Environnement : le Chili, la Thaïlande et la Tunisie face au défi des déchets importés
Des activistes écologistes tunisiens viennent de remporter une victoire contre l'import de déchets de pays occidentaux. Dans d'autres pays, la question de l'import de ces déchets se pose et semble difficile à régler.
Comment lutter contre l'import, légal ou illégal, de déchets depuis des pays aisés vers des pays pauvres ? De plus en plus de pays refusent désormais d'être une terre d'arrivée pour les poubelles des occidentaux. Mais ces politiques ne sont pas forcément faciles à mettre en place. C'est souvent la société civile qui est le moteur de ces actions.
En Tunisie, retour des déchets à l'envoyeur
En Tunisie, le scandale des poubelles italiennes arrivées illégalement a enfin trouvé son épilogue, samedi 19 février. Un navire avec 213 containers bourrés de déchets ménagers a repris la mer depuis le port de Sousse vers l'Italie, d'où provenaient les poubelles. Ces milliers de tonnes de déchets étaient arrivées en 2020, à la faveur d'un accord entre les mafias italienne et tunisienne. Or, ces containers ont été récupérés à leur arrivée et de jeunes activites tunisiens se sont emparés du dossier pour ne plus jamais le lâcher.
Cette victoire retentissante des activistes écologistes s'est appuyée sur la convention de Bâle, qui interdit l'exportation de déchets dangereux. La Tunisie n'ayant pas les infrastructures nécessaires pour faire du tri, tous les déchets sont par conséquent considérés comme dangereux, dès lors qu'ils finissent enfouis dans le sol car ils peuvent contaminer les nappes phréatiques et empoisonner les habitants.
"Quand l'Europe reçoit des jeunes Tunisiens sur son sol, elle se bouche le nez. En revanche, quand elle déverse ses ordures sur le territoire africain, il n'y a pas de problème. Il faut que ça cesse", plaide Houssem, 39 ans, qui fait partie des activistes écologistes ayant lutté contre l'arrivée de ces déchets. Après deux ans de combat acharné de la société civile tunisienne, il rappelle que l'Europe doit augmenter ses contrôles.
En Thaïlande, une question économique
L'Asie du Sud-Est est, elle aussi, touchée par l'arrivée massive de déchets en provenance d'autres pays. Ainsi, la Thaïlande voit des décharges à ciel ouvert déborder autour de ses villes, surtout depuis que la Chine a arrêté les imports en 2017. Les communautés ne savent plus comment gérer cet excès de déchets plastiques. Le gouvernement avait pourtant promis de cesser les imports en 2020 mais, sous la pression des lobbies des industries concernées, les imports ont continué à raison d’autour de 300 000 tonnes de déchets importés par an. À cela s’ajoute une production domestique de déchets ménagers en pleine explosion, notamment à cause de l’augmentation des déchets médicaux. La seule ville de Bangkok produit 8 000 tonnes de déchets par jour.
Un nouveau plan gouvernemental voudrait imposer un quota d’importation de 250 000 tonnes en 2022, censé diminuer progressivement de 20% par an jusqu’à une interdiction totale en 2026. Mais depuis peu la société civile thaïlandaise s’est emparée de ces questions et exige plus d’action de la part du gouvernement. Ainsi, plus d’une centaine de groupes citoyens sont mobilisés sur ces questions. Ils exigent l’arrêt immédiat de l’import de déchets plastiques et font valoir non seulement les dommages environnementaux et de santé publique mais aussi les dommages économiques pour les plus fragiles.
En effet, depuis le début de son ère industrielle, la Thaïlande a vu l’émergence des petits recycleurs, qui vont collecter les déchets ménagers de maison en maison. Ils les trient et les revendent ensuite aux décharges locales en vue du recyclage. L’import massif de plastique, en faisant baisser les prix sur le marché intérieur, menace les revenus de centaines de milliers de petits revendeurs.
Au Chili, l'import des déchets de la mode
Le Chili est lui le plus gros importateur de fripes du continent sud américain. En effet, 90% de ces vêtements usagés envoyés en Amérique du Sud - qui viennent des États-Unis et d'Europe - arrivent dans ce pays. La majeure partie termine en montagnes de déchets toxiques pour les riverains et pour l'environnement, dans des décharges sauvages aux portes du désert d'Atacama, dans le nord du Chili.
Les chargements arrivent dans la zone franche du port d'Iquique mais les grossistes locaux n'en commercialisent qu'une petite partie. Sur 60 000 tonnes de vêtements importées chaque année, près de 40 000 finissent dans les décharges sauvages. Or, il s'agit surtout de vêtements synthétiques, dérivés du pétrole. Quand ils ne sont pas brûlés, ce qui dégage des fumées nocives pour la santé, ils se transforment sous l'effet du soleil et du vent en microparticules de plastique qui polluent, le sol, l'air, puis l'océan juste à côté. C'est un désastre pour l'environnement et pour les habitants les plus pauvres qui vivent là. Mais la loi chilienne n'oblige pour l'instant pas les commerçants à prendre en charge le traitement ou le recyclage de ces déchets de l'industrie de la mode.
Le nouveau président de gauche, Gabriel Boric, affirme que l'environnement est l'une de ses priorités. Il a ainsi nommé comme future ministre de l'Environnement une climatologue qui est aussi l'une des expertes du Giec. Dans une interview, elle a appelé le mois dernier les commerçants à cesser d'importer ces déchets au Chili. "Les pays développés doivent aussi assumer leurs responsabilités", a-t-elle ajouté, car "ce qu'il se passe ici a des conséquences environnementales à l'échelle planétaire".
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