rafaël Provost : "Il y a des mouvements anti-LGBTQ+, il y a aussi le mouvement anti-avortement, rapporte-t-il. Le mouvement masculiniste prend énormément de place. On a senti une montée du sexisme dans les écoles ici. Donc ce qu’il se passe aux États-Unis, ça arrive très souvent chez nous, pas au même degré, mais on le sent."

Pour prévenir les comportements sujets au harcèlement et à l’intimidation, des ateliers de sensibilisation auprès des jeunes sont financés par les gouvernements du Canada, même si les organismes souhaiteraient en faire davantage.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.